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Edito : L'arrivée de nouveaux vaccins très attendus va améliorer la santé mondiale...

On le sait, les vaccins sauvent au moins trois millions de vies par an selon l’OMS et heureusement, après trois années très difficiles liées à la pandémie mondiale de Covid-19, dans le contrôle de laquelle les nouveaux vaccins à ARN ont joué un rôle tout à fait déterminant, les taux de vaccination mondiaux se rétablissent progressivement. Le nombre d'enfants non vaccinés est ainsi passé de 18 millions en 2019 à 13 millions en 2021. Cette remontée bienvenue de la couverture vaccinale concerne principalement la vaccination DTC, une combinaison des trois vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche. Depuis trois ans, cette couverture vaccinale DTC est passée de 81 à 84 %, pour le schéma complet à trois doses.

Une vague de nouveaux vaccins efficaces et sûrs est en train d’arriver et devrait permettre de franchir une nouvelle étape décisive en matière de prévention de lutte mondiale contre les grandes épidémies A tout seigneur, tout honneur, parmi les nouveaux vaccins qui vont très prochainement venir renforcer la prévention et la lutte contre de nombreuses maladies infectieuses qui font des ravages dans le monde, il faut d'abord évoquer celui contre le paludisme, qui a touché 240 millions de personnes en 2021 et en a malheureusement tué 619 000, un peu moins qu'en 2020 (627 000 décès), dont 80 % d'enfants de moins 5 ans. Ce nouveau vaccin contre le paludisme, développé par l'Université d'Oxford, est le fruit de 30 ans de recherches acharnées. Baptisé R21/Matrix M, il a fait l'objet d'essais rigoureux au Burkina-Faso en 2020 (en double aveugle contre placebo) qui ont montré une efficacité remarquable de plus de 77 %, après une dose unique de rappel, pour prévenir le paludisme (Voir The Lancet).

Ce vaccin est bien plus efficace que le seul vaccin contre le paludisme qui existait jusque-là, celui du britannique GSK, efficace à seulement 60 % et qui perdait son efficacité avec le temps. Premier vaccin dépassant une efficacité de 75 % fixée par l'OMS, ce vaccin très attendu par le continent africain devrait, en outre, coûter deux fois moins cher par dose que l'actuel vaccin de GSK. Il vient d'être autorisé par le Nigeria et le Ghana, afin de mieux protéger tous les enfants de 5 à 36 mois, les plus exposés à la maladie.

Un nouveau vaccin contre la dengue de la firme japonaise Tadeka a été approuvé en décembre dans l'Union européenne sous le nom de Qdenga, ainsi que dans d'autres pays dont l'Indonésie, le Brésil ou encore la Thaïlande. « Les profils d'efficacité et de sécurité de TAK-003 ont été démontrés par un solide programme d'essais cliniques, dont une étude de phase III de 4 ans et demi portant sur plus de 20.000 enfants et adolescents vivant dans huit régions où la dengue est endémique », a souligné Takeda (Voir EMA).

Transmise par un moustique, la dengue est un virus qui infecte environ 400 millions de personnes par an dans le monde et entraîne 500 000 hospitalisations chaque année, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Qdenga est le deuxième vaccin contre cette maladie disponible dans le monde. Le premier vaccin, développé par le français Sanofi, est réservé à des personnes déjà infectées auparavant, ce qui ne permet pas son utilisation pour des campagnes de vaccination préventive massives. Le QDenga de Takeda présente l’avantage décisif d’être utilisable pour protéger tout le monde. Les essais sur le terrain montrent une efficacité de 84 % contre l'hospitalisation et de 61 % contre les formes symptomatiques de la maladie, que les vaccinés l'aient déjà eu ou pas.

Le chikungunya est une maladie infectieuse causée par un virus à ARN du genre alphavirus, qui provoque cinq millions d’infections par an dans le monde. Cette maladie est transmise par des espèces de moustiques qui se répandent rapidement en Europe, à cause du réchauffement climatique et entraîne une infection de longue durée chez plus de la moitié des malades. Entre septembre 2020 et avril 2021, des essais à large échelle d’un nouveau vaccin contre le chikungunya ont été organisés sur 4 128 volontaires sains aux États-Unis. Les résultats publiés il y a quelques semaines sont très encourageants : 28 jours après la vaccination, la quasi-totalité des participants (263 sur 266) vaccinés étaient protégés contre le virus du chikungunya. Ce vaccin devrait prochainement obtenir une autorisation de mise sur le marché par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis.

