La fonte accélérée des glaces de l'Arctique et de l'Antarctique accentue le dérèglement climatique mondial
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Tout le monde a encore en mémoire la nuit du 7 avril 2021, au cours de laquelle une vague de froid intense, en provenance de l’Arctique frappa une grande partie de l’Europe et dévasta les vignobles du Bordelais et de Bourgogne. Ces phénomènes extrêmes trouvent leur origine dans les glaces du cercle arctique et, de manière contre-intuitive, ils sont bien en lien avec le réchauffement de la planète. C’est ce lien qu'a réussi à mettre en lumière une équipe de chercheurs qui a montré une corrélation entre la fonte des glaces arctiques et les vagues de froid et de neige enregistrées plus au Sud. L’étude s’est notamment basée sur l’analyse d’une perturbation surnommée la « bête de l’est » qui a frappé l’Europe en mars 2018 et causé plus d’un milliard d’euros de dégâts et 95 victimes, des Balkans à la Scandinavie.
« Quand on parle de réchauffement climatique, on pense souvent que les températures sur Terre vont augmenter de manière homogène, comme si on réglait le thermostat d’une maison. En réalité, la dynamique du changement climatique est nettement plus articulée », explique le glaciologue Alun Hubbard de l’Université arctique de Norvège, l’un des auteurs de la recherche.
En 2017, Hubbard et une équipe de chercheurs, dirigée par la géochimiste Hannah Bailey de l’Université d’Oulu, ont installé en Finlande un analyseur d’isotopes capable de « renifler l’air » et la composition des particules dans l’atmosphère. Pendant la « bête de l’est », l’instrument a détecté l’empreinte géochimique des particules de vapeur en transit vers l’Europe, identifiant leur origine dans les eaux de la mer de Barents, une partie de l’océan Arctique située entre la Norvège, la Russie et les îles Svalbard.
« Dans les années 1970, la mer de Barents était complètement gelée en hiver », explique Hubbard, « mais depuis 1979, elle a perdu 54 % de sa couverture ». La banquise forme une sorte de « couvercle » sur l’océan et retient ainsi l’évaporation de l’eau. Lorsque des courants d’air froid et sec passent au-dessus d’une zone couverte de glace, l’échange d’humidité est réduit au minimum. Mais quand cette couverture fond, l’échange de vapeur dans l’atmosphère est beaucoup plus intense, et l’air qui se dirige ensuite vers le Sud se charge d’humidité. « Pendant la « bête de l’est », plus de 60 % de la mer de Barents était dégagée des glaces en raison d’une période de chaleur supérieure à la moyenne au cours de la période précédant la tempête. Cela a permis aux courants aériens de se charger de 140 gigatonnes d’eau. 88 % de la neige qui est tombée ces jours-là dans le centre nord de l’Europe provenaient de la mer de Barents », dit M. Hubbard.
Selon l’étude, chaque mètre carré de glace de mer fondue sur la mer de Barents a émis 70 litres d’eau dans l’atmosphère, « et si on calcule que depuis le début des années 80, cette zone a perdu un demi-million de mètres carrés de glace, on peut comprendre l’ampleur du phénomène », conclut le chercheur.
La situation d’avril 2021 s’est déjà répétée avec le même modèle : le 20 mai 2021 en Russie, juste sur la côte de la mer de Barents, des températures record ont été enregistrées, avec des maxima de 32°C. En même temps, une grande partie de l’Europe continentale a connu un mois de mai avec des températures régulièrement inférieures à la moyenne. Selon les chercheurs, un océan Arctique de plus en plus libre de glace sera ainsi une source de précipitations pour l’Europe continentale.
Une autre étude récente dirigée par Catherine Bradshaw, du Met Office et de l'Université britannique d'Exeter, a révélé que le changement climatique entraînerait une augmentation des niveaux de précipitations dans tout l'Antarctique. Cela pourrait accélérer la perte de glace future et influencer les conditions météorologiques dans le monde entier.
Alors que la région antarctique continue de se réchauffer, la calotte glaciaire en retrait exposera la roche sous-jacente. Ce sol nouvellement découvert sera moins réfléchissant que la glace qui se trouvait au-dessus, augmentant les températures locales et facilitant un changement des régimes locaux de vent et de précipitations. « Avec une grande calotte glaciaire sur le continent comme nous l'avons aujourd'hui, les vents antarctiques soufflent généralement du continent vers la mer », souligne Catherine Bradshaw. « Cependant, si le continent se réchauffe, cela pourrait être inversé, avec les vents soufflant de la mer plus froide vers la terre plus chaude - tout comme nous le voyons avec les moussons ailleurs dans le monde », précise-t-elle. Un changement des conditions météorologiques au-dessus de l'Antarctique peut également influencer le climat dans d'autres régions du monde.
Ce processus augmenterait considérablement les précipitations sur l'Antarctique et entraînerait une accumulation plus élevée d'eau douce à la surface de l'océan. Cela pourrait déclencher une réaction en chaîne où la circulation océanique dans la région est perturbée, entraînant un réchauffement des températures à de grandes profondeurs. Et à mesure que de plus en plus de terres libres de glace sur la côte seront exposées, il deviendra plus difficile pour la calotte glaciaire de récupérer de la masse.
Alors que la Terre continue de se réchauffer, les chercheurs espèrent que nous pourrons peut-être apprendre comment empêcher un effondrement total de la calotte glaciaire antarctique en étudiant les régions de mousson ailleurs dans le monde. De vastes zones des régions tropicales et subtropicales de la planète connaissent actuellement des conditions extraordinaires de mousson, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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- Publié dans : Climat
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