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Edito : L'activité physique doit devenir une dimension essentielle de notre mode de vie

On connaît depuis l'Antiquité les bienfaits du sport et de l'exercice physique pour la santé mais pendant très longtemps ces avantages ont été considérés comme subsidiaires. Les médecins admettaient, certes, que le sport puisse permettre d'avoir une meilleure forme physique mais on ne savait pas qu'il pouvait également avoir une action directe puissante et durable sur nos cellules, nos gènes et notre cerveau. A cet égard, de récentes études sont venues complètement renouveler notre connaissance du rôle absolument majeur de l'activité physique, comme facteur intrinsèque de santé et de longévité.

Une étude publiée en 2022 par des chercheurs de l'Université Edith Cowan a montré pour la première fois que l'exercice physique amène les muscles à sécréter des protéines appelées myokines dans le sang, et les chercheurs ont découvert que ces myokines ont la capacité d'inhiber la croissance tumorale et de combattre activement les cellules cancéreuses (Voir MSSE).

Une autre étude du Massachusetts General Hospital (MGH), a montré comment, dans le cancer du sein, l'exercice agit directement sur le système immunitaire et renforce la réaction immunitaire en réponse à l’immunothérapie. Ces travaux montrent notamment que l’entraînement physique augmente les niveaux de cellules immunitaires T CD8+ dans la tumeur. Or, ces lymphocytes T à mémoire sont capables de tuer les cellules cancéreuses (Voir AACR). D'autres travaux de chercheurs anglais de l’Université de Newcastle ont révélé l'un des mécanismes protecteurs de l’exercice contre le cancer : l'exercice libère des protéines IL-6 qui réparent l'ADN et qui non seulement réduisent le risque de cancer mais peuvent ralentir la croissance des tumeurs. Cet effet protecteur a particulièrement été mis en lumière pour le cancer du côlon, dont le risque est réduit d'au moins 20 % chez les sujets qui font 30 minutes d'exercice par jour. De manière encore plus encourageante, une autre recherche publiée en 2023 et portant sur 22 000 adultes, a montré qu'il suffit de pratiquer chaque jour des exercices courts (moins de 5 Minutes) mais intenses, pour réduire d'environ 30 % ses risques de cancer (Voir JAMA). Une étude de l'université de Jérusalem, réalisée sur 3000 personnes suivies pendant environ 20 ans révèle par ailleurs que le fait de pratiquer régulièrement des exercices en aérobie bloque la progression du cancer et peut réduire le risque de cancer métastatique de 72 %.

L'activité physique peut également réparer les dommages causés par certaines maladies métaboliques, comme le diabète. Une étude du Medical College of Georgia at Augusta University a ainsi montré que l'exercice physique augmente sensiblement le niveau de la protéine ATP7A et du superoxyde dismutase extracellulaire (SOD3), ce qui permet de contrer les dommages du diabète en favorisant l'activation d'un système naturel de développement de nouveaux vaisseaux sanguins – angiogenèse – qui peuvent alors se substituer aux vaisseaux existants détruits par la maladie (Voir FASEB). D'une manière plus générale, une étude japonaise, réalisée en 2022 par l'Université Tohoku, a montré que quelques minutes de musculation par jour suffisaient à réduire les risques de décès prématuré toutes causes confondues de 20 % (Voir BMJ). Et si l'activité physique est bénéfique pour le corps, elle ne l'est pas moins pour l'esprit. Des chercheurs brésiliens de l'Université fédérale de São Paulo (UNIFESP) et de l'Université de São Paulo (USP) ont ainsi montré en 2023 que l'activité physique, particulièrement les exercices de résistance, faisait sensiblement diminuer les risques de neuro-inflammation et diminuait ainsi les risques de démence, d'Alzheimer et de déclin cognitif (Voir Frontiers).

Cet effet bénéfique du sport sur le cerveau a encore été confirmé il y a quelques semaines par une étude japonaise sur 60 adultes qui montre que de brefs exercices de musculation améliorent le fonctionnement de l'hippocampe et la mémorisation (Voir Wiley). Ces travaux japonais confirment des recherches de l’Université Concordia (Canada) qui ont montré, sur 331 sujets adultes en bonne santé, âgés de 19 à 79 ans, que le fait de monter chaque jour un étage à pied rajeunissait le cerveau de 6 mois... Une autre étude de l'université de Californie montre également, que la pratique d'une activité sportive quotidienne permet un véritable rajeunissement de notre cerveau, en augmentant le niveau de la protéine GPLD1 et en favorisant la production de nouveaux neurones (Voir Science).