Une autre avancée remarquable, annoncée en mai dernier, concerne l'arrivée d'un nouveau vaccin efficace et abordable contre la méningite, qui fait encore des ravages en Afrique, provoquant le décès de 250 000 personnes par an. La méningite est causée par des bactéries ou des infections virales qui enflamment les membranes qui entourent le cerveau et la moelle épinière. Au moins 60 % des décès surviennent en Afrique. Ce nouveau vaccin, baptisé NmCV-5, a été développé par l'Institut Indien des vaccins et l’organisation mondiale de la santé Path. Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine a montré, sur 1 800 personnes âgées de 2 à 29 ans au Mali et en Gambie en 2021, que ce vaccin NmCV-5 induisait une forte réponse immunitaire contre les cinq souches de méningocoques (Voir NEJM et CIDRAP).

Un autre vaccin, MenAfriVac, lancé en 2010, a déjà permis de réduire considérablement les cas de méningocoque A. Toutefois, il reste peu efficace pour prévenir certaines épidémies liées aux autres souches. Ce nouveau vaccin va venir élargir et renforcer la lutte contre la méningite. Selon Ed Clarke, l'un des scientifiques qui a dirigé ces recherches, « Ce vaccin devrait changer la donne dans la lutte contre la méningite épidémique dans la ceinture de la méningite ». Avec ce nouveau vaccin en renfort, l’Organisation mondiale de la santé envisage de réduire de 50 % le nombre de cas de méningite évitables par la vaccination et de 70 % le nombre de décès d’ici 2030.

La coqueluche est une maladie infectieuse respiratoire provoquée par la bactérie Bordetella pertussis. Très contagieuse, elle est connue pour générer des complications mortelles chez le nourrisson. Les vaccins actuellement disponibles protègent contre l’apparition des symptômes, mais ne permettent pas d’empêcher la transmission bactérienne entre individus, ni l’infection qui en résulte. Une équipe de recherche internationale dirigée par Camille Locht, directeur de recherche Inserm au sein du Centre d’infection et d’immunité de Lille (Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille/CHU de Lille/CNRS), vient de montrer, dans un essai clinique de phase 2 sur 300 Américains en bonne santé, l’efficacité et la sûreté chez l’adulte d’un nouveau vaccin nasal contre la coqueluche, le BPZE1. Ses résultats montrent que ce nouveau vaccin permet d’empêcher la colonisation bactérienne des voies respiratoires, ce qui laisse espérer une réduction considérable de la contamination entre individus (Voir The Lancet).

Fait remarquable, dans le mois suivant la seconde administration par voie nasale, 90 % des participants ayant initialement reçu BPZE1 ne présentaient aucune colonie bactérienne au niveau nasal. En outre, les chercheurs ont constaté que l’infection régressait plus rapidement chez les personnes vaccinées avec BPZE1. Une nouvelle étude est en cours pour évaluer plus spécifiquement l’efficacité et l’innocuité de BPZE1 chez les enfants scolarisés, sachant que le milieu scolaire est particulièrement propice à la contamination et à la propagation de la maladie.

Autre bonne nouvelle, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a autorisé pour la première fois, le 21 juillet dernier, un vaccin développé par Pfizer, baptisé Abrysvo, destiné à protéger à la fois les personnes âgées de 60 ans et plus, et les nourrissons contre le virus respiratoire VRS, responsable d’épidémies saisonnières de bronchiolite chaque année. Ce virus respiratoire syncytial -VRS- peut provoquer, chez certains sujets fragiles, des bronchiolites et pneumonies qui entraînent encore plusieurs dizaines de milliers de décès dans le monde. D’autres types de vaccin contre le virus VRS sont par ailleurs développés par plusieurs laboratoires, utilisant des technologies différentes. Ils ciblent les deux franges de la population les plus vulnérables, les nourrissons et les personnes âgées. « L'arrivée de ces vaccins est une très bonne nouvelle car cela fait 60 ans qu’on court derrière un vaccin contre le VRS, qui donne aussi des otites et de l’asthme », souligne Jacques Brouard, pneumo-pédiatre au CHU de Caen.

Une campagne de vaccination généralisée contre les papillomavirus (HPV) va être lancée dans les collèges pour les élèves de 5e à la rentrée scolaire 2023. Elle doit permettre de lutter contre cette infection responsable de 6 000 nouveaux cas de cancers, 1000 décès et 30 000 lésions précancéreuses du col de l’utérus chaque année. Mais en France, contrairement à de nombreux autres pays (Royaume-Uni, Espagne, Australie…), la couverture vaccinale contre les papillomavirus reste très insuffisante : à peine plus de 40 % des filles de 16 ans ont été vaccinées et à peine 10 % des garçons.

