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Edito : ENERGIE : Comment la France pourrait atteindre son indépendance énergétique avec l' « Hydrogène Blanc »

Le 7 juin dernier, un rapport de RTE -Réseau d’Electricité de France-, gestionnaire du réseau électrique, est venu jeter un sérieux pavé dans la mare déjà bien agitée de notre futur paysage énergétique national. Dans cette étude instructive, on peut lire que notre pays risque fort de connaître d'ici 2035 une reprise à la hausse de la consommation électrique bien plus forte que prévue. RTE prévoit en effet que, sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs, nouvel objectif européen de réduction à 55 % des émissions de CO2 dès 2035, sortie accélérée de la consommation gazière (à l’exception du biogaz produit localement) et forte accélération de l'électrification de l’économie et des transports (16 millions de véhicules électriques consommant environ 28 TWh par an sont prévus en 2050), notre consommation nationale pourrait bien passer de 470 TWh en 2022... à 640 TWh en 2035 (+ 39 % sur seulement 11 ans), dans l'hypothèse haute, incluant notamment les effets d'une forte réindustrialisation de notre pays (Voir Rapport RTE).

De manière lucide, ce rapport souligne que la France doit faire reposer sa transition énergétique sur quatre piliers : « l’efficacité, la sobriété, la disponibilité maximale du parc nucléaire installé, et l'augmentation considérable de la production d’électricité renouvelable. L'équation est, il est vrai, relativement simple et implacable : Si les besoins en électricité atteignent les 640 TWh en 2035, et sachant que le nucléaire et l'hydroélectricité ne pourront fournir, au mieux, que 422 TWH par an en 2035 (350 TWh pour le nucléaire et 72 TWh pour l'hydroélectricité), il manquera encore 218 TWh par an (un tiers de la consommation totale d'électricité prévue en 2035) pour boucler notre budget énergétique. Cela veut dire qu'il va falloir multiplier par quatre en 11 ans la production totale d'électricité renouvelable et décarbonée, issue de l'éolien (terrestre et marin), du solaire photovoltaïque et, de manière plus marginale, des énergies marines, ce qui représente un défi économique, industriel et technologique majeur, mais pourtant pas insurmontable.

Reste que cette accélération nécessaire de notre transition énergétique, combinée à l'augmentation plus forte que prévue de notre consommation électrique nationale, à une montée en charge des futures centrales EPR qui sera, par nature, lente et étalée dans le temps et à une sortie anticipée des sources fossiles (gaz notamment), pour produire notre électricité, représente un défi de première ampleur pour notre économie et notre société. Il est en effet assez facile de calculer que l'accélération bienvenue des énergies renouvelables, décidée il y a quelques mois par l’État, permettra au mieux de disposer d'environ 110 TWH propres supplémentaires en 2035, essentiellement grâce à l’extraordinaire essor attendu de l'éolien marin qui devrait à lui seul, dégager 65 TWH supplémentaires d'ici 2035. Cet effort pourtant très important ne comblera donc que la moitié du déficit énergétique et il restera au moins 108 TWh (l’équivalent d'un tiers de la production électronucléaire actuelle) par an à trouver d'ici 13 ans pour boucler en toute sécurité et toute indépendance notre budget énergétique.

Pourtant, si nous élargissons notre vision des sources d'énergies disponibles et potentiellement exploitables de manière à la fois rentables et durables, nous pouvons être raisonnablement optimistes car, bien que nous n'en ayons pas encore pleinement conscience, de nouvelles sources d'énergies propres et récupérables sont disponibles en grande quantité dans notre pays.

