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Edito : Faut-il avoir peur de Robocop ?
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En seulement quelques années, drones et robots ont pris une place tout à fait essentielle dans toutes les armées modernes du monde, au point de devenir des auxiliaires irremplaçables et de plus en plus efficaces, non seulement en matière d’observation et de recueil d’informations mais également en tant qu’armes de combat sur les différents théâtres d’opérations militaires.
Au début de l’année dernière, la société de robotique Boston Dynamics avait fait sensation sur Internet et les réseaux sociaux en présentant une vidéo intitulée « Atlas, The Next Generation ». Dans ce court film très troublant on pouvait voir un robot humanoïde doté d’extraordinaires capacités de déplacements et capable de réactions très humaines face à des situations imprévues. Après s’être déplacé sans difficulté sur un terrain accidenté et enneigé, Atlas était montré en train de ranger des cartons sur une étagère. Mais le moment fort de cette vidéo était celui où on pouvait voir Atlas se relever rapidement après avoir été jeté à terre par l’un des ingénieurs de cet étonnant programme.
Après de nombreuses années de recherche et plusieurs générations successives de machines, ce nouveau prototype Atlas possède des caractéristiques proches de celle d’un humain : il mesure 1,75 m pour un poids de 82 kg, consomme beaucoup moins d’énergie que ses prédécesseurs et surtout se déplace avec une agilité tout à fait remarquable. Il sait aussi manipuler avec précision et délicatesse toute sorte d’objets. Tous les spécialistes de la robotique qui ont pu voir cette vidéo reconnaissent qu’Atlas constitue une étape décisive vers la mise au point d’un robot humanoïde autonome et polyvalent, capable d’évoluer dans un environnement difficile et de s’adapter, au moins dans une certaine mesure, à des événements imprévus. Marc Raibert, le fondateur de Boston Dynamics, ne cache pas l’objectif qu’il s’est fixé « Fabriquer des robots avec une mobilité, dextérité, perception et intelligence comparables à celles des humains », rien de moins ! Suite à cette vidéo, Google qui détenait une partie des actions de Boston Dynamics s'est totalement retiré du capital.
Si ces robots fantassins dignes de Terminator relèvent encore pour quelques années de la science-fiction, les véhicules automatiques robotisés sont déjà à l’œuvre au sein des principales armées du monde. L’armée française dispose par exemple de Syrano, le premier robot-éclaireur opérationnel de sa catégorie ; robuste, rapide et discret, ce robot qui ressemble à un gros jouet se commande à distance et peut établir avec une précision inégalée la carte virtuelle d'une zone de 10 km de circonférence.
Notre armée dispose également de robots de combat, comme le Nerva, qui se présente sous la forme d’un mini-tank télécommandé et dispose d’une puissance de feu redoutable. L’armée américaine, quant à elle, devrait prochainement disposer d’un nouveau véhicule robotisé baptisé CaMEL et conçu pour protéger ses troupes au sol. D’un poids d’une tonne et demi, CaMEL est équipé d’une mitrailleuse grande cadence de tir et de lance-grenades. Sa puissance de feu serait dévastatrice dans un rayon d’un kilomètre et demi…
Dans ces derniers jours, l'armée américaine a annoncé tester un nouveau robot de combat nommé MAARS qui pourrait à terme devenir un robot tueur.
En France, l’armée développe également un programme de recherche concernant le concept de "soldat augmenté". Au cœur de ce projet du futur, on trouve le système "Félin" (Fantassin à Équipement et Liaisons INtégrés de SAGEM). Il s’agit d’équiper le fantassin d’une panoplie bourrée de caméras, de capteurs et de systèmes de communication qui permettent des échanges d’informations en temps réel avec le centre de commandement qui peut ainsi adapter sans cesse ses choix tactiques. Il y a un an, l’armée de terre a décidé que ce système FELIN, jugé trop lourd par les soldats, serait amélioré et allégé de 40 % afin de le rendre plus confortable pour ces nouveaux fantassins « High Tech », qui doivent tout de même porter plus de 50 kg de matériel (armes et munitions comprises). A plus long terme, le programme Scorpion 2 vise à équiper les soldats d’exosquelettes, afin qu'ils puissent mieux supporter de telles charges.
L’armée américaine travaille pour sa part sur un équipement révolutionnaire, à mi-chemin entre l’armure et l’exosquelette, l’Exosuit. Ce « costume robotisé a été pensé pour être polyvalent, léger et confortable. Ainsi, les soldats ne pourront pas être pénalisés par leur équipement quant à leurs gestes et déplacements. Le but est qu'un soldat équipé de l’Exosuit puisse se déplacer rapidement sur de longues distances, avec tout son équipement.
