Edito : Et si un grand constructeur automobile rachetait AOL ?}
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La prise de contrôle, annoncée cette semaine, de Time Warner par AOL ne fait qu'éclairer, avec une lumière plus crue, un process inexorable, que j'avais déjà longuement décrit, il y a deux ans, dans mon ouvrage “ Des Pyramides du Pouvoir aux Réseaux de Savoirs ” http://www.tregouet.org/senat/ntic/index.html et qui met en évidence que la Planète Internet va, avec une goinfrerie qui pourrait mener jusqu'à l'indigestion, dévorer le monde de la Télévision mais aussi celui de la Téléphonie tel que nous le connaissons aujourd'hui. Si l'accord entre AOL et Time Warner se confirme, ce sont tous les schémas sur lesquels s'appuie le projet de Loi sur la Communication actuellement en discussion devant le Parlement français qui s'écroulent. Les sociétés commerciales de télévision, telles que TF1 ou Canal +, qui retirent l'essentiel de leurs revenus de la publicité ou de l'abonnement sont mises dans l'obligation de revoir fondamentalement leurs stratégies en recherchant des accords avec des grands acteurs de la “ Toile Internet ”. Pourquoi ces rapprochements sont-ils inexorables ? Tout simplement parce que les médias télévisés de masse tels qu'ils se sont développés depuis les années 1950 et qui connaîtront encore, pendant la période de transition, quelques années fastes, vont entrer dans une phase de régression pour laisser place, de plus en plus rapidement, à des outils d'information et de communication beaucoup plus personnalisés s'appuyant sur le protocole universel de l'Internet. Dans un premier temps, les managers de ce monde de la télévision, un peu comme le capitaine du Titanic, n'ont pas pris conscience que le monde Internet semait sur leur route des icebergs qui, un jour, pourraient cisailler la coque de leur superbe navire sous la ligne de flottaison. Mais les responsables des télévisions publiques dont le modèle économique repose essentiellement sur la redevance et partiellement sur la publicité ne devraient pas se croire à l'abri dans la tempête disais-je, dans l'ouragan devrais-je dire, qui se lève. En effet, la montée en puissance dorénavant très rapide des larges débits sur le câble, sur le fil de cuivre avec l'ADSL et le VDSL, sur la boucle locale radio, va faire que chacun pourra recevoir demain les programmes télévisés par le réseau Internet et non plus uniquement par la voie hertzienne (même si celle-ci se numérise) ou par satellite avec un décodeur, comme aujourd'hui. A moins que le Parlement ne décide de percevoir la redevance télévision, non seulement sur les téléviseurs mais aussi sur les PC, sur les notepads et même sur tous les téléphones portables sur lesquels pourront être reçus les programmes de télévision dans quelques années, l'économie de financement de la Télévision Publique par la redevance est, elle-aussi condamnée, à un terme maintenant rapproché. Aussi, l'Etat ferait mieux de reconnaître très rapidement que le monde de l'audiovisuel évolue maintenant à une vitesse stupéfiante et de définir sans tarder les secteurs essentiels, la Culture et l'Accès au Savoir, pour lesquels il a la volonté de disposer pleinement des outils nécessaires à leur épanouissement et leur diffusion, et de laisser l'information et le spectacle, pour lesquels la modernité exige de plus en plus de liberté, mener leur propre vie. Mais finalement, la nouvelle la plus importante dans le domaine de la “ Nouvelle Economie ” de cette première décade de l'An 2000 aura-t-elle été la prise de contrôle, annoncée, de Time Warner par AOL ? Je n'en suis pas convaincu. En effet, je pense qu'il y une autre information qui a été laissée au second plan et qui, très rapidement pourrait devenir majeure. Les grands constructeurs automobiles américains (Ford, General Motors, Daimler-Chrysler) ont annoncé cette semaine au Salon de Detroit (voir brève dans le présent numéro d'@RT Flash) que les conducteurs et les passagers de leurs nouveaux véhicules pourraient, à partir de septembre prochain, accéder à Internet, avec des outils de reconnaissance vocale. Il y aura encore quelques années de tâtonnement, mais elles ne seront pas très nombreuses, avant que notre voiture devienne l'un des endroits privilégiés où nous accéderons à la Planète Internet. Pourquoi ? Comme je le disais déjà dans mon éditorial du n° 63 d'@RT Flash du 18 au 24.09.1999, http://www.tregouet.org/lettre/index.html la conduite de nos automobiles est appelée à entièrement s'automatiser dans les grandes agglomérations dans les 15 ans qui viennent. De ce fait, dans tout le cycle de la vie de l'être humain du 21e siècle, si nous mettons dans