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Fabriquer des fonctions cellulaires sans passer par les cellules
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Dans les cellules vivantes, les gènes sont activés en mode «on» ou «off» grâce à des protéines appelées facteur de transcription. La façon dont ces protéines activent certains gènes et en désactivent d’autres est un phénomène crucial, qui joue un rôle central dans tous les domaines liés au vivant. Ce processus est cependant très complexe, et la communauté scientifique planche sur le sujet depuis des années.
Traditionnellement, l’étude de ces phénomènes se fait en introduisant des séquences d’ADN spécifiques à l’intérieur des cellules, puis en observant la réaction de ces dernières. Mais ce processus reste très compliqué et peut varier d’une expérience à l’autre. A l’EPFL, des chercheurs du Laboratory of Biological Network Characterization (LBNC), dirigés par Sebastian Maerkl, ont trouvé une méthode novatrice, systématique et reproductible, pour étudier et même prédire l’expression des gènes. Ils insèrent des systèmes sans cellules dans des puces microfluidiques à haut débit. Leur méthode leur a permis de construire des portes logiques biologiques, qui ont le potentiel de modifier les fonctions cellulaires.
La méthode est la suivante : « Dans un premier temps, il s’agit d’extraire le matériel qui se trouve à l’intérieur des cellules », explique Nadanai Laohakunakorn, l’un des auteurs de l’étude. Ce matériel est constitué d’enzymes et d’éléments chimiques, que les cellules utilisent habituellement pour leurs procédés biologiques normaux. « Ce qui est intéressant ici, c’est qu’en ajoutant à ce système du carburant et des informations, c’est-à-dire des phosphates à haute énergie, et de l’ADN, nous pouvons redémarrer l’expression des gènes en dehors de la cellule », ajoute-t-il. « Et comme notre système imite ce qui se produit dans les cellules, nous pouvons étudier de nombreux phénomènes biologiques, sans avoir à modifier des cellules vivantes à chaque fois. »
Pour une étude quantitative de l’expression des gènes, les chercheurs ont placé de nombreux systèmes sans cellule dans une puce microfluidique, soit un dispositif qui permet de manipuler des quantités microscopiques de liquide. « Ce système nous as permis de tester de nombreux scénarios. Nous avons établi une bibliothèque quantitative de facteurs de transcriptions artificiels, qui nous permet de prédire l’influence qu’a une protéine donnée sur un gène », illustre Zoe Swank, autre coauteure de l’étude. « Nous pourrions construire des systèmes relativement complexes grâce à cette méthode. »
Les avantages sont nombreux. D’abord, les systèmes sans cellule sont bien moins complexes que les cellules, mais ils imitent tout de même leur fonctionnement. Ainsi, les mécanismes peuvent être modélisés plus facilement au niveau mathématique. Cela offre aussi le potentiel de mieux comprendre les phénomènes complexes, en les décomposant en des procédés plus simples. Ensuite, les systèmes sans-cellule sont robustes et ils demeurent stables après congélation, et même lyophilisation. On peut les produire à large échelle, puis les déployer pour des applications allant des diagnostics à moindre coût, à la production de médicaments biologiques (vaccins, etc.) pour de la médecine personnalisée. Enfin, comme ces systèmes ne sont pas "vivants", on peut les utiliser pour produire des produits impossibles à produire avec des cellules vivantes, sans risque de bio-contamination dehors du laboratoire.
A titre d’exemple, les chercheurs ont assemblé un certain nombre de gènes à partir de leur bibliothèque et sont parvenus à construire une porte logique biologique. Le système s’apparente aux portes logiques que l’on retrouve en électronique. En électronique, ces portes reçoivent des signaux, effectuent un calcul et en sortent un output binaire, soit 1 ou de 0. Ici, dans le domaine biologique, les systèmes sans cellules reçoivent des facteurs de transcriptions, puis démontrent une activation ou non de certains gènes.
« De nombreuses portes logiques existent naturellement à l’intérieur des cellules vivantes. Elles régulent les fonctions biologiques normales », indique Nadanai Laohakunakorn. "En construisant des portes artificielles, cela offre la possibilité d’introduire de nouvelles fonctions dans les cellules, dans des buts thérapeutiques, par exemple. Le système sans-cellule constitue un premier pas dans cette direction. Dans les recherches futures, il s’agira d’optimiser les design de nos facteurs de transcription, avant de les déployer directement dans des applications sans cellules, ou alors directement dans des cellules vivantes".
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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- Publié dans : Biologie & Biochimie
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