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La France mise sur le captage et le stockage du CO2

Total mène près de Pau, depuis janvier, une expérience d'enfouissement de dioxyde de carbone. Dans le gisement désaffecté de gaz naturel de Rousse, l'industriel a prévu, en deux ans, d'injecter 120 000 tonnes de CO2. Le stockage, à 4 500 m sous terre, dans une formation de roche sédimentaire poreuse (de la dolomie) de 2 km2 de surface sur 100 m de hauteur, surmontée d'une couche d'argiles et de marnes de 2 km d'épaisseur, sera étudié pendant cinq ans, puis restera sous surveillance. Histoire de vérifier que le gaz carbonique y est durablement piégé, sans risque de remontée brutale à la surface. Pour s'en assurer, Total a truffé le puits d'instruments de contrôle : détecteurs de CO2, capteurs de pression et de température, sondes sismiques...

A 27 km de là, sur la plate-forme industrielle de Lacq, où le CO2 est récupéré avant d'être acheminé par gazoduc jusqu'à Rousse, le paysage est tout autre. Ce ne sont que cuves géantes, cheminées et canalisations enchevêtrées. Ici, Total a réaménagé une des cinq chaudières du site d'exploitation du méthane (qui cessera en 2013), pour la transformer en démonstrateur de séquestration du CO2.

Et être ainsi le premier en Europe et le deuxième au monde - fin 2009, Alstom a mis en service une installation similaire en Virginie occidentale(Etats-Unis) - à expérimenter une chaîne complète de captage, transport et stockage du principal gaz à effet de serre. La France place beaucoup d'espoir dans cette technologie. Le Grenelle de l'environnement en a fait une de ses priorités contre le réchauffement.

A Lacq, Total a investi 60 millions d'euros dans ce pilote, à l'échelle d'un dixième d'une future unité de taille industrielle.

D'une puissance de 30 mégawatts thermiques, il permet de capturer 15 % du CO2 émis par les chaudières de l'ensemble de la plate-forme industrielle. Si cette solution était systématisée - et que des capacités suffisantes de stockage existent -, la totalité du gaz carbonique pourrait ainsi être neutralisée. Cette opération a un coût énergétique, reconnaît l'industriel : pour capter 100 tonnes de CO2, il faut mettre en oeuvre des procédés qui en produisent 20 tonnes. Mais, au final, le bilan environnemental est largement positif.

Cadre bucolique à Rousse, usine chimique à Lacq... Il ne faut pas se fier aux apparences. Le captage est l'opération la mieux maîtrisée. Total a choisi d'étudier ici la voie de l'oxycombustion, qui consiste à brûler le gaz naturel avec non pas de l'air, mais de l'oxygène pur fourni par Air liquide. Avantage : le produit de la combustion est du CO2 concentré à 90 % ou 95 %, accompagné seulement de vapeur d'eau.

Il ne reste qu'à le laver, le sécher et le comprimer, avant de l'injecter dans le gazoduc. "Nous avons opté pour la filière potentiellement la moins consommatrice d'énergie et la moins coûteuse", explique Nicolas aimard, chef du projet.

A elles seules, les opérations de captage représentent les deux tiers du prix de la chaîne complète, qui peut monter jusqu'à 140 euros par tonne de CO2 séquestré. C'est donc sur la réduction de leur coût que se concentrent les efforts. Après bientôt cinq mois d'expérimentation, les ingénieurs se disent "satisfaits de la robustesse de la technologie".

Le transport du CO2 comprimé ne pose pour sa part guère de difficultés. Le gaz emprunte la conduite dans laquelle circulait auparavant, en sens contraire, le méthane extrait du gisement de Rousse. La partie la plus délicate est le piégeage souterrain du gaz carbonique. Total n'en a encore injecté dans le sous-sol qu'un peu moins de 2 000 tonnes. "Le gisement de Rousse est un site de stockage idéal", explique M. Aimard.

Ici, le réservoir est desservi par un puits unique. Le milieu géologique, vieux de plus de 35 millions d'années, a résisté aux plissements de la formation des Pyrénées. Et surtout, le gisement a été exploré de fond en comble durant son exploitation. C'est ce qui permet d'étudier ses capacités de confinement. A priori en toute sécurité, puisque le CO2 est stocké, à l'état de gaz liquide), à une pression de 80 bars, très inférieure aux 480 bars de l'ancien gisement de méthane. Ce qui écarte le risque d'un relargage inopiné de dioxyde de carbone, gaz acide et, à forte concentration, mortel.

LM

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  • Jack Teste-Sert

    15/06/2016

    Une nouvelle solution apparemment intéressante :

    "La séquestration du CO2 serait-elle possible grâce au basalte ?

    L'Homme n'arrivera peut-être pas à limiter le recours aux énergies fossiles pendant les prochaines décennies. Il devra alors être en mesure de capturer le gaz carbonique (CO2) produit par l'industrie puis de le stocker durablement dans le sol. Cela n'est pas gagné… Toutefois, des résultats prometteurs ont été obtenus avec du basalte, à la surprise des chercheurs.

    Le 14/06/2016 à 15:39 - Laurent Sacco, Futura-Sciences"

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