Des chercheurs américains de la Brigham Young Université ont également découvert que les personnes les plus sportives avaient un avantage biologique de neuf ans par rapport à ceux qui avaient un mode de vie sédentaire. Selon ces travaux, la pratique d'un exercice physique régulier agirait directement sur la longueur des télomères, en réduisant les niveaux d’inflammation et le stress oxydatif. L'an dernier une autre étude danoise a montré de manière étonnante que les septuagénaires qui ont été physiquement actifs tout au long de leur vie ont toujours une bonne santé musculaire et une meilleure résistance à la fatigue que les personnes inactives, même beaucoup plus jeunes (Voir The Physiological Society). Enfin, il y a quelques semaines, des chercheurs de l’université de l’Utah (États-Unis) ont montré que la pratique régulière d’activité aérobie pourrait contribuer à prévenir les lésions de l’ADN et le dysfonctionnement des télomères (Voir American Physiological Society).

L'ensemble de ces études et recherches sur les effets bénéfiques considérables, mais encore trop largement ignorés, de l'activité physique en matière de santé et de vieillissement, est à mettre en parallèle avec les conséquences sanitaires et sociales désastreuses de la sédentarité croissante, observées au niveau mondial. Selon l'OMS, l'inactivité physique serait responsable de 7,2 % des morts toutes causes confondues chaque année, soit plus de 4 millions de morts sur les 57 millions personnes décédées en 2020 (Voir BMJ). La sédentarité est devenue la 4e cause de mortalité mondiale et la première évitable. Une autre étude d'envergure, réalisée par l’International Chair on Cardiomégalie Risk (ICCR) en 2012, considère même que l’inactivité physique engendrerait au moins autant de décès dans le monde que l’usage du tabac. Elle serait à l’origine de 5,3 millions de décès dans le monde contre 5,1 millions pour le tabac. En France, on estime que le sédentarité est responsable de 9 % des décès et il y aurait jusqu'à 50 000 décès (plus que les morts dues à l'alcool et aux accidents de la route réunis) liés à des maladies chroniques provoquées par l’inactivité physique, ce qui coûterait 17 milliards d’euros par an à la collectivité. Le seul fait d'être assis sans interruption plus de 3h par jour est responsable d'environ 4 % des décès, toutes causes confondues et indépendamment du niveau d'activité physique.

L'année dernière, une étude dirigée par le professeur François Carré a montré, sur 9 000 collégiens âgés de 10 à 12 ans, que depuis 40 ans, la capacité physique de ces enfants avait diminué en moyenne de 10 %, ce qui est considérable selon les spécialistes. « Le capital cardio-pulmonaire de ces enfants va se trouver sérieusement entamé à l'âge adulte, avec des risques cardiovasculaires sensiblement accrus, sachant qu'un faible niveau d'activité multiplie par 2,5 les risques de décès par MCV » », souligne le Professeur Carré. Pourtant, cette perte de forme physique n'est nullement une fatalité et la même étude montre qu'il suffit que ces enfants suivent un entraînement fractionné et individualisé de 15 minutes bihebdomadaire sur 6 semaines pour retrouver 5 % de capacité physique en plus.

La situation n'est guère plus brillante du côté des adultes : un sondage OpinionWay publié en janvier dernier et réalisé sur 1009 personnes, nous apprend en effet que seulement 59 % des Français pratiquent une activité sportive de manière hebdomadaire. 17 % ne font jamais de sport, alors que 13 % en pratiquent moins d’une fois par mois. Cette étude confirme les résultats accablants d'un rapport de l'Anses, publié en 2022, qui a montré que 95 % de la population française adulte est exposée à un risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique ou un temps trop long passé assis. Ces travaux soulignent également qu'en France, plus d’un tiers des adultes cumulent un niveau de sédentarité élevé et une activité physique insuffisante. Ces personnes présentent ainsi des taux de mortalité et de morbidité plus élevés.

