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Je pense, donc l'ordinateur suit
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Imaginez-vous pieds et poings liés dans un fauteuil, à l'instar de ces personnes privées de l'utilisation de leurs membres et coincées dans leur corps comme dans une cage de chair. Exit autonomie, indépendance, intimité et leur cortège de libertés. Ne reste que le cerveau, souvent de peu de secours pour interagir avec le monde extérieur. Quoique. Plusieurs équipes de chercheurs, notamment aux Etats-Unis, veulent rendre les ordinateurs et l'Internet contrôlables... par la pensée. Aujourd'hui, des scientifiques européens apportent leur pierre avec l'ABI (Adaptative Brain Interface), une interface directe entre le cerveau et l'ordinateur, surtout destinée à rendre les handicapés moteurs graves plus autonomes. Bien au-delà de la commande à reconnaissance vocale ou du clavier tapoté avec une paille, les expériences menées à l'Isis tirent directement parti de l'activité électrique du cerveau que capte l'électro-encéphalographie. Comment fonctionne cette surprenante communication entre le cerveau humain et les puces ou neurones de silicium de l'ordinateur? Les signaux électro-encéphalographiques d'un sujet évoluent en fonction des tâches mentales sur lesquelles celui-ci se concentre. Le signal correspondant à une pensée «relax» (selon la terminologie des chercheurs), pendant laquelle l'expérimentateur ferme les yeux et vide sa tête, est très différent de celui associé à la pensée «cube», où il faut imaginer un cube tournant sur lui-même, ou encore de celui d'une pensée dite «motrice», correspondant à un mouvement de la main gauche (aucun mouvement réel n'est toléré: l'utilisateur se concentre sur le geste, et doit penser très fort qu'il bouge sa main sans lever le petit doigt). Pour «deviner» la pensée du cobaye, le système ABI cherche donc à identifier ces différents états dans l'électro-encéphalogramme. En pratique, l'utilisateur est coiffé d'un joli bonnet hérissé d'électrodes, tartiné de gel (en guise de conducteur), et doit se concentrer en alternance sur trois tâches mentales parmi sept proposées. Les signaux sont traités par un réseau neuronal artificiel, spécialement conçu pour distinguer les signaux spontanés du cerveau de ceux qui correspondent aux tâches mentales choisies. Le cobaye amorce plusieurs séances d'apprentissage durant lesquels le chercheur impose une intense gymnastique mentale. Mais, même si ce système s'avère plutôt complexe pour un néophyte, ce qu'il rend d'ores et déjà possible est riche de promesses. «Nous pouvons agir mécaniquement et physiquement avec le seul pouvoir de notre pensée, voilà ce que nous montre l'ABI, se réjouit Jose del Millan, quadra à l'origine de l'unité de recherche ABI. Les applications directes concerneront l'environnement quotidien: le contrôle d'un fauteuil roulant ou l'interaction directe avec les outils de la maison: interrupteurs, appareils ménagers, etc.». Non contente d'améliorer la qualité de vie des personnes gravement handicapées, l'ABI pourrait, en leur offrant un accès aux nouvelles technologies, leur permettre de travailler à nouveau. Ou enfin. «Ce genre d'usages suscite énormément d'attentes, de la part des handicapés mais aussi des entreprises privées qui voient de multiples applications à développer: nouvelles formes de divertissement et d'éducation, nouveaux types de jeux vidéo ou outil pour la recherche en psychologie. Mais attendons que la technologie soit mature», pondère Jose Del Millan. Avec son collègue Josep Moureno, ils testent aujourd'hui l'ABI sur des enchaînements de pensée: imaginer que l'on est chez soi et que l'on se déplace de la chambre à la salle de bains. Aucun prototype ne sera commercialisé avant deux ans.
Libération :
http://www.liberation.com/quotidien/semaine/20010306marzd.html
ABI : http://sta.jrc.it/abi
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