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Le génome révèle un nouveau niveau d'organisation inconnu…
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L’organisation spatiale du génome est loin d’être aléatoire au sein des noyaux de nos cellules. On connaissait le premier échelon de cette organisation, le nucléosome, dont la structure cristallographique avait été révélée en 1997. Ce complexe permet d’enrouler la molécule d’ADN et représente donc un premier niveau de compaction de l’ADN en une fibre de chromatine.
À l’autre bout de l’échelle, on savait, grâce à des approches cytologiques et de microscopie photonique, que les chromosomes s’organisent en territoires chromosomiques individuels, occupant des positions préférentielles dans le noyau suivant leur activité génique, leur densité en gènes ou leur taille. En revanche, au milieu de l’échelle, les choses paraissaient beaucoup plus floues. Mais, depuis quelques années, cette organisation spatiale du génome se précise.
À cette échelle mystérieuse, diverses équipes avaient observé des repliements entre des régions éloignées du génome, ainsi que des regroupements de gènes situés sur des chromosomes différents. On soupçonnait donc l’existence de repliements de la fibre de chromatine et, par là même, de rapprochements physiques entre les promoteurs des gènes (un promoteur est une sorte d’interrupteur : une séquence d’ADN adjacente à un gène qui, lorsqu’elle est activée, déclenche l’expression de ce gène) et leurs séquences stimulatrices, ou enhancers, des séquences d’ADN parfois assez éloignées du promoteur qu’elles activent. On n’en savait pas beaucoup plus.
Puis, ces dernières années, des avancées majeures dans la compréhension de l’organisation spatiale du génome, de la centaine de kilobases (100 000 paires de bases) jusqu’à la mégabase (1 million de paires de bases), ont vu le jour grâce à l’application de nouvelles techniques de biologie moléculaire comme la méthode Hi-C, une méthode consistant à cartographier la fréquence des contacts entre les différentes régions du génome, afin d’y déceler des motifs inhabituels.
En 2009, on a ainsi vu apparaître les premières cartes de Hi-C, capturant l’ensemble des contacts entre régions génomiques dans l’espace 3D du noyau. Elles avaient une résolution relativement faible, mais on y distinguait déjà des organisations préférentielles de larges régions génomiques et, notamment, l’organisation en compartiments actifs et réprimés, notés respectivement A et B. En 2012, l’application de la méthode Hi-C ou de dérivées avec une résolution accrue a permis à des équipes – celle d’Edith Heard, à l’institut Curie, et celle de Bing Ren, à l’institut Ludwig pour la recherche sur le cancer à La Jolla, aux États-Unis – de découvrir de nouveaux domaines d’organisation de la chromatine, désormais appelés TAD (pour topologically associating domains).
Le long des chromosomes, les TAD représentent des zones du génome caractérisées par des interactions internes bien plus fortes que celles de TAD adjacents. Entre les TAD, on trouve de véritables frontières, qui conduisent à la partition du génome en une série de TAD. L’obtention de cartes de Hi-C à très haute résolution a aussi permis de mettre en évidence de nombreuses boucles d’ADN. Certaines, dites « structurales », séparent les TAD les uns des autres.
D’autres, situées à l’intérieur des TAD, joueraient divers rôles fonctionnels. Certaines rapprocheraient des promoteurs et des enhancers, d’autres les deux extrémités d’un gène (ce qui renforcerait la direction selon laquelle le gène est transcrit), d’autres encore se formeraient entre des sites reconnus par des protéines impliquées dans la répression de nombreux gènes – les protéines du groupe Polycomb –, renforçant leur action. En d’autres termes, les TAD permettent de mieux confiner certaines régions du génome, ce qui facilite la régulation de l’expression des gènes.
Par ailleurs, l’application toute récente de méthodes de microscopie à très haute résolution (de l’ordre de la dizaine à la centaine de nanomètres) a permis à plusieurs laboratoires d’affiner le mode de repliement de la chromatine à l’intérieur des TAD. C'est ainsi qu’on vient de révéler la présence de structures sous-jacentes aux TAD, de l’ordre de la centaine de kilobases, qui ont étés appelées « nanodomaines de chromatine », ou CND.
L'équipe de Frédéric Bantignies, directeur de recherche au CNRS, Institut de génétique humaine (CNRS, université de Montpellier) vient de montrer que les CND résulteraient d’interactions locales et dynamiques entre les nucléosomes, dépendantes de marques épigénétiques (des marques non codées dans le génome) situées sur les nucléosomes.
La découverte de ces différents échelons de l’organisation des chromosomes ouvre de nouvelles voies d’investigation pour comprendre le fonctionnement du génome, ainsi que des maladies dont l’origine restait mystérieuse. Notamment, des réarrangements chromosomiques, du type inversion ou délétion, surviennent au niveau des régions frontières des TAD. Cela a pour effet d’entraîner des défauts d’isolement entre les gènes.
Ainsi, des séquences stimulatrices localisées dans le TAD voisin peuvent communiquer et activer de manière erronée des gènes dans des tissus où ils sont normalement éteints. C’est par exemple le cas de gènes du développement directement impliqués dans des malformations des membres (syndrome F, polydactylie…), des défauts neurologiques ou des dysplasies.
De même, des réarrangements chromosomiques peuvent entraîner l’activation de gènes normalement éteints et susceptibles de conduire à la transformation des cellules et à l’apparition de tumeurs. Il est donc primordial de prendre en compte l’organisation 3D du génome pour expliquer les nombreux défauts cellulaires liés à la dérégulation des gènes.
A terme, ces travaux, encore très fondamentaux, pourraient permettre de prédire, dans un type cellulaire donné, la régulation de son expression génique en connaissant la séquence de l’ADN et son organisation tridimensionnelle, ce qui aurait des implications thérapeutiques majeures pour de nombreuses pathologies.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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