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Des ions dans les neurones artificiels

S'inspirant de la nature et des neurones biologiques, une équipe du laboratoire de physique de l’École normale supérieure a conçu théoriquement un neurone artificiel avec des ions comme vecteur d’information. Ce prototype est constitué de fentes en graphène extrêmement fines – comme les pores nanométriques des neurones biologiques appelés canaux ioniques – dans lesquelles est confinée une seule couche de molécules d’eau. Sous l’effet d’un champ électrique, les ions de cette couche s’assemblent en grappes allongées et reproduisent le mécanisme physique de l’émission des potentiels d’action : la transmission d’informations.

Des chercheurs du laboratoire de nanofluidique de l'ENS ont étudié l’eau à l’échelle nanométrique, pour essayer de reproduire le fonctionnement d’un neurone avec des canaux artificiels. En observant comment des ions se comportent dans un système confiné où l’eau forme une seule couche moléculaire, ces scientifiques ont réussi à décrire ces systèmes identiques aux canaux ioniques qui sont des petits pores dans la membrane de cellules. Ces canaux permettent d’échanger des ions de manière sélective et précise avec le milieu qui les entoure. Ils interviennent dans beaucoup de processus biologiques, notamment dans l’émission de potentiels d’action qui permettent aux neurones de communiquer entre eux.

En effet, il existe dans la nature des exemples de processus qui consistent à faire passer de l’eau dans des trous, comme c’est le cas des reins, extrêmement efficaces, car ils ne laissent passer aucune impureté et sont très rapides à le faire. Mais depuis 5 ans, grâce l’équipe d’André Geim (Université de Manchester), inventeur du graphène et prix Nobel de physique en 2010, on sait réaliser une fente tellement fine que lorsque l’eau passe à l’intérieur, elle crée une seule couche.

Les chercheurs de l'ENS se sont donc alliés à l'équipe de Geim pour imaginer un concept d'ordinateur ionique, inspiré de la nature, qui consommerait beaucoup moins d'énergie. De nombreux chercheurs essaient de copier l’architecture du cerveau, du neurone, car celui-ci n’est pas du tout organisé comme un ordinateur. Dans un ordinateur, il y a la mémoire qui stocke l’information et un processeur qui la traite. Alors que dans le cerveau, la mémoire et le processeur, c’est la même chose. Ce sont les neurones qui stockent et traitent l’information. De nombreuses recherches consistent à essayer de créer de nouvelles manières de faire des calculs en s’inspirant des neurones et du cerveau de manière générale.

On pense notamment au memristor, un composant électronique qui imite le fonctionnement d’une synapse…

Effectivement, dans le memristor et dans d’autres processus électroniques qui copient le cerveau, les neurones stockent et processent l’information. Le memristor est une résistance électrique qui a un état interne pouvant coder l’information. Il peut avoir deux états : la haute résistance qu’on appelle 1, et la basse résistance 0. Cela fonctionne comme les bits d’informations et on peut les programmer. En fonction de son histoire, on peut mettre le memristor dans un des deux états et il va s’en souvenir. Et si on le laisse tranquille, il va garder l’état. Cette approche permet de concevoir des systèmes qui traitent l’information comme dans le cerveau, c’est-à-dire directement dans la mémoire, sans avoir besoin de l’extraire et de l’envoyer à un processeur.

C'est dans ce nouveau contexte que l’utilisation des ions prend tout son intérêt. Dans l’ordinateur, il y a des électrons qui se déplacent dans un métal. Dans le cerveau, c’est un échange d’ions de part et d’autre d’une membrane. Il existe différents types d’ions : sulfate, sodium, chlorure, lithium, potassium. Alors qu’il n’existe qu’un seul type d’électron. Ces chercheurs sont persuadé que cette flexibilité offerte par les ions peut permettre de réaliser un ordinateur traitant l'information de manière biochimique et consommant des milliers de fois moins d'énergie qu'une machine classique de puissance équivalente....

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Techniques de l'Ingénieur

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