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L’amnésie ne serait pas un marqueur systématique de maladie d’Alzheimer
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En France, environ 225 000 personnes reçoivent chaque année un diagnostic de maladie d’Alzheimer. L’amnésie, ou perte de mémoire, constitue l’une des manifestations cliniques les plus connues, et le plus souvent associée dans l’imaginaire collectif à cette pathologie.
A l’heure actuelle, le diagnostic repose essentiellement sur l’évaluation neuropsychologique et l’imagerie cérébrale qui révèlent à la fois un profil cognitif et anatomique évocateurs de la maladie d’Alzheimer. Sur le plan cognitif, l’amnésie est de fait considérée comme le symptôme le plus fréquent et le plus précoce, et est systématiquement évaluée chez les patients pour lesquelles la pathologie est suspectée. La maladie d’Alzheimer est donc fréquemment diagnostiquée en premier lieu chez les patients âgés présentant des troubles de mémoire ou écartée rapidement dans le cas contraire.
Or, en réalité, elle n’est pas la seule pathologie dans laquelle surviennent des troubles de la mémoire. Ce symptôme est par exemple présent dans 50 % des cas de dégénérescence fronto-temporale, mais le pronostic et l’évolution de cette maladie ne sont pas les mêmes que pour la maladie d’Alzheimer et les solutions thérapeutiques proposées diffèrent. Chez ces patients, une prise en charge spécifique de pathologie Alzheimer peut être délétère.
Les travaux du chercheur Inserm Maxime Bertoux et de son équipe menée par la professeure Florence Pasquier au laboratoire « Lille Neuroscience et Cognition » (Inserm/CHU de Lille/Université de Lille), questionnent pour la première fois la spécificité de l’amnésie dans la maladie d’Alzheimer en s’appuyant sur un diagnostic neuropathologique réalisé post-mortem chez plusieurs patients. Leur objectif : étudier si la présence d’une amnésie évaluée par des tests cognitifs pendant le vivant des personnes pouvait prédire la présence de manifestations caractéristiques de la maladie d’Alzheimer dans le cerveau.
Cette étude se fonde sur des données issues du don de cerveaux de 91 patients souffrant de diverses maladies neurodégénératives dont la maladie d’Alzheimer, mais aussi la dégénérescence fronto-temporale, la maladie à corps de Lewy, de Creutzfeldt-Jakob, ou de lésions cérébro-vasculaire progressives.
Ces patients avaient tous été examinés à des stades débutants de leur maladie et leurs performances cognitives avaient été évaluées. Ils avaient ensuite été classés en trois groupes selon la sévérité des pertes de mémoire : un groupe de non amnésiques, un groupe de patients modérément amnésiques, et un dernier groupe de patients sévèrement amnésiques. Après leur décès, l’étude de leur cerveau (diagnostic neuropathologique) a permis de confirmer ou d’infirmer le diagnostic clinique initial.
Seule une correspondance modérée a pu être mise en évidence entre la sévérité de l’amnésie et la présence d’une pathologie Alzheimer confirmée par le diagnostic neuropathologique. En effet, un tiers des patients présentant une pathologie Alzheimer n’avait pas de troubles de mémoire, et près de la moitié des patients sans pathologie Alzheimer était amnésique. La présence d’une amnésie apparaissait comme faiblement prédictive de la pathologie Alzheimer. « Nos résultats confirment que le diagnostic fondé sur l’amnésie comme marqueur systématique de la maladie d’Alzheimer a une pertinence limitée », souligne Maxime Bertoux, « ils invitent à repenser la manière dont cette maladie est diagnostiquée afin de réduire l’errance diagnostique et la mauvaise orientation de certains patients et d’améliorer la reconnaissance clinique et sociétale des autres maladies neurodégénératives ».
Au-delà de ces implications cliniques, leurs résultats ont aussi des conséquences en matière de recherche. En effet, de nombreux essais cliniques visant à tester des traitements contre la maladie d’Alzheimer recrutent leurs participants sur un critère d’amnésie. « Associer systématiquement une perte de mémoire à la maladie d’Alzheimer pourrait biaiser les inclusions dans les protocoles de recherche », ajoute Maxime Bertoux.
Enfin, cette étude souligne l’importance de confronter toute technique diagnostique à l’analyse post-mortem du cerveau, la seule à offrir une preuve formelle de diagnostic. Pour cela, les chercheurs appellent à une sensibilisation plus large de la population sur l’intérêt du don de cerveaux.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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- Publié dans : Biologie & Biochimie
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