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Informatique du futur : le cerveau s'impose comme modèle

C'est une invasion de puces et de capteurs d’un nouveau genre à laquelle on assiste. En 2014, IBM ouvrait le bal avec TrueNorth, comprenant 1 million de neurones et 256 millions de synapses. Depuis, tout s’est accéléré. En 2018, Intel est entré dans la danse avec Loihi : 128 000 neurones et 128 millions de synapses. Suivi par l’australien Brainchip, frappant fort avec Akida : 1,2 million de neurones et 10 milliards de synapses.

En juillet dernier, l’Université chinoise Tsinghua a fait la une de « Nature » avec Tianjic : 40 000 neurones et 10 millions de synapses. En septembre, la start-up parisienne GrAI Matter Labs a dévoilé sa puce NeuronFlow, et Prophesee, autre start-up parisienne, a lancé son capteur neuromorphique Metavision. « L’intérêt pour le neuromorphique a explosé, résume Damien Querlioz, chercheur CNRS en nanoélectronique bioinspirée au Centre de nanosciences et de nanotechnologies (C2N) de Saclay. Je travaille sur le sujet depuis onze ans. Au début, c’était considéré comme exotique et bizarre. Maintenant, c’est devenu classique. L’évolution est impressionnante ».

Chercheur chez Intel Labs, Garrick Orchard confirme cet attrait pour le neuromorphique de la part du géant américain des semi-conducteurs. « Nous en sommes au stade de la recherche et ne développons pas encore de produit, mais les équipes s’étoffent et cela va continuer ». Et pour cause. « Cette technologie a le potentiel de bouleverser le marché dans la prochaine décennie en accompagnant l’évolution de l’intelligence artificielle (IA) », affirme Pierre Cambou, analyste chez Yole Développement.

Telle est la conclusion du rapport dédié au calcul et aux capteurs neuromorphiques publié en octobre par ce cabinet de conseil en marketing technologique et stratégique dans les semi-conducteurs. Quel est ce neuromorphique qui s’annonce disruptif  ? « La définition n’est pas claire et précise », admet Damien Querlioz. « Et elle a changé depuis que Carver Mead, chercheur en informatique au California institute of technology, en a posé les bases à la fin des années 1980 », ajoute Garrick Orchard.

Aujourd’hui, les interprétations et les approches diffèrent. Mais toutes s’inspirent du cerveau et de son architecture de traitement de l’information à base de neurones et de synapses. Toutes sont également en rupture par rapport aux concepts qui dominent la microélectronique depuis des décennies. Fini l’architecture de von Neumann qui structure les ordinateurs traditionnels : la mémoire et le calcul se rapprochent. Fini l’horloge qui synchronise les échanges de données : les circuits deviennent asynchrones.

Fini le traitement séquentiel de l’information, place au calcul massivement parallèle. La multiplication des bits pour être plus précis ? Une moindre précision suffit et accélère les traitements. Le numérique croit régner en maître absolu ? L’analogique refait surface.

Il s’agit d’une révolution protéiforme qui s’explique par la combinaison de deux facteurs majeurs. D’une part, les principes clés qui ont permis les avancées époustouflantes de la microélectronique atteignent leurs limites. La progression de la puissance de calcul à énergie constante est terminée, la loi de Moore est morte.

D’autre part, les données explosent. Les traiter avec le hardware traditionnel conduirait à un gouffre énergétique. D’autant que l’IA s’impose pour les exploiter, deep learning en tête, dont les calculs sont extrêmement énergivores sur les architectures informatiques actuelles. Trouver des hardwares alternatifs devient un nouvel enjeu.

Une anecdote revient sans cesse dans la bouche des ingénieurs et chercheurs du neuromorphique. AlphaGo, l’IA de Deepmind, a certes écrasé Lee Sedol au jeu de go en mars 2016. Mais en ramenant l’efficacité énergétique dans la compétition, la victoire de la machine est moins éclatante. Le cerveau du champion coréen ne consomme que 20 W, alors que les algorithmes exigent un superordinateur dévorant plusieurs kilowatts. C’est cette sobriété énergétique du vivant que tente de reproduire le neuromorphique.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Industrie & Technologies

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