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L'électronique moléculaire progresse
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Deux articles de chercheurs de Harvard et de l'université Cornell, publiés dans le magazine Nature du 13 juin, décrivaient une percée majeure dans le domaine de la miniaturisation : des puces électroniques dont les commutateurs sont de simples atomes. Alors que les découvertes de Hendrik Schön, des laboratoires Bell, qui avaient, il y a près de un an, bouleversé l'électronique moléculaire en provoquant enthousiasme et étonnement, sont désormais discréditées, ce domaine se porte mieux que jamais. Les progrès constants réalisés par les chercheurs laissent entrevoir des perspectives prometteuses, bien qu'incertaines. "A dire vrai, cette histoire de Schön me fait penser à un caillou que l'on jette dans une rivière" , a déclaré Thomas N. Theis, responsable des recherches en sciences physiques chez IBM. "Il fait un grand plouf, mais la rivière continue de couler." Les transistors atomiques décrits en juin dans la revue Nature - des dispositifs similaires réalisés par deux équipes travaillant indépendamment l'une de l'autre - constituent de véritables progrès scientifiques. Mais cette notion de gain leur fait défaut et ils ne fonctionnent qu'à de très basses températures. Les transistors atomiques diffèrent des transistors au silicium. Un transistor n'est rien d'autre qu'un commutateur électrique. Lorsqu'il est en position d'arrêt, le courant ne passe pas. Pour le placer en position de marche, on lui injecte des électrons qui permettent au courant de passer. Dans les transistors atomiques, des molécules sont coincées entre deux électrodes microscopiques. Pour passer d'une électrode à l'autre, les électrons doivent sauter entre des "îlots" d'atomes placés au coeur des molécules. Comme les électrons - chargés négativement - se repoussent les uns les autres, chaque îlot atomique ne peut accueillir qu'un seul électron, qui, d'ordinaire, ne bouge pas. Pour éjecter les électrons de leurs îlots, il suffit d'appliquer un champ électrique. Ce champ peut par exemple être réglé pour une moyenne d'un électron et demi par îlot, de façon que les électrons soient contraints de sauter les uns derrière des autres. Ils créent ainsi un courant électrique dans le transistor, qui se place en position de marche. Les chercheurs de Cornell, sous la houlette de Paul L. McEuen et de Daniel C. Ralph, ont placé un atome unique de cobalt au coeur des molécules. L'équipe de Harvard, dirigée par Hongkun Park, a utilisé deux atomes de vanadium. "Nous poursuivons ces études afin de mieux comprendre les déplacements des électrons à l'intérieur des molécules", indique Hongkun Park. Son équipe a étudié 12 variantes de transistors. L'objectif des chercheurs est de concevoir des molécules fonctionnant à température ambiante. De tels transistors pourraient servir de capteurs biologiques si on leur ajoutait des sites capables de s'accrocher à des molécules spécifiques comme l'ADN ou des protéines transportant des charges électriques. Une fois reliées aux transistors, ces molécules les mettraient en marche, déclenchant ou au contraire empêchant une alerte. Pour des applications de ce type, l'absence de gain n'est plus un problème. "Ça n'a aucune importance, affirme Paul L. McEuen. Tant que l'on peut détecter le moindre électron, peu importe." La prochaine application de l'électronique moléculaire concernera probablement la mémoire des ordinateurs. Ces cinq dernières années, des scientifiques de Hewlett-Packard et de l'UCLA ont imaginé des molécules faisant office de commutateurs par le simple fait de changer de forme. Dans une configuration, la molécule laisse facilement passer le courant. Dans l'autre, elle offre une résistance électrique. Un réseau de molécules de ce type pourrait être utilisé pour fabriquer des mémoires d'ordinateurs. Un courant électrique de 1 volt fait passer la molécule d'une forme à l'autre, ce qui permet d'enregistrer des données. Pour rappeler ces données, on applique un courant de 0,1 volt, ce qui permet de lire les positions des molécules sans altérer leur forme. Les scientifiques cherchent encore comment utiliser leurs circuits moléculaires pour réaliser les opérations logiques des puces d'ordinateurs. "La logique est un but plus ambitieux", estime James M. Tour, professeur de chimie à l'université Rice de Houston, au Texas. "Le gain y est nécessaire." Deux équipes de chercheurs, l'une chez IBM et l'autre à l'université de technologie de Delft, aux Pays-Bas, ont mis au point des transistors et des circuits logiques simples à partir de nanotubes, des molécules de carbone roulées sur elles-mêmes. En mai dernier, IBM a annoncé que les performances de ses transistors dépassaient celles des transistors au silicium. Mais personne n'a encore trouvé comment les produire en grandes quantités. On a encore le temps. La plupart des ingénieurs estiment que la technologie du transistor au silicium a encore une bonne dizaine d'années devant elle avant de se heurter aux lois fondamentales de la physique qui l'empêcheront d'aller plus avant dans la miniaturisation.
Courrier International :
http://www.courrierinternational.com/numeros/624/062406201.asp?TYPE=archives
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