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Hérédité : un caractère transmis sans son gène chez la souris !

Feu Gregor Mendel, père des lois de l'hérédité, risque de se retourner dans sa tombe ! Des souris ont en effet hérité des effets d'un gène anormal alors qu'elles n'ont pourtant pas reçu ce gène, comme le montre de manière surprenante mais incontestable une expérience rigoureuse de laboratoire réalisée par Minoo Rassoulzadegan et ses collaborateurs de l'Unité Inserm 636 « Génétique du développement normal et pathologique », basée à Nice.

Rappelons que l'acide désoxyribonucléique (ADN) compose les gènes des souris et des hommes et que l'acide ribonucléique (ARN), dit « messager » a pour fonction de produire les effets de ces gènes.

Dans le cas de l'étude en question, le résultat de cette transmission de caractère héréditaire sans transmission du gène correspondant s'est manifesté par la présence de taches blanches au bout de la queue des souris. Les chercheurs ont produit des souris porteuses d'une copie normale du gène et d'une copie anormale. En se reproduisant entre elles, les souris ont donc transmis une copie de leurs gènes à leur descendance. En conséquence, les petits se retrouvaient avec deux copies, une de chacun de leurs parents. Selon les règles classiques de la génétique, les souris possédant deux gènes normaux devaient présenter une coloration normale de leur queue. Pourtant, 24 des 27 souris ainsi obtenues avec deux copies normales présentaient une coloration blanche de la queue, caractère pourtant associé au gène aberrant.

Quand les chercheurs ont fait se reproduire leurs souris spéciales avec des souris aux gènes uniquement normaux, leur descendance a également présenté l'anomalie : ce caractère pouvant être hérité de la mère comme du père s'exprimait sur plusieurs générations en l'absence même du gène anormal. Pour comprendre cette anomalie, les chercheurs ont analysé le sperme des souris, plus facile à étudier que les ovules. Ils ont ainsi découvert la présence d'ARN portant ce signal héréditaire. Lorsque de l'ARN d'une souris portant le gène anormal était introduit dans les embryons à un stade précoce du développement, environ la moitié de la descendance présentait les taches blanches sur la queue.

L'ARN fournissant normalement les instructions des gènes au mécanisme de fabrication des protéines, on peut penser qu'il transmet également l'effet des gènes. Mais on ne sait pas comment s'effectue ce transfert chez les souris, selon le responsable de cette étude, Minoo Rassoulzadegan de l'Université de Nice Sophia-Antipolis, en France. Pour le chercheur Paul Soloway de l'Université Cornwell, les résultats de cette étude à laquelle il n'a pas participé, ajouté à d'autres travaux, apportent la preuve d'un rôle de l'ARN.

Les scientifiques savent que le sperme transmet une certaine quantité d'ARN aux ovules pendant la fécondation. La récente étude démontre donc que l'ARN du sperme a un effet. Cela pourrait avoir un rôle dans la stérilité masculine inexpliquée, estime Stephen Krawetz, de l'Ecole de médecine de l'Université d'Etat Wayne à Detroit, dans le Michigan.

Paul Soloway n'est pas en mesure d'évaluer l'importance de cet héritage, mais note qu'une étude menée en 1997 sur un gène humain de prédisposition au diabète de type 1 avait obtenu des résultats semblables. Ce phénomène appelé "paramutation" avait déjà été observé dès 1956 chez certaines plantes mais cette récente étude sur les souris a permis d'en savoir davantage sur la façon dont cela se produit, estime Paul Soloway.

Il résulterait d'un "dialogue" entre deux copies ou allèles d'un même gène. Situés sur les deux chromosomes d'une même paire, ces allèles (venant de chacun des parents) sont habituellement indépendants. Dans de rares cas, l'expression de l'un dépend cependant d'indications données par l'autre. La "paramutation" est un exemple d'un tel "dialogue", dont les effets se prolongent sur les générations suivantes.

Chez les souris étudiées, le "dialogue" entre allèles d'un mème gène (l'un muté et l'autre pas) aurait entraîné la production d'ARN dans les cellules germinales (futurs spermatozoïdes et ovules), les "ordres" du gène muté étant ainsi transmis aux générations suivantes, même en l'absence du gène lui-même.

Paul Soloway pense qu'il est possible que de "tels ARN régulent aussi d'autre modes non-génétiques d'hérédité". Mme Rassoulzadegan, pour sa part, relève l'impact possible de ce phénomène étonnant de paramutation sur l'analyse de maladies génétiques chez l'homme : même en l'absence d'un gène muté déficient, une forme d'hérédité pourrait être transmise. C'est donc tout un nouveau et passionnant champ de recherche qui s'ouvre pour mieux comprendre ce nouveau mécanisme de transmission des caractères héréditaires.

Article @RTFlash

Inserm

Nature

Science

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