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L'envolée du prix du pétrole relance la voiture électrique

On se souvient du premier fiasco de la voiture électrique, en 1995. A l'époque, Peugeot et Renault y croyaient tellement que les deux constructeurs évoquaient de mirifiques perspectives : jusqu'à 200 000 véhicules vers 2005-2010... Une décennie plus tard, la réalité est plus cruelle: entre 10 000 et 15 000 voitures électriques auraient été écoulées à travers toute l'Europe, dont les deux tiers en France.

Pourquoi un tel échec ? Ce mode de propulsion a souffert de lourds handicaps, qui se sont révélés rédhibitoires. Trop cher, tout d'abord. Si, sur le papier, l'électrique semblait de cinq à dix fois moins coûteux que l'essence (entre 1 et 1,50 ? pour 100 kilomètres), il s'est révélé ruineux à l'usage. Outre l'achat de la voiture (à un prix similaire à celui d'un modèle à essence), les heureux propriétaires devaient louer de bien onéreuses batteries (150 ? par mois). Or ces dernières, gourmandes en énergie, permettaient de parcourir au mieux 80 kilomètres avant une nouvelle charge. Une autonomie inacceptable, qui a cantonné la fée électrique à de petites distances.

Aujourd'hui, malgré cet échec cuisant, la voiture électrique pourrait connaître un soudain retour en piste. «Avec un prix du baril de pétrole qui flambe et la prise de conscience générale de la pollution par le gaz carbonique issu du secteur des transports, croyez-vous vraiment que l'on puisse s'offrir le luxe d'abandonner une des voies les plus environnementales ?» plaide Claude Moreau, président de la Commission interministérielle pour les véhicules propres et économes (Civepe), qui vient de remettre un rapport au Premier ministre.

L'une de ses conclusions encourage les flottes publiques à tenter à nouveau l'aventure de l'électrique. Au-delà du contexte international, il existe un argument fondamental qui plaide en faveur d'une telle résurrection : en dix ans, la technologie des batteries a fait un bond en avant considérable, avec le remplacement du nickel-cadmium par le lithium-ion. Cette nouvelle génération stocke plus d'énergie pour un poids diminué de 20 %. Résultat ? Une autonomie multipliée par trois (250 km), une puissance améliorée et une bonne vitesse de pointe (130 km/h).

En France, à l'heure actuelle, deux industriels travaillent dans cette voie, avec des philosophies radicalement opposées. Le groupe Bolloré prospecte sur une batterie dite «lithium-métal-polymère» (LMP). «Elle repose sur un processus industriel par extrusion, mis au point à l'origine pour l'industrie papetière», explique Jean-Louis Bouquet, président de BatScap, une filiale du groupe breton qui a ouvert une usine de fabrication à Quimper. La petite merveille se veut plus sûre, encore plus puissante et d'une durée de vie record (dix ans). Persuadé qu'il tenait là l'énergie idéale, Vincent Bolloré a alors cherché à créer une voiture autour. Tout simplement. Quitte à investir une somme rondelette (70 millions d'euros). Présenté au dernier Salon de Genève, le concept car, dessiné par Philippe Guédon, père de l'Espace de Renault, répond au doux nom de BlueCar et vise en priorité le marché des particuliers urbains.

Même marotte mais pari industriel inverse pour Serge Dassault, qui cherche à adapter l'électrique sur n'importe quel modèle existant et veut s'attaquer d'abord au secteur des entreprises et des institutions publiques. Voilà cinq ans, l'avionneur, convaincu de la fin prochaine de l'ère de l'or noir, réunit autour de lui une poignée de fidèles, qu'il charge de faire le tour du monde des technologies existantes. L'équipe de choc fait son marché : le moteur, choisi pour sa compacité, sera acheté à TM4, une filiale du groupe canadien Hydro-Québec ; Saft produira les batteries au lithium-ion ; la carrosserie sera fournie par Renault.

De cette union plurielle naîtront trois rejetons, tous appelés Cleanova (contraction de clean -propre - et d'innovation). «L'un des modèles peut même être considéré comme un engin hybride, avec un moteur électrique et un petit groupe électrogène à essence, qui ne sert pas à la propulsion mais recharge les batteries», précise Sébastien Rembauville-Nicolle. D'où une autonomie encore améliorée : jusqu'à 500 kilomètres avec un plein de kilowatts et 20 litres d'essence !

Mais les deux industriels français, si puissants soient-ils, ne pourront pas continuer indéfiniment à engloutir des sommes colossales et devront s'allier avec un constructeur automobile s'ils veulent commercialiser leurs créations. A ce détail près : aucun ne s'est montré intéressé. Traumatisés par l'échec cuisant de la première génération de voitures électriques, la plupart n'investissent plus dans cette filière et semblent privilégier des solutions hybrides - essence (ou diesel) et électrique. A ce titre, la réussite de la Toyota Prius, lancée en 1998, marque le premier succès industriel d'un mode de propulsion véritablement innovant : 150 000 exemplaires vendus rien qu'aux Etats-Unis. Un comble au pays du tout-pétrole !

Du coup, les modèles se multiplient chez Ford, Honda, Nissan, Mazda, Audi, etc. Côté français, c'est le désert, même si Peugeot dit travailler à un hybride diesel-électrique. «En attendant la pile à combustible, nos constructeurs préfèrent jouer la carte du diesel plutôt que celle de l'électrique ou de l'hybride. Ce choix à courte vue risque de permettre aux constructeurs étrangers de conforter leur avance technologique dans les voitures hybrides qui vont constituer pour au moins une vingtaine d'années le chaînon manquant en attendant que les voitures à piles à combustibles soient suffisamment fiables et abordables pour conquérir un marché de masse.

Express

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