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Edito : La France mise sur l'éolien marin
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Nicolas Sarkozy, en visite aux chantiers de construction navale STX de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a annoncé le 25 janvier un appel d'offres géant, portant sur l'installation de 600 éoliennes au large des côtes françaises.
Ce parc représente une puissance installée de 3000 mégawatts (MW), soit la capacité de près de deux réacteurs nucléaires EPR et une production électrique annuelle moyenne qui devrait représenter plus de 2 % de la consommation totale d'électricité prévue en 2020. Cet appel d'offres représente un investissement de 10 milliards d'euros pour les industriels candidats, soit un coût de construction d'environ 3,5 millions d'euros par mégawatt. Il sera ouvert au deuxième trimestre de 2011.
Avec le Grenelle de l'environnement, le gouvernement s'est fixé pour objectif de porter à 23 % la consommation d’énergie renouvelable d’ici à 2020. "Cet objectif ne sera pas atteint sans l’exploitation des ressources des océans", estime le ministère de l'Écologie. La France a donc prévu d'installer 25 000 MW d'ici 2020 – 6 000 MW pour l'offshore et 19 000 MW pour l'éolien terrestre.
Selon la Direction générale de l'énergie et du climat, le coût moyen de l'électricité éolienne s'élève à 3,5 millions par mégawatt en mer, alors que celui de l'éolien terrestre est de l'ordre de 1,5 million d'euros. Mais ce coût est compensé par les conditions climatiques : un vent plus fort et plus régulier et les performances techniques des éoliennes offshore (dont la pointe des pales arrive presque en bas du mât), beaucoup plus élevées.
Pour mieux comprendre les enjeux économiques et énergétiques de l'éolien marin, il faut savoir qu'une éolienne marine de 5 MW de puissance va produire, en moyenne, 50 % d'électricité en plus que son homologue terrestre, soit environ 18 millions de kWh par an, ce qui représente la consommation électrique moyenne de plus de 6 000 foyers (hors chauffage) ou encore la consommation électrique annuelle de 10 000 petites voitures électriques roulant 10 000 km par an.
Les candidats retenus pour cette première tranche de l'appel d'offres seront sélectionnés en 2012, a ajouté Nicolas Sarkozy. Cinq zones de développement ont d'ores et déjà été définies, situées sur la façade Atlantique et la Manche, entre Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et Le Tréport (Seine-Maritime). «Notre objectif est de faire émerger une filière nationale performante pour construire ces moyens de production et également se projeter à l'export», a déclaré le chef de l'Etat, précisant que ce premier appel d'offres a été reporté pour que «les industriels du secteur se structurent».
Le président de la République pose ainsi la première pierre d'un chantier très ambitieux. Contrairement à des pays voisins comme le Royaume-Uni ou le Danemark, la France ne possède à ce jour aucun parc éolien offshore, alors qu'elle dispose d'une immense façade maritime de 3500 kilomètres.
Pour le cabinet de consulting Capgemini, qui a publié récemment une étude sur le potentiel du tissu industriel français en matière d'éolien pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et l'Ademe, la construction de parcs offshore dopera le projet de la France de se doter d'une filière nationale de l'éolien. «Les industriels français ont les capacités de conception et de construction de l'ensemble des composants d'une éolienne», conclut cette évaluation. Autrement dit, les entreprises françaises, fortes de leurs compétences dans certains secteurs comme la métallurgie, la mécanique, l'aérodynamique, le BTP ou l'électronique, présentent tous les atouts nécessaires pour constituer une filière compétitive, tant au niveau national qu'international.
Cette analyse est partagée par PricewaterhouseCoopers. Dans un un rapport publié en décembre dernier, le cabinet de consulting soulignait les «atouts de la France» pour rattraper son retard, à condition toutefois de «lancer rapidement l'appel d'offres».
L'Europe a installé 308 éoliennes en mer en 2010, soit 51 % de plus que l'année précédente. Au total, 883 mégawatts (MW) de nouvelles capacités de production d'électricité à partir d'éoliennes en mer ont été installées en 2010, dans neuf fermes éoliennes réparties dans cinq pays. Cela a représenté un investissement de 2,6 milliards d'euros,
Fin 2010, on comptait 1136 éoliennes en mer d'une capacité de production totale de 2964 MW en Europe. Le seul Royaume-Uni vise la construction de 3500 éoliennes offshore au cours des 12 prochaines années...
Fin 2010, le groupe énergétique suédois Vattenfall a annoncé la construction prochaine d'un parc éolien au large des côtes allemandes en mer du Nord, en association avec Stadtwerke München (SWM), dont le coût a été évalué à un milliard d'euros. Le parc "DanTysk" sera situé à environ 70 km à l'ouest de l'île de Sylt, dans le nord de l'Allemagne, où la profondeur d'eau atteint les 30 mètres.