ce cycle le travail, les loisirs, les repas, les déplacements, le sommeil, etc... le temps qu'il passe dans sa voiture (250 à 400 heures par an en moyenne, beaucoup plus souvent pour la partie la plus active de la population) va être celui qui va être le plus profondément modifié. Aussi, c'est un véritable boulevard qui s'ouvre devant les constructeurs automobiles s'ils prennent conscience plus rapidement que ne l'ont fait les responsables des mondes de la télévision et des télécommunications, que leur avenir n'est plus essentiellement dans la construction de véhicules qui vont de plus en plus se banaliser mais bien dans des activités de services qu'ils pourraient proposer au pilote et aux passagers pendant le temps très important qu'ils passent dans leur automobile. Si cette prise de conscience était rapide, et les annonces faites cette semaine à Detroit semblent le montrer, très vite l'automobile pourrait devenir le chef d'orchestre de tous les objets usuels qui nous entourent et communiquer en permanence avec notre bureau, notre maison, notre appartement, notre réfrigérateur, notre machine à laver, etc... mais nous permettre aussi d'échanger intimement avec les lieux que nous traversons. Depuis des décennies, le commerce s'est appuyé simultanément ou successivement pour assurer sa promotion sur la presse écrite, sur la radio, sur la télévision. Depuis quelques courtes années, le glissement vers Internet semble inexorable. Dans le tumulte actuel, il est nécessaire que les acteurs essentiels de la “ Nouvelle Economie ” essaient de discerner l'outil qui sera le plus efficace pour promouvoir le commerce de demain. Il y a encore quelques mois, beaucoup pensaient que cet outil pourrait être notre micro-ordinateur. Depuis les accords qui ont marqué 1999, chacun ressent que les outils très légers et extrêmement mobiles comme les notepads ou les téléphones portables seront ces vecteurs de l'avenir. Mais il faut que nous intégrions maintenant qu'il y a un outil, l'automobile, qui est déjà utilisé par des centaines de millions d'êtres humains et qui pourrait, en quelques courtes années, prendre la première place. Et pourquoi ? Parce que l'automobile, à l'encontre de notre bureau, de notre appartement ou de notre maison, est un lieu dont l'occupant ne définit pas lui-même le cahier des charges et n'arrête pas lui-même la liste des équipements qui le compose. L'automobile est donc un lieu privilégié où la technologie peut se développer beaucoup plus rapidement et d'une manière beaucoup plus homogène qu'à la maison ou au bureau. De plus, l'automobile, à l'encontre de notre téléphone portable, est un objet où la technologie peut être beaucoup plus importante du fait même que l'usager est prêt à dépenser vingt ou cinquante fois plus pour utiliser une voiture que le prix (dont la valeur est déjà fort dégradée) qu'il est prêt à mettre pour utiliser un téléphone portable. En prenant en compte ces éléments de différenciation, le véritable coup de génie que pourraient avoir les constructeurs automobiles dès ces prochaines années serait de concevoir une cyber-voiture (le e-car) qui ne serait plus vendue mais mise gratuitement à la disposition des automobilistes qui accepteraient que leur véhicule devienne un lieu interactif, communicant, particulièrement efficace et bien organisé pour réaliser du commerce électronique. S'il en était ainsi, nous pourrions assister en quelques courtes années à un changement profond du paysage qui a commencé à se dessiner autour de ce qui est souvent appelé la “ nouvelle économie ”. Les entreprises “ phares ” de cette “ nouvelle économie ” ressemblent à des arbres immenses qui ont grandi à une vitesse stupéfiante sans avoir eu le temps de tisser le chevelu de leurs racines. Il suffirait d'une tempête un peu forte pour que ces grandes structures encore bien mal assurées soient mises à mal. Par contre, si les entreprises de référence de l'économie réelle que sont les constructeurs automobiles avec leurs profondes racines, leurs réseaux de diffusion très efficaces, leur savoir-faire relationnel et technique, décidaient de s'investir, avec détermination, dans ce monde nouveau qui prend forme à une vitesse saisissante sous nos yeux, alors l'échelle de valeurs qui semble (provisoirement ?) avoir perdu toute référence pourrait très vite retrouver sa cohérence et il deviendrait évident que, très rapidement, Ford, General Motors, Daimler-Chrysler ou un autre grand constructeur automobile (et pourquoi pas français ?) devraient racheter AOL et plusieurs autres vedettes actuelles de la “ Nouvelle Economie ”.
René Trégouët
Sénateur du Rhône
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