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Exposer les cellules cancéreuses au système immunitaire
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Une étude menée par l’équipe de Didier Trono de l’EPFL a révélé une stratégie de survie cruciale utilisée par les cellules cancéreuses. Les scientifiques ont identifié un groupe de protéines, appelées "protéines KRAB à doigt de zinc" (KZFP), qui permettent aux cellules cancéreuses de maintenir la stabilité de leur génome et éviter toute détection par le système immunitaire. L’étude a été publiée dans la revue Cancer Research.
Les KZFP agissent comme des gestionnaires à l’intérieur du noyau de nos cellules, orchestrant l’activation ou la désactivation de différentes parties de notre ADN. Par exemple, certains KZFP interagissent avec les éléments transposables (ET), qui sont des séquences d’ADN répétitives constituant plus de la moitié du génome humain. Les ET peuvent provoquer une instabilité génomique s’ils ne sont pas contrôlés, ce qui fait d’eux une menace pour l’intégrité cellulaire et un moyen de reconnaissance par le système immunitaire. Les KZFP jouent un rôle essentiel dans la répression des ET. Ils garantissent leur état silencieux dans l’hétérochromatine et préservent ainsi la stabilité du génome.
L’étude récemment menée par Filipe Martins, scientifique de l’équipe de Didier Trono, révèle une corrélation entre un sous-groupe de KZFP restreint aux primates et le pronostic du lymphome diffus à grandes cellules B. Les chercheuses et chercheurs ont utilisé des techniques de culture cellulaire avancées, la manipulation génétique via des ARN en épingle à cheveux (shRNA) et des méthodes de profilage génomique de pointe pour observer les effets de la déplétion de deux KZFP spécifiques dans des cellules tumorales provenant de divers types de cancers, dont le lymphome diffus à grandes cellules B.
Les deux protéines déplétées, dénommées ZNF587 et ZNF417, ont été choisies pour leur association à un pronostic défavorable dans le lymphome diffus à grandes cellules B. Elles ciblent préférentiellement les ET récents d’un point de vue évolutif qui sont impliqués dans la stabilité génomique et les mécanismes d’évasion immunitaire dans les cellules cancéreuses.
La déplétion de ZNF587 et ZNF417 dans les cellules du lymphome diffus à grandes cellules B a entraîné des perturbations importantes de divers processus cellulaires. La perte de ces protéines a provoqué la redistribution de l’hétérochromatine, ce qui a créé un stress réplicatif, un état dans lequel la réplication de l’ADN est entravée, ce qui a ralenti ou bloqué la division cellulaire de nombreuses lignées cancéreuses, voir mené à leur mort cellulaire.
Ce stress a déclenché une réaction inflammatoire et une meilleure reconnaissance des cellules cancéreuses par le système immunitaire. Il les a démasquées et rendues visibles pour le système immunitaire. En fait, les cellules cancéreuses ont présenté une plus grande diversité d’antigènes de surface, laissant présager une plus grande sensibilité aux attaques de l’immunité adaptative, et une plus grande sensibilité à la phagocytose par les cellules de l’immunité innée.
« Notre étude montre que la régulation des ET et le maintien de l’hétérochromatine par les KZFP sont essentiels dans le cancer. Cela nous a permis de découvrir de nouvelles fonctions des KZFP, auparavant ignorées dans la recherche sur le cancer en raison de leur jeune âge évolutif et de leur redondance présumée », explique Didier Trono.
Il ajoute : « Les trois quarts des gènes KZFP sont limités aux primates, ce qui remet en cause l’idée reçue selon laquelle plus une protéine est conservée, plus elle est essentielle au développement du cancer. D’après nos résultats, non seulement les KZFP régulent l’expression des gènes, mais elles participent aussi au bon déroulement de la réplication de l’ADN et à la stabilité du génome, ce qui peut influencer la diversité génétique et la survenue de populations sous-clonales de cellules cancéreuses, jouant ainsi un rôle pro-oncogénique ».
« Ces lésions de l’ADN et le mimétisme viral des ET déréprimés ont conduit à l’activation de voies inflammatoires intrinsèques aux cellules, favorisant le rejet immunitaire in vitro » ajoute Filipe Martins. « Jusqu’ici, ces phénomènes n’ont été observés qu’avec certains agents de chimiothérapie ou la déplétion de certaines enzymes. Cibler des facteurs de transcription promet donc d’avoir un potentiel effet immunogène semblable à celui qu’on génère avec certaines chimiothérapies ».
Ces résultats suggèrent que les cellules cancéreuses peuvent exploiter ces protéines pour réduire leur visibilité face au système immunitaire. « C’est une véritable avancée conceptuelle », affirme Didier Trono. « Il s’est avéré que les ET, généralement considérés comme des menaces génétiques, sont également des sentinelles contre la perte de contrôles épigénétiques, et que leurs régulateurs étaient détournés par les cellules cancéreuses pour échapper à cette surveillance ».
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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- Publié dans : Biologie & Biochimie
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