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Edito : Hyperloop va-t-il transformer la Terre en village planétaire ?
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Il y a cinq ans, en juillet 2012, Elon Musk, charismatique patron des entreprises innovantes SpaceX, Tesla et Solar City, évoquait pour la première fois son projet révolutionnaire « Hyperloop », qu’il présentait comme un cinquième mode de transport, en plus des bateaux, des avions, des voitures et des trains.
L'Hyperloop est constitué d’un double tube surélevé dans lequel se déplacent des capsules transportant des voyageurs ou des marchandises. L'intérieur du tube est sous basse pression pour limiter les frictions de l'air. Pour réduire encore un peu plus les frottements, les capsules se déplacent sur un coussin d'air et sont propulsées par un champ magnétique généré par des moteurs à induction linéaires disposés à l'intérieur des tubes.
En théorie, l'Hyperloop, avec une vitesse de pointe de 1 102 km/h, permettrait de relier les 550 km qui séparent Los Angeles de San Francisco en moins de 30 minutes, c'est-à-dire un peu plus vite qu'un avion qui parcourt cette même distance en 35 minutes à la vitesse de 885 km/h. Plusieurs sociétés, en compétition féroce, travaillent sur le développement de cette technologie en espérant être la première à proposer une offre commerciale : Hyperloop One (anciennement Hyperloop Technologie Inc.), Hyperloop Transportation Technologies (HTT), lancée par l'allemand Dirk Ahlborn, la société canadienne Transpod et enfin l’Hyper Tube Express (HTX). Le véhicule de TransPod est prévu pour atteindre des vitesses supérieures à 1 000 km/h avec un système de commande piloté par ordinateur et utilisant une infrastructure pouvant être alimentée à l'énergie solaire. TransPod a annoncé son plan pour produire un véhicule commercial d'ici 2020 et vise la réalisation d’une ligne d’hyper-vitesse Montréal-Toronto d’ici 2025.
Début mars, Hyperloop One a pour sa part fait état de l'avancée des travaux du tube qui servira prochainement de test pour les éléments de ce système de transport à ultra-haute vitesse capable de déplacer passagers ou fret à plus de 1000 km/h dans des tubes à basse pression. Installée dans le désert du Nevada, la piste d'essai fait désormais 500 mètres de long et va permettre de mener les premiers tests du véhicule qui circulera dans le tube.
Hyperloop One espère être retenu pour créer une première connexion dans les Emirats Arabes Unis, du côté de Dubaï, dans le cadre du projet de développement de programmes de transport urbain de nouvelle génération. En novembre 2016, cette société a en effet signé un accord de partenariat avec l’Autorité des routes et des transports (RTA) de Dubaï pour évaluer la faisabilité de la construction du système de transport supersonique entre Dubaï et Abou Dhabi. L’objectif d’une telle liaison est de ramener le temps de trajet entre ces deux métropoles à seulement 12 minutes, au lieu d’une heure cinquante aujourd’hui. Hyperloop One assure avoir déjà réuni 160 millions de dollars auprès d'investisseurs, dont la SNCF.
De son côté, Hyperloop Transportation Technologies développe un projet similaire et vient de publier une vidéo de la capsule qui devrait transporter des passagers à 1.223 km/h (Voir YouTube) et sera en partie assemblée dans son centre de R&D de Toulouse. Ce train du futur sera constitué de wagons de deux tonnes, faisant 30 mètres de long, 2,7 mètres de diamètre. Chacun de ces wagons pourra transporter entre 28 et 40 passagers à la vitesse de 1 223 km/h dans un tube sous faible pression. Le centre de R&D de Toulouse-Francazal dont la future ouverture a été annoncée en janvier représente un investissement de 40 millions de dollars et conduira à recruter à terme une cinquantaine de personnes. Les dirigeants d’HTT ont précisé que le centre toulousain serait la version européenne du site californien qui accueillera une piste d’essai de 8 kilomètres dans un tube sous pression et sera opérationnelle en 2018.
