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Diagnostiquer les maladies potentielles d’un embryon in vitro, une perspective réaliste mais qui pose de nombreuses interrogations
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Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est un test génétique réalisé sur des embryons produits par fécondation in vitro, permettant d’identifier ceux porteurs d’une grave maladie monogénique, comme la mucoviscidose, avant leur implantation dans l’utérus. En plus des obstacles réglementaires à son usage, variables d’un pays à l’autre, le DPI est pour l’instant limité techniquement car réalisé à partir du prélèvement d’une seule cellule embryonnaire par biopsie, trois ou cinq jours après fécondation, ce qui donne peu d’ADN à analyser quand on le compare par exemple au diagnostic prénatal – « dans ce cas, ce sont des centaines de cellules qui sont prélevées lors de l’amniocentèse », indique Jérôme Massardier, gynécologue-obstétricien aux Hospices civils de Lyon (Rhône) et chef de service en charge du diagnostic prénatal à l’hôpital Femme Mère Enfant, à Bron.
Ce prélèvement monocellulaire freine les prétentions du DPI à évaluer précisément le risque de développer un diabète de type 1 ou 2, des maladies cardiovasculaires, une schizophrénie, ou encore certains cancers héréditaires comme le cancer du sein lié à une mutation du gène BRCA1. En somme, toutes les maladies dites "polygéniques multifactorielles". "Multifactorielles" parce que causées par une interaction complexe entre différents facteurs (facteurs environnementaux, facteurs génétiques), et "polygéniques" car plusieurs gènes favorisent la maladie. Potentiellement graves, ces maladies sont souvent indétectables au stade fœtal et se déclarent à l’âge adulte.
Le DPI actuel est d’autant moins fiable dans le cas des maladies polygéniques multifactorielles que celles-ci ne dépendent pas d’un seul variant génétique, mais d’une myriade. Ces variants à risque ne causent pas la maladie mais se contentent d’être corrélés à un risque accru de la développer, sans que l’on comprenne toujours les dessous de cette corrélation ou l’importance de ces facteurs génétiques dans le déclenchement de la maladie par rapport aux facteurs environnementaux (mode de vie, alimentation…).
Le risque "génétique" de développer une maladie polygénique multifactorielle est résumé par son score de risque polygénique, qui est établi en prenant en compte les nombreux gènes susceptibles d’augmenter le risque de développer cette maladie.
Toutefois, ce verrou technique que constitue l’extraction de l’ADN d’une seule cellule pour calculer un bon score de risque polygénique pourrait bientôt appartenir au passé. En effet, une équipe de chercheurs travaillant aux États-Unis a publié en mars dernier, dans la revue Nature Medicine, une étude présentant une nouvelle technique de DPI. Celle-ci permet, selon eux, une prédiction très précise du score de risque polygénique associé à douze maladies polygéniques.
Le principe de leur méthode ? Associer le génotypage de l’ADN de la cellule embryonnaire – c’est-à-dire la caractérisation de certains variants génétiques – avec la reconstruction de tout l’ADN embryonnaire sur la base de la séquence complète d’ADN de ses deux parents. « Les auteurs arrivent à avoir la séquence génomique des embryons analysés in vitro en reconstituant les parties manquantes à partir de la séquence des parents », confirme Pierre Ray, coordinateur du centre de DPI au CHU de Grenoble Alpes.
La méthode permet théoriquement de déterminer le génome complet de l’enfant à naître, aux quelques mutations de novo près – les variants génétiques apparus par mutation spontanée lors des premières divisions cellulaires de l’embryon. Les auteurs ont testé rétrospectivement l’efficacité de cette technique sur dix enfants nés après la mise au point de ce DPI "nouvelle génération", dont ils ont prélevé après naissance le génome complet. Verdict ? La reconstruction génétique est correcte à plus de 99 % dans les régions génomiques utilisées pour calculer le score de risque polygénique de plusieurs maladies multifactorielles, comme le cancer du sein héréditaire lié à une mutation du gène BRCA1.
Calculer le risque de contracter une maladie multifactorielle à partir de l’ADN d’une cellule embryonnaire est-il donc déjà à portée de main, comme dans le film Bienvenue à Gattaca (1997) mettant en scène une société pratiquant l’eugénisme à grande échelle, et déterminant la position sociale de ses membres sur la base de la « perfection » de leur génome ? « On s’oriente doucement vers ces scores de prédiction, c’est assez effrayant », commente Pierre Ray.
Cependant, la dystopie hollywoodienne est encore loin. Tout d’abord parce que le test mis au point par l’équipe américaine demeure très perfectible. « Les auteurs reconnaissent à raison que les scores de risque polygénique ont une précision limitée en dehors des populations d’ascendance européenne », confirment Josephine Johnston, bioéthicienne à l’Université d’Otago (Nouvelle-Zélande), et Lucas J. Matthews, professeur de bioéthique à l’Université Columbia de New York (États-Unis).
De plus, les chercheurs reconnaissent dans leur article que « l’utilité clinique d’établir ces scores de risque polygénique reste à prouver ». De fait, « les connaissances ne sont pas suffisantes à ce jour pour prédire un risque global, mais il y a un intérêt quand un variant fort est identifié préalablement chez les parents », précise Pierre Ray. Enfin, cette amélioration des capacités du DPI soulève des questionnements éthiques. S’il venait à être commercialisé, cela entraînerait à coup sûr, selon Josephine Johnston et Lucas J. Matthews, « un risque d’accès inégal selon les familles, en raison de son coût ».
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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