C'est par exemple le cas d'une nouvelle forme d'exploitation de l'énergie issue du courant des rivières. Dans quelques semaines, un nouveau type d'hydrolienne ondulante, inspirée de la nature et de la propulsion de certains poissons très rapides, sera expérimentée sur le Rhône, à hauteur de la commune de Caluire, entre le Parc de Saint Clair (Caluire et Cuire) et le Parc de la Feyssine (Villeurbanne). A terme, trois autres hydroliennes similaires seront également installées sur cette partie du Rhône. Ces quatre machines devraient être en mesure de produire environ 400 MWh par an l’électricité verte par ondulation, de quoi satisfaire la consommation de 1000 foyers. Par extrapolation, on estime qu’un parc de mille hydroliennes de ce type pourrait produire environ 12 TWH par an, de quoi fournir de l’électricité à 3 millions de personnes sans dommage pour la faune et la flore aquatique.

Une autre source constante et inépuisable d'énergie propre est en passe d'être exploitée à l'échelle industrielle, l'énergie osmotique, qui repose sur la différence de concentration en sel entre l'eau douce et l'eau salée pour produire de l'électricité. La CNR a annoncé qu'une première centrale pilote d'électricité dite osmotique sera implantée avant la fin de l'année dans le delta du Rhône, au niveau de l'écluse de Barcarin, à Port-Saint-Louis-du-Rhône, dans le sud de la France.

Cette forme d'énergie est connue depuis des décennies mais n'a jamais pu être exploitée à grande échelle, faute de solutions techniques fiables et abordables. Mais Sweetch Energy, une start-up bretonne, a développé un nouveau type de membrane biosourcée qui permet de multiplier par 20 la production d'énergie osmotique, tout en divisant par 10 les coûts d'exploitation. La CNR, qui espère produire à terme 4 TWH par an grâce à cette centrale osmotique révolutionnaire, soit deux fois la consommation annuelle d'une ville comme Marseille, estime que le potentiel osmotique du Rhône représente le tiers du potentiel français, estimé à environ 12 TWH par an

Une autre filière énergétique prometteuse pourrait contribuer, elle aussi, à développer encore plus vite la part des énergies propres dans notre mix énergétique, le solaire flottant. Le parc solaire photovoltaïque flottant conçu par la filiale française du groupe britannique RES (Renewable Energy Systems), la plus grande entreprise indépendante d'énergies renouvelables au monde, sera situé à Perthes, en Haute-Marne, sur un site d'anciennes gravières de 127 hectares. Il sera constitué de près de 120 000 modules photovoltaïques fixés sur des flotteurs, ce qui en fera la plus grande centrale flottante de France autorisée à ce jour. Cette centrale, qui sera raccordée au réseau d'ici la fin de l'année, pourra produire environ 70 millions de KWh par an, de quoi satisfaire les besoins en électricité (chauffage compris) de 14 000 foyers chaque année. Au total, on estime que notre pays dispose d'un potentiel minimum de 12 TWh par an de solaire flottant, en utilisant uniquement les plans d'eau artificiels.

L'agrivoltaïsme, également en plein essor dans notre pays, pourrait également contribuer de manière importante à décarboner plus vitre notre électricité : il suffirait que 5 % des superficies dévolues à la vigne et aux fruits en France (soit 500 km2 environ) soient équipées en systèmes agrivoltaïques, pour produire environ 25 TWh par an, tout en améliorant la productivité agricole grâce au contrôle de luminosité de ces panneaux suspendus et orientables, qui permettent le travail mécanisé en toute sécurité et ont un faible impact esthétique sur les paysages. Le parc hydroélectrique assure aujourd'hui 12 % de la production d'électricité du pays. En moyenne, ces installations produisent 60 térawattheures (TWh) par an, soit la consommation électrique de 27 millions de Français. Selon le Syndicat de France Hydro Electricité, qui rassemble les exploitants des 720 installations en service, le potentiel de développement de l'hydroélectricité en France doit être revu à la hausse pour atteindre environ 12 TWh, ce qui représentera 20 % de plus qu’actuellement, grâce à la modernisation des installations existantes et au développement de nouveaux ouvrages. Ce potentiel inexploité représente l'équivalent de la consommation de 2,5 millions de foyers (chauffage compris), ou encore la production annuelle d'un gros EPR, comme celui de Flamanville.

