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L’ammoniac : un vecteur énergétique potentiel pour la transition de demain
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Même si l’hydrogène suscite un vif intérêt, son stockage représente un réel défi pour son utilisation à grande échelle. La méthode actuelle consiste à le stocker à haute pression (350 ou 700 bar), ce qui n’est pas sans poser des risques au moment de sa manipulation. Il est aussi possible de le stocker à l’état liquide, mais encore faut-il disposer de réservoirs cryogéniques pour le conserver à -253 degrés, là aussi avec des risques associés. Et si l’une des alternatives venait de l’ammoniac, dérivé azoté de l’hydrogène ?
Avec trois atomes d’hydrogène pour un atome d’azote, ce composé chimique (NH3) est naturellement dense en hydrogène. De nouvelles expérimentations sont actuellement à l’étude pour l’utiliser comme vecteur énergétique d’hydrogène. « Avec le méthanol, l’ammoniac est considéré depuis longtemps comme un vecteur candidat pour la production d’électricité », explique Gaël Guégan, Ingénieur veille stratégique au Cetim. Sous sa forme liquide, obtenue dès lors que sa température descend en dessous des -33 degrés, il affiche une densité énergétique particulièrement intéressante, jusqu’à cinq fois supérieure à celle des cellules de batteries lithium-ion. Comparé à l’hydrogène, il est plus facile à transporter. La production, le stockage et la livraison d’hydrogène sous forme de NH3 sont beaucoup plus efficaces sur le plan énergétique et beaucoup moins coûteux que sous forme d’hydrogène comprimé et/ou cryogénique. L’infrastructure pour l’ammoniac existe déjà tandis que pour l’hydrogène, de nouvelles stations de ravitaillement doivent être construites, ce qui représente de gros investissements ».
L’une des applications envisagées est d’utiliser l’ammoniac pour alimenter des piles à combustible. Cette utilisation peut-être indirecte, en deux étapes, pour permettre d’utiliser les piles PEMFC (Proton exchange membrane fuel cells), déjà présentes sur le marché. L’idée est de produire dans une première étape de l’hydrogène in situ par cracking de l’ammoniac pour obtenir d’un côté de l’hydrogène et de l’autre de l’azote, qui peut être rejeté sans danger dans l’atmosphère. L’hydrogène produit est alors introduit dans une deuxième étape dans les PEMFC pour la production d’électricité.
L’ammoniac, en tant que produit chimique fabriqué en masse et à faible coût, est un vecteur énergétique idéal qui peut aussi être utilisé directement avec des piles à combustible à membrane alcaline (AMFC : Alkaline Membrane Fuel Cell), qui fonctionnent notamment par le transfert d’ions hydroxyde à travers l’électrolyte, ou avec des piles à combustible à oxyde solide (SOFC : Solid oxide fuel cells). Les développements de ces piles ont permis de surmonter les obstacles liés à l’utilisation généralisée de ces systèmes. Cependant, elles n’en sont pas encore au stade de la commercialisation, et des recherches supplémentaires sont nécessaires.
L’avantage de l’ammoniac est qu’il ne libère pas de CO2. Son introduction dans tout système de combustion entraîne donc une décarbonisation partielle de ce procédé, voire totale si l’ammoniac est mélangé à l’hydrogène ou utilisé seul. Les piles à combustible à ammoniac basées sur des électrolytes à membrane alcaline semblent intéressantes, mais pas sans inconvénients, notamment face à l’oxydation de l’ammoniac diffusé à la cathode qui peut générer des oxydes d’azote (NOx), qu’il convient alors de traiter, ainsi que du protoxyde d’azote (N2O), gaz à effet de serre à éviter, lié à son pouvoir réchauffant 25 fois plus important que le méthane, et 300 fois plus important que le CO2.
« Des technologies existent déjà pour piéger les NOx. Les véhicules thermiques en émettent et ils sont de ce fait équipés de pots catalytiques, de filtres à particules additivés ou de pièges à NOx », observe Gaël Guégan. « Actuellement, l’émission de NOx n’est pas encore prise en compte dans la pile à combustible à oxyde solide (SOFC) et la pile à combustible directe à l’ammoniac DAFC (Direct Alcohol Fuel Cell) ». Fondée en 2020 par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la start-up américaine Amogy a annoncé l’été dernier avoir réussi à faire fonctionner un tracteur alimenté à l’ammoniac. Il s’agit d’une première mondiale, réalisée en collaboration avec l’Université de Stony Brook à New York.
Les scientifiques ont remplacé le moteur diesel d’un modèle traditionnel de la marque John Deere par un réservoir à ammoniac liquide de 225 litres. Ils ont également équipé le tracteur d’une pile à combustible hybride de 100 kW capable de convertir le carburant en hydrogène. Résultat : au cours de plusieurs essais, l’engin a pu effectuer ses tâches habituelles pendant six heures avant de devoir passer par la case recharge, une étape réalisée en seulement cinq minutes. La start-up souhaite désormais appliquer ce procédé aux camions et aux navires, qui constituent le débouché final du développement de cette technologie.
Reste à trouver une source d’ammoniac "verte", qui ne libère pas de CO2, car il faut actuellement du pétrole pour le fabriquer. Des solutions valorisant de l’électricité intermittente, issue du solaire ou de l’éolien, semblent se dessiner. L’une d’elles consiste à produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, et en parallèle à capter l’azote atmosphérique dans le but de fabriquer de l’ammoniac. « Cette manière de produire de l’ammoniac fait appel au procédé Haber-Bosch qui est aujourd’hui bien maîtrisé et actuellement utilisé pour fabriquer de l’ammoniac pour la synthèse d’engrais et de réfrigérants », ajoute Gaël Guégan. « Et rappelons que l’ammoniac est l’un des composés chimiques les plus synthétisés au monde ». Ainsi, l’ammoniac offre une source d’énergie décarbonée et fiable, sans les nombreux problèmes associés à l’économie traditionnelle de l’hydrogène.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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