Ce futur soldat devrait donc pouvoir porter sans effort une charge de l'ordre de 50 kg sur des dizaines de kilomètres. L’Exosuit est également conçu de manière à réduire les impacts des blessures pouvant toucher les soldats au combat. Cette panoplie tout à fait étonnante a enfin été conçue pour démultiplier la force musculaire du soldat et lui permettre de se déplacer à la vitesse de 24 km/heure, une performance particulièrement appréciable dans les opérations de commando reposant sur la rapidité d’exécution et l’effet de surprise…
Dans le domaine de l’aviation militaire, les drones d’observation et de combat connaissent également une fulgurante évolution technologique. En mars 2014, Dassault Aviation a organisé un vol en patrouille du nEUROn, le futur drone de combat qui devrait équiper notre aviation vers 2030, avec un Rafale et un Falcon 7X. Cette démonstration particulièrement complexe a duré près de deux heures et s’est déroulée avec succès.
Rappelons que le nEUROn, fruit d’une coopération entre six pays européens dont la France, est un drone de combat de 10 m de long et d’un poids de 5 tonnes qui peut voler à une vitesse maximale de Mach 0,8 et dispose d’une autonomie de 3 heures. Les Etats-Unis travaillent pour leur part sur le successeur de l’actuel Reaper dont l’efficacité redoutable a permis d’éliminer plusieurs dizaines de hauts responsables d’organisations terroristes au cours de ces derniers mois. Ce nouveau drone s’appellera Le Predator C Avenger. Il pourra voler à une vitesse maximale de 740 km/h et sera beaucoup plus furtif et difficile à repérer que les drones actuels. Sa capacité de charge a été multipliée par deux et atteint 8 255 kg en charge maximale. Quant à son rayon d’action, il passe de 1 850 km, pour le Reaper à 2 900 km pour ce Predator de nouvelle génération. Mais surtout, ce nouveau drone a été conçu pour pouvoir voler et agir « en essaim ».
La DARPA, l’Agence de Recherche de l’armée Américaine, planche en effet sur un projet digne des meilleurs films de science-fiction. Ce programme, baptisé CODE pour Collaborative Operations in Denied Environnements, projette de concevoir un système de drones collaboratifs capables de réaliser des opérations et tâches spécifiques en collaborant en vol les uns avec les autres. Il s’agit de donner à l’armée américaine un nouvel outil lui permettant de lancer des interventions militaires à longue distance en utilisant des ensembles de drones capables de travailler ensemble de manière coordonnée et intelligente pour remplir une seule et même mission.
D’ici quelques années, ces drones pourraient même être directement contrôlés par la pensée, grâce à une interface qui vient d’être présentée, en Juillet, par une équipe regroupant des chercheurs de l’Université de l’Arizona et de l’armée américaine. Cette nouvelle interface, qui se présente sous la forme d’un casque ECG (électroencéphalographie) permet déjà, après un sérieux apprentissage, à un seul opérateur de contrôler quatre drones simultanément …
Mais ne croyez pas que l’utilisation des drones se limite à l’armée de l’air. La DARPA a en effet dévoilé début avril son premier drone marin, baptisé « Active (Anti-Submarine Warfare Continuous Trail Unmanned Vessels). Ce robot marin hors normes mesure 40 mètres de long et a été spécialement conçu pour traquer et détecter les sous-marins, même les plus furtifs. Appartenant à la nouvelle catégorie des vaisseaux inhabités (unmanned vessels), Active devrait constituer un nouvel outil redoutable pour l’US Navy car ce bâtiment peut désormais s’affranchir des contraintes liées à la présence d’un équipage et accomplir des missions polyvalentes pouvant durer plusieurs mois, voire plusieurs années…
Bien qu’elle demeure très discrète sur le sujet, l’armée américaine utilise également depuis plusieurs années différents types de robots dans sa lutte contre les groupes terroristes à travers le monde. Ces robots ont notamment été utilisés en Irak pour récupérer et désactiver des mines mais également pour véhiculer et déclencher à distance des charges explosives…
Face à la généralisation et à l’extension de la menace terroriste dans l’ensemble des pays occidentaux, les robots d'observation, d’intervention et de combat n’interviennent plus seulement sur les théâtres d’opérations militaires mais sont également utilisés par les forces de police pour lutter contre les nouvelles formes de criminalité et de terrorisme en milieu urbain. Le 8 juillet dernier, un nouveau pas a été franchi avec le choix de la police de Dallas d'envoyer pour la première fois, dans une opération non militaire, un robot télécommandé tuer l'homme suspecté d'avoir abattu plusieurs policiers de cette ville du Texas tristement célèbre pour avoir été le théâtre de l’assassinat du Président Kennedy le 22 novembre 1963. Ce tueur de policiers était lourdement armé et s'était solidement retranché dans un bâtiment. Dans ces conditions, toute intervention pour essayer de l’arrêter ou de le neutraliser risquait de mettre en danger la vie de nombreux policiers.
Les autorités de Dallas ont donc décidé d’intervenir en utilisant l’un des robots télécommandés dont dispose la police de cette ville. Il s’agit d’un véhicule conçu à l’origine pour les équipes de démineurs et l'armée, mais qu’il est possible de reconfigurer de manière à ce qu’il véhicule une charge explosive et la fasse exploser exactement à l’endroit et au moment voulus. Selon Peter Singer, de la fondation New America, un groupe de réflexion sur les politiques de sécurité « C'est la première fois qu'un robot est utilisé de cette façon par la police ».