On le voit, l'ensemble de ces nouvelles sources d'énergies renouvelables représentent un potentiel exploitable économiquement d'au moins 70 TWH par an, en restant très prudent. Dans cette hypothèse, il ne resterait donc plus d’une quarantaine de TWH à trouver (sur les 108 TWh propres qui nous manquent pour 2035) pour boucler enfin notre nouveau plan énergétique décarboné et respectueux de l'environnement. Et c'est là que deux formidables découvertes récentes, confirmées par des institutions scientifiques reconnues de notre pays, risquent de bouleverser la donne énergétique de la France. Il y a quelques semaines, le CNRS et l'Université de Lorraine ont confirmé, après 5 ans de recherches, dans le cadre du projet REGALOR, la présence inattendue d'un gisement colossal d'hydrogène naturel, ou hydrogène “blanc”, dans le sous-sol national, en Lorraine, sur le site de Folschviller. Selon ces chercheurs, ce gisement pourrait contenir environ 46 millions de tonnes d’hydrogène naturel, soit l'équivalent d’environ la moitié de la production mondiale d’hydrogène actuelle, de l'ordre de 100 millions de tonnes par an.

Initialement prévus pour rechercher du méthane, ces forages ont constaté que le sous-sol contenait non seulement le méthane attendu, mais aussi, et à la grande surprise des chercheurs, des quantités tout à fait considérables d’hydrogène, dont la teneur augmente avec la profondeur : 6 % environ à 800 mètres de profondeur, 15 % à 1100 mètres, et probablement 90 % à 3000 mètres, ce qui correspond à seulement la moitié de la profondeur de cet énorme gisement de 6000 mètres de profondeur. Un autre gisement, également très important d'hydrogène blanc, a également été découvert dans les Pyrénées, entre Béarn et Soule. Dans cette région, des études menées à Sauveterre-de-Béarn sur la faille majeure frontale nord pyrénéenne démontrent que les concentrations d’hydrogène les plus élevées émises au niveau de cette faille proviennent d’un massif de péridotite, la roche mère, à dix kilomètres de profondeur. Une demande de permis de cinq ans de recherche d’hydrogène natif, dans la région située autour de Sauveterre-de-Béarn, entre le Béarn et le Pays Basque, a été récemment accordée à l’entreprise TBH2 Aquitaine, basée à Pau, qui envisage une possible exploitation d’hydrogène natif du sous-sol du bassin de Mauléon.

La présence avérée, et en grande quantité, de cet hydrogène "blanc" dans le sous-sol de notre pays est une découverte d'autant plus importante que beaucoup de scientifiques pensent que cet hydrogène naturel doit être considéré comme une énergie de flux, quasi-inépuisable, et non comme une énergie de stock, non renouvelable (comme le gaz ou le pétrole). Il semblerait en effet, selon de récentes recherches, que l'hydrogène naturel soit bel et bien produit de manière continue et importante par plusieurs processus géologiques distincts, bien qu'encore mal connus. Si tel est le cas et si l’exploitation de cet hydrogène "blanc" s'avère techniquement réalisable, l'humanité aurait à sa disposition, sans doute pour plusieurs siècles, des quantités suffisantes de ce gaz hautement énergétique et n'émettant pas de CO2.