En outre, il y a quelques semaines, un nouveau compétiteur redoutable est venu à son tour annoncer sa volonté de réaliser la première ligne d’hypervitesse au monde. Ce nouvel acteur est le coréen HTX, qui regroupe les principaux centres de recherche de Corée du Sud. Le projet HTX, dont on ne connaît que les grandes lignes pour l’instant, vise à concevoir des capsules de transport propulsées par un système de lévitation et d'attraction magnétique à une vitesse de plus de 1000km/ heure. HTX est destiné à relier Séoul, la capitale, à Busan, grande ville portuaire du sud, en 20 minutes contre trois heures actuellement avec le train rapide Korea Express Train (KTX). Le HTX devrait faire environ 20 mètres de long et être capable d'embarquer 20 personnes. Comme son concurrent l'Hyperloop, HTX se déplacera dans un tube fermé très basse pression pour réduire les frottements avec l'air et la consommation d’énergie à une telle vitesse.
En France, Christian Brodhag, directeur de recherche à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, croit depuis le début au potentiel d’Hyperloop et a demandé à des élèves de deuxième année de la section entreprenariat et innovation de réaliser des études de faisabilité pour relier Saint-Etienne à la métropole voisine, via ce nouveau mode de transport. Le projet élaboré par l’Ecole des Mines soutient qu’il est possible de transporter 10.000 passagers par jour entre St-Etienne et Lyon, grâce à ce système de navettes hyperrapides en départ continu. « Avec une vitesse moyenne de 400 km/h, Hyperloop pourrait relier Lyon à St-Etienne en moins de dix minutes », souligne Christian Brodhag qui précise qu’un tel projet coûterait entre 700 et 800 millions d’euros, c’est-à-dire deux fois moins que la future A45 qui doit relier les deux métropoles…
D’abord regardé avec incrédulité et ironie par les géants du transport, ce concept d’Hyperloop est depuis quelques mois pris très au sérieux par les principaux acteurs de ce secteur qui ne veulent pas passer à côté de cette rupture technologique majeure. Il est vrai que, comme le souligne le dirigeant de TransPod, Sébastien Gendron, « Les lignes de TGV classiques ont atteint leurs limites car au-delà de 300 km/heure, l'usure des freins et des rails et la consommation d’énergie fait grimper les coûts de manière exponentielle ».
En revanche, Hyperloop est un concept de transport qui combine de façon ingénieuse deux innovations technologiques complémentaires : le mode de propulsion à sustentation électromagnétique et le déplacement dans un tube à très basse pression, ce qui lui permet d’atteindre quatre fois la vitesse des TGV actuels pour un coût global d’investissement et de fonctionnement qui ne devrait pas, à terme, être plus élevé que celui des lignes à grande vitesse que nous connaissons. Comme le souligne un dirigeant d’Hyperloop TT : « A terme, l'Hyperloop aura la vitesse d'un avion, le confort d'une voiture, la simplicité d'un ascenseur et le débit d'un système de métro ».
Et s’il est vrai que l’Hyperloop présente l’inconvénient majeur de nécessiter des infrastructures nouvelles et incompatibles avec elles du TGV, ce handicap pourrait être largement compensé par la diminution considérable des nuisances et de l’impact sur l’environnement d’un tel mode de transport, par rapport à l’avion. En outre, alors qu’il n’est pas envisageable de construire des aéroports en centre-ville, il est possible de réaliser de nouvelles gares pouvant accueillir des « hypertrains » au cœur de nos grandes métropoles, en réaménageant des installations existantes, ce qui représente un avantage supplémentaire décisif sur l’avion, surtout quand on sait que pour un trajet par les airs d’une heure ou d’une heure et demie, il faut rajouter, au départ et à l'arrivée, deux fois ce temps de vol, pour effectuer les navettes entre le centre-ville et l’aéroport, ainsi que les formalités d’enregistrement et de contrôle.