Face à cette situation préoccupante, le 5 juin dernier, l’Académie nationale de médecine et de nombreuses associations de patients ont lancé un appel soutenant sans ambiguïté cette campagne de vaccination. Rappelons qu'en Australie, la proportion des femmes âgées de 18 à 24 ans porteuses des deux principaux types du virus responsables de la maladie a chuté de 23 % à 1 % entre 2005 et 2015 ! Au cours de la même période l'Australie a vu une diminution de 77 % du nombre de femmes de 18 à 24 ans atteintes du HPV et une réduction de 34 % des anomalies précancéreuses, ce qui signifie un risque beaucoup plus faible de développer un cancer du col de l'utérus.

Plusieurs études épidémiologiques solides ont montré que ces résultats remarquables étaient liés à la campagne de vaccination gratuite lancée depuis 2007 auprès des jeunes filles de 12-13 ans et, depuis 2013, auprès des garçons dans les collèges. Comme le souligne Jean Gondry, président de la Société française de coloscopie et chef de service du département de gynéco-obstétrique au CHU d’Amiens, « En Australie, même les populations non vaccinées ne sont plus infectées ». De plus, un nouveau vaccin ciblant cinq autres types cancérigènes minoritaires du virus est venu compléter en 2018 la protection des nouvelles générations.

Pour terminer ce rapide tour d’horizon des impressionnants progrès en cours en matière de vaccins, évoquons enfin les travaux des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’université Toulouse III-Paul Sabatier au sein du laboratoire Infinity de l’Institut Pasteur et de l’entreprise française NEOVACS. Ces scientifiques travaillent sur un nouveau vaccin très attendu contre l’asthme. Ils ont récemment montré que ce vaccin était efficace pour produire des anticorps capables de neutraliser des protéines immunitaires humaines clés dans le déclenchement de l’asthme allergique, les cytokines IL-4 et IL-13. L’asthme est une maladie chronique invalidante qui touche environ 4 millions de personnes en France et 340 millions dans le monde. Dans environ la moitié des cas, l’asthme est d’origine allergique et se manifeste par une inflammation des bronches et une gêne respiratoire provoquée par l’inhalation d’allergènes, notamment des acariens (Voir Wiley).

Cette exposition aux acariens et autres allergènes provoque un excès de production d’anticorps appelés immunoglobulines E (IgE) et de protéines appelées cytokines de type 2 dans les voies aériennes. Il en résulte une réactivité anormale des voies respiratoires et une surproduction de mucus. A côté des corticoïdes, il faut parfois avoir recours à des anticorps monoclonaux pour traiter les formes les plus graves d’asthme allergique. Mais ces traitements sont lourds et coûteux et doivent en outre souvent être suivis pendant des années.

Dans ce contexte, on comprend mieux tout l’intérêt d’un possible vaccin contre cette forme d’asthme. Dans leurs recherches, ces scientifiques ont utilisé un modèle d’asthme allergique aux acariens chez des souris "humanisées". Les premiers résultats sont prometteurs : la vaccination a induit une réponse anticorps importante, capable de neutraliser les cytokines IL-4 et IL-13 humaines, sans diminution de l’efficacité du vaccin, plus de trois mois après l’injection. Comme le souligne Pierre Bruhns, responsable de l’unité Anticorps en thérapie et pathologie à l’Institut Pasteur, « Une vaccination contre l’asthme allergique représente un formidable espoir de traitement à long terme de cette maladie chronique, et plus largement une perspective de réduction des symptômes d’allergie liés à d’autres facteurs, puisque ce vaccin cible des molécules impliquées dans différentes allergies ».

Ces récentes et prometteuses avancées montrent à quel point l’association de nouveaux outils, tels que les technologies ARN et l’intelligence artificielle, sont en train de révolutionner les vaccins pour leur donner un nouveau souffle et les rendre encore plus efficaces dans la prévention et la lutte contre un nombre toujours plus grand de maladies infectieuses, qui sont autant de nouveaux défis sanitaires mondiaux à relever, dans le cadre du changement climatique accéléré que connaît notre planète et qui est naturellement très propice à la survenue et la propagation de nouvelles épidémies dévastatrices. Notre pays qui, historiquement, a toujours joué un rôle majeur en matière de vaccins, avec de grandes figures comme Pasteur, Yersin, Calmette, Guérin, Monod, Jacob ou Gros, doit absolument se donner les moyens de garder son niveau d’excellence mondiale dans ce domaine si essentiel qui a déjà permis de sauver des centaines de millions de vie depuis deux siècles et permettra demain de prévenir au niveau mondial de nouvelles et inévitables épidémies…

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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