Edito : Le futur n'est plus ce qu'il était
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Il y a 60 ans, en septembre 1940, alors que la bataille d'Angleterre fait rage, un jeune écrivain américain de 20 ans d'origine russe, Isaac Asimov publie sa première nouvelle consacrée aux robots: "Robbie". Cinq ans avant la mise en service du premier ordinateur, l'ENIAC, et 35 ans avant le premier microprocesseur, Asimov, en génial visionnaire, pose le cadre général de son oeuvre : la conquête progressive de la galaxie par l'espèce humaine aidée dans sa tâche par des androïdes intelligents et sensibles. Alors que l'informatique et l'électronique ne sont pas encore nées, Asimov pressent l'extraordinaire développement de la robotique au XXIeme siècle et imagine la mise au point d'un cerveau "positronique" capable d'égaler la complexité du cerveau humain. A la même époque, Il imagine également les trois lois de la robotique qui font encore référence aujourd'hui. La première loi précise qu'un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser par son inaction un être humain en danger. La seconde loi précise qu' un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf quand ces ordres sont incompatibles avec la Première Loi. Enfin, la troisième loi édicte qu'un robot doit protéger sa propre existence tant que cette protection n'est pas incompatible avec la Première ou la Deuxième Loi. Asimo, le robot humanoïde que vient de présenter Honda Motor Co après 14 ans de recherche Asimo, mesure un mètre vingt de haut, pèse 43 kilos, est capable de se déplacer de façon autonome et parvient même à monter des marches. Il peut également s'incliner en signe de salut, agiter la main pour dire au revoir et même répondre à quelques questions. Ce robot, dont le nom est un hommage au grand écrivain disparu, n'arrive pas seul sur l'immense marché potentiel des services à la personne et du divertissement. Alors qu'Honda présentait Asimo, Sony pour sa part présentait Aibo, le premier « robot de divertissement » de l'ère moderne. Bien qu'expérimentale, la première version s'est vendue à près de 45 000 exemplaires. La seconde version, ERS-210, sortie le 16 novembre 2000, est, elle, directement conçue pour une production de masse : Sony compte en vendre au moins 100 000 unités. A 1 500 dollars, le nouvel Aibo est meilleur marché que son grand frère et a été doté de nouvelles fonctions : il reconnaît la parole et prend des photos. Face à Sony, Toshiba ne voulait pas être en reste et a créé un robot qui joue au volley pour démontrer le perfectionnement de ses fonctions de localisation et de reconnaissance visuelle. Toutes sortes de découvertes sont applicables au robot : l'un des logiciels de reconnaissance vocale en cours d'étude dans les laboratoires de Toshiba et destiné aux appareils de navigation automobile reconnaît deux millions de types de phrase différents et comprend les défauts du langage (omissions, inversion...). De son côté NEC en est déjà à un stade avancé du développement de R100. Sa commercialisation pourrait être décidée dès l'an prochain. Mis au point par un jeune chercheur, Yoshihiro Fujita, R100 est un robot à roulettes communicant. Yoshihiro Fujita l'a imaginé en interaction avec toutes sortes d'appareils de la maison (télévision, electro-ménager, lumière), afin d'exécuter à distance les ordres oraux ou électroniques (par e-mail) qu'on lui donne, comme : « Eteins telle lumière ! Programme le magnétoscope à telle heure ! », etc. R100 est sensible aux formes humaines, peut reconnaître de manière précise dix personnes préalablement enregistrées et les appeler chacune par leur nom. Enfin, il envoie et reçoit des e-mails sous forme de messages audiovisuels : en filmant son interlocuteur ou en envoyant sur la télé le message qui lui est destiné. NEC imagine faire de R100 une sorte de robot domestique qui combine le rôle de compagnon, d'amuseur, d'ordinateur mobile et de télécommande vocale. Mais derrière cette première génération de robots de compagnie se profilent de futures machines bien plus sophistiquées qui seront capables de remplir les tâches d'assistance médicale, secteur dont le poids économique va devenir considérable à cause du vieillissement de la population. Déjà Sanyo Electric a mis au point une sorte de robot infirmier capable d'assurer des soins médicaux à domicile. Sous forme de chien en peluche, il est équipé d'un thermomètre, d'un appareil pour mesurer le pouls, et peut être connecté à divers appareils médicaux. Toutes les données qu'il recueille peuvent être transmises automatiquement par téléphone portable à un centre médical, tout comme les réponses des patients, auxquels il pose des questions. Sanyo prévoirait de le commercialiser à partir de 2001 à un coût inférieur à 6 000 francs. Matsushita Electric a, de son côté développé un robot pour tenir compagnie aux personnes âgées, actuellement en cours d'expérimentation. , mais il n'est pas autonome, il doit être programmé. Enfin Toyota vient d'annoncer qu'il prévoit de développer toutes sortes d'automates pour la commercialisation d'ici à 2005, date d'arrivée sur le marché d'une nouvelle génération de microprocesseur, 10 fois plus puissants qu'aujourd'hui. Mais avant de nous tenir compagnie, les robots auront déjà révolutionner la médecine et la chirurgie. Tel est le cas du nouveau système Da Vinci, développé par Intuitive Surgical. Cette machine complexe permet une vision interne en trois dimensions rendue à l'aide de deux caméras, et d'un poignet articulé pour effecteur les gestes techniques à l'intérieur du corps du patient. Le tout, manipulé à distance par un chirurgien dont les gestes sont reproduits en temps réel par un ordinateur ultra puissant. La France ne compte aujourd'hui que trois machines de ce type. Le professeur Loisance en a obtenu une dès mai 2000 pour son service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire à Henri-Mondor. Ces robots chirurgicaux combinés à l'internet haut débit ouvrent la voie à la télémédecine coopérative, mettant par exemple en relation pendant une opération plusieurs chirurgiens et spécialistes internationaux équipés du même matériel. Il ne fait désormais plus de doute que dans 10 ans les robots, longtemps cantonnés aux usines, seront partout dans notre vie quotidienne. Capables à la fois de réfléchir et d'agir sur leur environnement, infatigables, discrets et et toujours plus efficaces, même face à l'imprévu, ils deviendront, dans une génération, comme l'avait bien pressenti Asimov, d'indispensables auxiliaires dans toutes les activités humaines, qu'il s'agisse de nous divertir, nous soigner ou nous aider dans une multitude de tâches. Pour le centenaire de la naissance d'Asimov, en 2020, il ne serait pas étonnant qu'un robot soit invité à prononcer l'allocution rituelle qu'il aura lui même écrit! Décidément, comme aurait dit Asimov avec son humour coutumier, en ce début de XXIeme siècle, le futur n'est plus ce qu'il était.
René TRÉGOUËT
Sénateur du Rhône
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