L'Hyperloop pourrait donc devenir, à l’exception des déplacements intercontinentaux, un moyen de transport capable de concurrencer l'avion par sa grande vitesse, sa souplesse d’utilisation et son coût énergétique et environnemental plus faible que celui des transports aériens, qu’il s’agisse du bruit, de la pollution atmosphérique ou de la taille des infrastructures. Bien sûr, les difficultés techniques à surmonter pour réaliser un réseau Hyperloop planétaire performant, fiable et compétitif, restent considérables, mais nullement insurmontables, comme le confirment d’ailleurs de nombreux chercheurs et ingénieurs.
Rappelons-nous que, depuis deux siècles, de doctes esprits nous ont successivement expliqué que, jamais un être humain ne survivrait dans un train roulant à plus de 50km/ heure, que jamais un engin plus lourd que l’air ne volerait, que jamais le vol supersonique ne deviendrait une réalité ou encore, à la toute fin du XIXème siècle, alors que la première ligne de métro allait être inaugurée, que jamais les Parisiens n’utiliseraient un mode de transport souterrain pour se déplacer…
Pour un continent comme l’Europe, densément peuplé et deux fois moins vaste que les Etats-Unis ou la Chine, l’Hyperloop pourrait, en une génération, pour peu qu’il existe une volonté politique forte, étendre son réseau entre les principales métropoles européennes et préparer l’ère de l’après-TGV qui devra concilier performances, souplesse et faible empreinte environnementale.
Si l’Europe parvient la première à se doter d’un tel système de transport, qui réduira à moins de trois heures le temps de trajet de centre à centre entre les principales métropoles européennes, elle disposera d'un avantage compétitif majeur sur le reste du monde et d’un extraordinaire amplificateur de richesses qui permettra, dans le domaine du déplacement des hommes et des marchandises, un bond économique et technologique aussi important que le passage à la fibre optique dans le domaine de la circulation de l’information.
On ne peut que déplorer que, pour l’instant, les principaux projets sérieux et viables en développement pour réaliser l’Hyperloop et en faire une réalité soient américains ou asiatiques. Souhaitons que l’Union européenne, dont l’avenir est incertain et qui a besoin de grands projets fédérateurs et audacieux, se donne les moyens de réaliser un tel réseau. C’est en effet en montrant concrètement ses capacités à relever les grands défis de ce siècle et en sachant répondre aux aspirations de ses citoyens que l’Europe trouvera un nouveau souffle et suscitera à nouveau l'enthousiasme et une large adhésion démocratique.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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Levasseur
12/05/2017Difficile à mon niveau de valider un tel projet.
Mes remarques sont plus générales :
- les projets innovants terrestres sont régulièrement avec une infrastructure (nouvelle) dédiée à ce seul moyen de transport. c'est couteux et ça prend de l'espace. ça ne capitalise pas avec l'existant sous à faire de l'interconnexion la plus rationnelle possible.
- les projets innovants en 3D (aérien donc) possèdent une infrastructure au départ et à l'arrivée dédiée au moyen. c'est aussi avec un certain coût mais ça prend moins d'espace.
- les moyens de transport des projets innovants ont besoin pour être rentables ou économiquement viables d'être sous forme de module : reprendre l'idée du container maritime sous une autre forme
- il ne faut pas se leurrer, les formalités de contrôle et d'enregistrement risquent d'être similaires à celles des aéroports pour voyager dans un type hyperloop. Quid en cas d'accident ou incident ?
- accéder à l'infrastructure de départ sera aussi une contrainte puisqu'on ne possèdera pas le "moyen/container" chez soi (ou proche).
Concernant la comparaison projet type hyperloop et A45 :
- la 4 voies permet de faire des entrées/sorties tout au long du parcours, tandis qu'hyperloop ne le peut pas. On peut mélanger du transport de passager et du frêt à tout moment, là où hyperloop demandera une planification/organisation
- la 4 voies est un maillon d'un plus grand trajet possible là où hyperloop impose les mêmes contraintes que le TGV.
Donc comparer les coûts simplement ne me semble pas optimum.