RTFlash

Edito : L'échec n'est pas une maladie honteuse

La France, héritière de la Rome antique et catholique, a toujours eu des rapports difficiles avec l'argent. Ainsi, trop souvent, dans notre Pays, le succès entrepreneurial est suspect. Ceux qui ont ainsi réussi se montrent discrets car, à l'encontre des pays anglo-saxons, héritiers de la Réforme, nos concitoyens ne semblent pas apprécier les success-stories. Quel dommage ! Un pays est toujours plus heureux quand il est fier de ses succès. Le revers de la médaille se trouve dans le comportement d'un grand nombre de nos concitoyens face à l'échec. Sauf quand il y a malversation ou autre démarche malhonnête, il n'y a rien de honteux à subir un échec. Il fait partie de la vie au même titre que la réussite, le rire et les pleurs. Or, très souvent, un créateur d'entreprise dont on avait pourtant chanté les louanges lorsqu'il s'était lancé dans l'aventure n'est même plus bon à donner en pâtée aux chiens si, par malheur, il est mis dans l'obligation de déposer son bilan. Ce comportement souvent honteux que nous avons envers ceux qui ont failli ne nous fait pas honneur. Alors qu'aux Etats-Unis celui qui a dû affronter une telle épreuve, à condition bien entendu qu'il soit toujours resté intègre, est souvent recherché pour participer à d'autres aventures, tant son expérience sera précieuse pour ne pas tomber dans les mêmes ornières, chez nous, tout au contraire, nous lui fermons toutes les portes. Quel gâchis ! Cela est d'autant plus insupportable que ce jugement est souvent porté par des personnes qui, de par leur situation dans des institutions publiques ou de grandes entreprises bancaires, ne prendront jamais un risque tout au long de leur vie. Ainsi, il est insupportable de constater, actuellement, que des milliers et des milliers de jeunes qui avaient créé leurs entreprises dans les NTIC à la fin des années 1990, et qui ont dû déposer leur bilan quand la bulle Internet a éclaté il y a quelques mois, sont dans l'impossibilité, pour de longues années, de relancer une autre entreprise parce que la Banque de France leur a octroyé une « cotation 6 », comme s'ils étaient responsables d'une banqueroute frauduleuse. Quand ces jeunes se présentent devant un banquier pour demander, ne serait-ce que l'ouverture d'un simple compte nécessaire pour la création d'une entreprise, cela leur est systématiquement refusé au simple vu de la cotation de la Banque de France. Il faut remédier à de telles injustices car elles épuisent les meilleures volontés. Ainsi la Banque de France pourrait, avec facilité, affiner sa cotation, pour que tous les acteurs économiques qui doivent entourer le berceau d'une jeune entreprise puissent savoir que son recréateur n'est pas un brigand, mais simplement un homme qui a déjà dû affronter une expérience malheureuse dont il a certainement tiré les plus grandes leçons. Ce comportement trop souvent irresponsable des institutions financières et sociales, qui ont pourtant pour mission, officiellement, de faciliter la vie des entreprises n'est pas tolérable. Je regrette que notre passé multiséculaire d'une société de défiance, comme le disait si bien Alain Peyrefitte, soit un tel handicap pour affronter l'avenir. Une société dont les traits essentiels, demain, seront la confiance, la transparence et l'humilité, doit savoir reconnaître la vertu de l'échec. Sans ce nécessaire pas, les uns vers les autres, nous risquerions de nous enfermer dans nos certitudes qui sont autant de tours d'ivoires surannées.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

Noter cet article :

 

Recommander cet article :

back-to-top