Edito : L'excès de poids : un fléau de civilisation qu'il faut combattre à la racine
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Le Sénat a adopté en deuxième lecture, le 9 juillet dernier, le projet de loi sur la politique de santé publique, après l'avoir amendé notamment quant aux modalités de la lutte contre l'obésité. Le débat a porté principalement sur la lutte contre l'obésité chez les jeunes, en augmentation alarmante. Les sénateurs ont décidé que seraient déterminés par décret "la composition nutritionnelle des aliments et boissons interdits" à compter du 1er septembre 2005 dans les distributeurs automatiques installés dans les établissements scolaires. Ils ont également prévu que la publicité télévisée en faveur de "produits alimentaires manufacturés" ou de "boissons avec ajout de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse", devrait contenir "une information à caractère sanitaire". A défaut, les annonceurs verseront à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé une contribution "destinée à financer la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelle".
Je regrette cependant que les dispositions adoptées par notre Haute Assemblée pour lutter contre l'obésité chez les jeunes soient sensiblement en retrait par rapport à celles adoptées par l'Assemblée nationale. J'ai en effet la conviction que, face à ce défi majeur de santé publique, les élus et les responsables politiques doivent avoir la courage de prendre des mesures très énergiques, même si celles-ci peuvent déplaire à certaines industries et groupes d'intérêt. Ces mesures prises par le Sénat pour lutter contre l'augmentation alarmante de l'obésité chez les jeunes surviennent alors que l'ensemble de nos société développées est confronté à un véritable défi de civilisation face à l'explosion du nombre de personnes en surpoids et aux conséquences désastreuses de ce fléau pour la santé publique.
C'est ainsi que l'obésité est désormais considérée comme une maladie par le gouvernement américain, qui a décidé d'autoriser le remboursement de certains traitements contre ce fléau qui frappe l'Amérique. Le secrétaire américain à la Santé Tommy Thompson a annoncé le 15 juillet que Medicare, le système public d'assurance maladie pour les personnes âgées et les handicapés, retirait de ses directives la phrase qui affirmait que l'obésité n'était pas une maladie. Désormais, si un traitement contre l'obésité est jugé scientifiquement efficace, il sera remboursé par Medicare, a-t-il précisé. "Avec cette nouvelle politique, Medicare pourra examiner les preuves scientifiques afin de déterminer quelles interventions améliorent la santé", a déclaré Tommy Thompson.
L'obésité a plus que doublé aux Etats-Unis entre 1980 et aujourd'hui, affectant un Américain sur trois, soit 59 millions d'adultes. Le département de la Santé estime le coût économique direct et indirect de l'obésité, dû aux maladies qu'elle favorise (maladies cardio-vasculaires, diabète, cancer) à 120 milliards de dollars par an, en augmentation constante. Selon une étude des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), l'obésité et le surpoids causés par la mauvaise alimentation et l'absence d'activité physique pourraient devenir la première cause de mortalité aux Etats-Unis d'ici 2005. La décision du gouvernement américain de classer l'obésité comme une maladie est lourde de conséquences pour la santé publique puisqu'elle va mettre une série de traitements sur la liste des dépenses remboursables et pourrait accélérer la mise sur le marché de nouveaux médicaments. Les experts comparent cette étape à l'entrée de l'alcoolisme au rang de maladie qui avait facilité l'accès au traitement. Elle pourrait aider les personnes touchées à admettre qu'elles ont besoin de soins et le public à ne plus considérer que les personnes obèses sont responsables de leur état.
L'Association américaine sur l'obésité (AOA) a salué la décision du gouvernement comme "un nouveau chapitre dans la lutte contre l'obésité". "Cette décision va ouvrir la voie à non seulement une meilleure couverture médicale mais augmentera la recherche médicale et l'enseignement sur l'obésité", a estimé le président de l'association Richard Atkinson. Précurseur en la matière, le service américain des impôts (IRS) accepte depuis 2002 les déductions fiscales pour les dépenses de santé concernant l'obésité, au même titre que les autres médicaments contre les maladies reconnues.
Cette décision historique du gouvernement américain survient alors que les études scientifiques révélant les ravages de l'obésité se multiplient. Une étude révélée le 16 juillet montre par exemple que l'obésité de la mère favoriserait la survenue de malformations congénitales chez son futur enfant. Cette étude espagnole sur plus de 2.000 enfants dont la mère avait un diabète gestationnel (dont souffrent certaines femmes pendant la grossesse), montre que l'obésité de la mère est le facteur décisif contribuant à l'apparition de malformations congénitales, bien plus que la sévérité de leur diabète, selon l'équipe du Dr Rosa Corcoy de l'université de Barcelone. Selon l'étude, le degré de l'obésité maternelle est le principal facteur prédictif des malformations cardiaques et le seul facteur capable de prédire le risque de malformations rénales et des conduits urinaires.
Mais le surpoids est aussi intimement lié à l évolution de notre mode de vie, comme le montre la remarquable étude néo-zélandaise publiée le 15 juillet dans la revue médicale The Lancet. Cette étude, réalisée sur un millier d'enfants suivis jusqu'à l'âge de 26 ans, démontre qu'une consommation excessive de télévision dans l'enfance et à l'adolescence entraîne de mauvais effets sur la santé une fois devenu adulte (excès de poids, de cholestérol...).. Résultats : les enfants et adolescents qui regardent la télévision deux heures ou plus chaque jour ont un risque accru d'être trop gros, de fumer, d'avoir trop de cholestérol pour un jeune adulte, ainsi que des performances cardio-respiratoires médiocres, selon les auteurs. L'étude est un argument de plus en faveur de l'interdiction des alimentaires visant les enfants, souligne le pédiatre américain David Ludwig.
Il serait toutefois illusoire de croire que le problème complexe de l'obésité sera résolu uniquement par les progrès scientifiques et médicaux. La lutte contre l'obésité et ses conséquences néfastes pour notre santé, passe non seulement par un changement profond de nos comportements alimentaires mais aussi par une modification globale de notre mode de vie passant notamment par la pratique d'un exercice physique quotidien. Nous devons apprendre à redécouvrir le goût de l'effort physique et intégrer la pratique sportive dans notre vie quotidienne, non seulement dans nos loisirs, mais aussi à la maison et au travail. Défi médical,social et culturel, la lutte contre l'obésité doit être menée sur tous les fronts et nécessite une volonté politique sur la durée si nous voulons faire reculer ce fléau des temps modernes.
René Trégouët
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