S'agissant de notre pays, cet hydrogène blanc pourrait être utilisé soit directement, comme source d'énergie pour l'industrie, carburant propre dans les transports, pour le chauffage des bâtiments, soit indirectement, pour produire à la demande de l'électricité de manière décarbonée. Il va de soi que la France doit redoubler d'efforts pour exploiter au plus vite ces importantes sources déjà découvertes d'hydrogène naturel et en découvrir de nouvelles, car il en va à a fois de son indépendance énergétique et de la lutte impérieuse contre le réchauffement climatique, qui doit nous amener à actionner conjointement tous les leviers possibles pour sortir plus rapidement de l'ère du carbone et des énergies fossiles et construire le nouveau monde durable qu'attendent nos concitoyens, conciliant innovation technologique, progrès économique, amélioration de la qualité de vie et protection de notre environnement.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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  • Bonob0h

    6/07/2023

    Oui il y a bien des solutions pas ou mal exploitées ... comme l'éolien off shore imprévisible, etc alors que l'hydrolien est lui des plus prévisible avec les courants et marée !
    Qu'on ne vienne pas me dire que les hydroliennes sont pas facile a implanter et a entretenir ...
    Certes, si on ne change pas de concept oui ... mais pas ... si on prend la peine de concevoir d'autres hydrolienne comme celles verticales et avec quelques petites astuce elles sont facile a implanter, a entretenir sans aussi trop foutre le souk pour les animaux marins ...

    Il y a aussi les hydrolienne à queue de poisson alors que tout le monde rigolait d'un inventeur dans les années 1990 ... j'ai perdu son nom .. il vivait sur une péniche a l'est de paris ... il doit être mort et tout le monde l'a oublié alors que d'autres s'affirment comme inventeur ... un peux comme une certaine Aile d'avion ...

    Bref il y a plein de solutions pour certaines méprisées par les acteurs en place qui ne veulent surtout pas qu'on s'en prenne à leur prérogatives ...

    C'est comme pour le Nucléaire ... l'état et un certain président relance d'un coté a fond les EPR, alors que le CEA lance une start up d'un autre nucléaire qui dans l'équipe a l'inventeur d'un RSF mange tout ... de ceux capable de réutiliser les actuels déchets, alors qu'un "Ecolo" pro nucléaire lui s'en fout de balancer des déchets alors même qu'ils pourraient être réutiliser pour produire de l'énergie tout en réduisant la nocivité des actuels déchets ...

    Ou quand la, les schizophrénies règnent en maitre dans l'inhumanité ...

    Bref tout ça pour dire qu'on a aussi tout sous les pieds pour faire mais qu'il manque par exemple un groupe de personnes ... "éléments déclencheuses" ... pour enfin s'y prendre autrement ... et en grand ...

    y compris et même surtout dans une optique de développements d'intérêts généraux ... pour la éviter le plus possible les dérives ultra libérales qui sont aussi un des gros problèmes qui freine les vrais innovations ...

    Parfois c'est a se demander s'il ne vaudrait pas mieux ne rien faire et laisser faire pour aller encore plus vite à la 6ème grande extinction ...

  • emmausa

    1/08/2023

    France can achieve energy independence by investing in renewable energy sources, slope such as wind, solar and hydroelectricity. These sources generate clean electricity for use in the production of Green Hydrogen.

  • Charmaine

    24/08/2023

    Cette projection soulève des questions importantes pour la planification et la gestion du système énergétique en France. Une fnaf augmentation significative de la consommation électrique nécessitera des investissements importants dans la production et la distribution d'électricité, ainsi que dans le développement et le renforcement des infrastructures électriques.

  • michaelarrington

    21/09/2023

    Le rapport souligne la nécessité pour la France de développer rapidement ces nouvelles sources d'énergie renouvelable et de tirer parti de 2048 ses découvertes d'hydrogène naturel pour garantir son indépendance énergétique et contribuer à la lutte contre le changement climatique.

  • thomasfrank

    4/12/2023

    This article is full of interesting anecdotes and fnf examples. I appreciate it.

  • elijahnelson

    14/12/2023

    L'hydrogène peut être stocké et utilisé ultérieurement pour la production d'électricité ou comme wordle game carburant dans divers secteurs, y compris les transports.

  • sarausa

    11/01/2024

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  • Sumaid

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  • MarigoldPatel

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