Cet événement dramatique et largement médiatisé a révélé au grand public une réalité que tout le monde avait sous les yeux mais semblait ignorer : ces robots, officiellement utilisés uniquement pour désamorcer des bombes en épargnant des vies humaines sont en réalité de plus en plus employés par les forces de l'ordre pour des missions d’intervention et de neutralisation au cours desquelles ils peuvent être amenés à tuer des personnes suspectées de crimes, d’actes terroristes. Selon les médias américains, les différents services de police fédéraux et locaux auraient fait l'acquisition de 450 robots de ce type depuis 10 ans.
Face à cette présence de plus en plus massive des robots dans les opérations d’intervention policière destinée à lutter contre les nouvelles formes de criminalité et de terrorisme, la société américaine, fidèle à sa tradition de débat démocratique, s’interroge sur les questions morales et éthiques très sérieuses que posent les actions de plus en plus autonomes de ces « Robocops » de plus en plus présents dans les villes américaines. Rick Nelson, ancien responsable du contre-terrorisme au "National Security Council", a ainsi récemment déclaré dans le New York Times : "Dans une guerre, l'objectif est de tuer. Faire appliquer la loi, c'est une mission différente."
Depuis deux ans, plusieurs organisations américaines influentes, comme Human Rights Watch et Human Rights Clinic, qui dépend de l'Université de Harvard, dénoncent ces détournements d’usage des robots par les forces de police. Leur principal argument est que ces machines, quelles que soient leurs performances, ne réfléchissent pas par elles-mêmes et sont dénuées de sentiments humains, tels que l'empathie et le jugement, qui permettent à un policier de prendre ou non la décision de risquer de tuer un suspect, en fonction d’une situation toujours particulière et très complexe.
Ce débat de société est encore monté d’un cran il y a un an lorsqu’un millier de scientifiques et d’éminentes personnalités, comme Stephen Hawking et Elon Musk, ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils demandent l'arrêt du développement de ces "robots tueurs". À ce débat éthique se superpose un débat technologique et juridique, car plusieurs chercheurs de renom, comme Matt Blaze, professeur d'informatique à l'Université de Pennsylvanie, soulignent que, contrairement à ce qu’imagine le grand public, il est relativement facile pour des personnes mal intentionnées et disposant de bonnes connaissances informatiques, de pirater et de prendre le contrôle à distance de ces robots-policiers disposant parfois d’une puissance de feu redoutable… Si un tel scenario cauchemardesque survenait, qui serait responsable des dommages causés par ce robot incontrôlable ?
Heureusement, certains robots en développement sont nettement plus sympathiques. C’est par exemple le cas de « Telebot », un robot mis au point par des chercheurs de l’Université de Floride et conçu pour assister des policiers handicapés et leur permettre d’accomplir leurs missions. Imaginé sur le modèle du célèbre « Robocop » popularisé par le cinéma, Telebot se veut amical mais tout de même intimidant pour impressionner d’éventuels citoyens récalcitrants et les remettre dans le droit chemin de la loi…
Face à cette évolution impressionnante de la technologie et confrontée à la place croissante prise par les robots sur les champs de bataille mais également dans le maintien de l’ordre des interventions policières, notre société doit effectivement s’interroger. Pouvons-nous conférer à des machines, même très sophistiquées mais qui ne disposent ni de la conscience ni du libre arbitre, le droit de vie de mort sur des êtres humains ? C’est là toute la question et la réponse sera d’autant moins simple que ces robots, même s’ils resteront soumis à des programmes informatiques, vont devenir de plus en plus autonomes et subtils dans leur capacité d’appréciation d’une situation et de prise de décision.
On le sait, la réalité rejoint toujours un jour ou l’autre la fiction et pour parvenir à mettre en place une véritable « éthique robotique », nous risquons fort de devoir nous inspirer des fameuses trois lois de la robotique imaginées il y a presque trois quarts de siècle par ce visionnaire de génie que fut le grand écrivain de science-fiction Isaac Asimov :
- Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni en restant passif, ni en permettant qu'un être humain soit exposé au danger ;
- Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
- Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.
Mais Asimov, on l'oublie parfois, eut également tard la prescience que les robots humanoïdes finiraient par atteindre un niveau d’intelligence supérieur à celui des humains et risqueraient alors d’être en capacité d’asservir l’humanité en utilisant leur formidable puissance. C’est pourquoi Asimov compléta ses trois lois initiales par la célèbre « Loi Zéro » : "Un robot ne peut pas porter atteinte à l'humanité ni, par son inaction, permettre que l'humanité soit exposée au danger"…
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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J.T.
19/10/2016Limite importante de l'IA en reconnaissance visuelle floue par rapport à l'humain :
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