L'Allemand Siemens devrait fournir pour l'occasion son tout dernier modèle de turbine éolienne d'une puissance de 3,6 MW. Siemens précise que son nouveau modèle est équipé de pales d'une longueur de 58,5 mètres, le rotor couvrant une surface de 11 300 m², soit l’équivalent de deux terrains de football. D'une capacité éolienne totale de 288 mégawatts (MW), et d'une production électrique annuelle d'environ 1320 GWh, le parc éolien offshore doté de 80 turbines générera suffisamment d'énergie renouvelable pour couvrir les besoins de 500.000 ménages.
L'enjeu de l'éolien marin est écologique mais aussi économique. En 2010, la filière éolienne dans son ensemble emploie plus de 170 000 personnes en Europe (en comptant les emplois indirects), dont seulement 20 000 environ dans l'offshore. Une situation qui devrait évoluer rapidement. A l'horizon 2025, le nombre d’emplois générés par le secteur éolien offshore devrait dépasser celui du secteur éolien terrestre, pour atteindre 215 000 emplois. La filière française emploie environ 1000 personnes, et on estime que ce chiffre pourrait passer à 60.000 en 2020.
Le rapport de PricewaterhouseCoopers souligne à cet égard que "Dans l'offshore, les géants de l'énergie français sont présents. A l'image d'Areva et d'Alstom qui ne fabriquent des turbines que pour l'offshore". En misant sur l'éolien marin, la France, grâce à son savoir-faire industriel, est en mesure de concurrencer les géants allemands, comme Siemens, ou américains, comme General Electrics. Elle peut développer une filière techno-industrielle complète à haute valeur ajoutée impliquant de nombreux acteurs, comme Bouygues et Vinci dans le génie civil ou Nexans dans les câbles.
On comprend mieux les enjeux économiques et industriels de l'éolien marin quand on sait que 60 000 Mw de puissance éolienne marine pourraient être installées en Europe d'ici à 2020, soit 20 fois la puissance offshore installée début 2011 !
En novembre 2009, le Centre d’Analyse Stratégique du Premier Ministre a publié un rapport très détaillé "Le Pari de l'éolien" sur l'impact économique du développement d'une filière éolienne en France. Ce rapport montre que le développement de l’éolien sur les objectifs 2020 fixés par le Grenelle (25 000 MW dont 6 000 MW en mer) aurait un surcoût généré par le tarif de rachat essentiellement imputable à l'éolien en mer. La CSPE serait en 2020 de 862 millions d’euros (dont 803 millions pour l’éolien maritime), soit en moyenne 5,4 Euros par an et par foyer.
Cette étude part de l’hypothèse que le prix de marché de l’électricité n'augmente que de 3 % par an d'ici 2020. Comme le démontre le rapport du CAS, l'impact de l'éolien serait positif avant 2020 en cas de scénario plus probable de hausse des tarifs de l'électricité. Cette étude rigoureuse montre que l'impact d'un développement massif de l'éolien terrestre et marin sur la facture d'électricité du consommateur serait faible, voire nulle dans l'hypothèse probable d'une augmentation continue du prix des énergies fossiles.
La France possède le deuxième potentiel éolien d'Europe (après le Royaume-Uni), estimé à 66 TWh sur terre et 90 TWH en mer, soit au total 156 TWH, soit environ 30 % de la consommation nette de la France prévue en 2020 et un quart de la production totale d'électricité prévue à cette échéance.
En matière de réduction de nos émissions de CO2, en 2020, un parc de 25 000 MW (produisant 43 TWh par an) devrait permettre d’éviter l’émission par le secteur énergétique de 16 millions de tonnes de CO2 par an, soit 640 tonnes de CO2 par MW éolien installé, ou encore 300 000 tonnes par TWh éolien produit. Cette réduction de 16 millions de tonnes de CO2 (dont 9 millions de tonnes pour l'éolien offshore) grâce à l’éolien représente 20 % de l’effort de réduction de nos émissions de CO2 à accomplir (77 millions de tonnes de CO2 par an en 2020), ce qui est loin d'être une contribution marginale.
En misant sur l'éolien marin, la France vient de faire à long terme un pari audacieux mais visionnaire. Notre pays se tourne résolument vers l'avenir en préparant l'après pétrole et en se donnant les moyens de devenir une référence mondiale dans la maîtrise de cette énergie propre et inépuisable qui, d'ici une génération, tiendra une place irremplaçable dans le bouquet énergétique planétaire.
René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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- Publié dans : Energie
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zelectron
11/02/2011Ainsi, seul le géant de l'énergie va pouvoir se régaler et accroitre sa mainmise sur le marché, devinez qui ?