Outre les dommages sanitaires, on oublie souvent que le coût social et humain de l'inactivité est considérable dans notre pays : en 2023, la Mutualité sociale, dans une étude édifiante, a calculé que le coût social évité, si tous les adultes se conformaient aux recommandations de l'OMS en matière d’activité physique (150 minutes d'activité moyenne ou au moins 75 minutes d'activité d'intensité forte par semaine), serait de 23 200 euros par adulte et par an. Au niveau national, dans une telle hypothèse vertueuse, ce serait pas moins de 140 milliards (60 % de nos dépenses totales de santé en 2022) par an que pourrait économiser au total notre collectivité nationale, sous forme de soins médicaux et de pertes de productivité...Autant de moyens supplémentaires qui pourraient être, bien plus utilement, consacrés à la prévention, à la recherche, la modernisation de nos hôpitaux et une meilleure prise en charge médico-sociale de nos aînés...

En mars dernier, une vaste étude européenne sur 500 000 adultes dirigée par Federico De Santis de l'université de L'Aquila (Italie) a confirmé de manière saisissante l'effet protecteur des différents niveaux d'activité physique sur le risque d'AVC (Voir BMJ). Ces recherches ont montré que toute activité physique, même faible, était bien plus bénéfique que prévu pour diminuer ce risque d'AVC. En outre, parmi les personnes les plus sédentaires, il apparaît que le risque de décès toutes causes diminue de 39 % lorsqu'elles effectuent 9.000 pas par jour par rapport à celles qui ne font que 2.200 pas, avec un effet significatif (une baisse de 20 %) à partir de seulement 4000 pas, soit environ 2,5 km par jour.

Une large étude publiée dans la revue Journal of the National Cancer Institute et portant sur 4 millions de personnes (parmi lesquelles 68 936 cas de cancers ont été diagnostiqués) montre que chaque période assise de deux heures augmente de 8 % le risque de cancer du côlon. Cette étude montre qu’un comportement sédentaire est associé à un risque augmenté de 24 % de développer un cancer du côlon, de 32 % un cancer de l'endomètre, et de 21 % un cancer du poumon (Voir Oxford Academic). Cet incroyable effet protecteur de l'activité physique en matière de cancer est confirmé par une autre étude des universités McGill et Laval qui montre que les femmes pratiquant une activité physique vigoureuse au moins trois jours par semaine, peuvent réduire de 41 % leurs risques de cancer du sein, par rapport à des femmes entièrement sédentaires.

Il faut bien comprendre que la pratique généralisée d'une activité physique ne se décrète pas car l’appétence pour le sport sous toutes ses formes ne relève pas seulement de considérations rationnelles (« je fais du sport pour rester en bonne santé »). Comme le montrent nos voisins allemands ou scandinaves, intégrer le sport dans sa vie personnelle constitue un véritable choix de vie, qui s'inscrit dans un cadre social et culturel puissant. Nous ne deviendrons pas demain matin des Allemands ou des Norvégiens mais l'Etat peut décider, en mettant en œuvre une politique ambitieuse d'éducation sur le long terme, de favoriser la pratique sportive à tous les âges, grâce à tout un ensemble de mesures incitatives.

La place du sport à l’École doit notamment être considérablement réévaluée et renforcée, y compris en matière de notation dans les examens et diplômes de tous niveaux. Mais les entreprises, avec l'aide de l'Etat et des collectivités locales, doivent également comprendre qu'il est de leur intérêt que leurs salariés puissent pratiquer plus facilement une activité sportive sur leur lieu de travail. Enfin, le sport doit devenir plus présent dans les établissements qui accueillent nos anciens et ces structures doivent s'équiper d'espaces sportifs dignes de ce nom et former leurs salariés afin qu'ils puissent accompagner les résidents dans des activités physiques régulières et variées. Ce chantier du basculement vers une société sportive est immense et demandera une génération avant d’être pratiqué par le plus grand nombre. Mais nous devons bien voir que, dans un contexte de vieillissement inexorable de notre population, les investissements et efforts à consentir pour accomplir cette mutation de société sont presque insignifiants par rapport aux bénéfices immenses que notre pays peut attendre d'une telle transformation de nos modes de vie...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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