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Un destin de reine grâce à la royalactine
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Découverte de l'ingrédient de la gelée royale qui fait d'une abeille une reine.
Notre alimentation influe sur notre vie, notre santé, notre longévité... C'est particulièrement vrai chez les abeilles où la nourriture fait d'une larve soit une ouvrière pour la plupart des membres de la colonie, soit une reine pour les « élues », la reine étant celle qui donne naissance à toutes les abeilles de la ruche. L'aliment qui fait la différence est la gelée royale : la larve à qui les nourrices en donnent plus longtemps qu'aux autres devient reine et ce, alors que toutes les abeilles de la colonie ont le même patrimoine génétique. Maski Kamakura, de l'Université de Toyama, à Imizu, au Japon, a découvert l'ingrédient qui décide d'un destin royal.
Sécrétée par les glandes hypopharyngiennes et mandibulaires des abeilles ouvrières, la gelée royale est une substance gélatineuse et blanchâtre aux reflets nacrés. Il s'agit d'un mélange d'eau, de protéines, de sucres, de lipides, de vitamines, d'antibiotiques et de sels minéraux qui est fourni à toutes les larves de la colonie dès leur éclosion et jusqu'au troisième jour pour les ouvrières, les futures reines en bénéficiant deux jours de plus. La reine de la colonie s'en nourrit également toute sa vie à partir du moment où elle quitte la cellule royale, une fois son stade adulte atteint. Cette différence de nutrition conduit à des distinctions importantes : par exemple, la reine vit 20 fois plus longtemps que les ouvrières. Comment détecter le constituant clef de cette recette complexe ?
Une première série d'expériences a consisté à étudier l'évolution de la gelée en fonction du temps : au bout de 30 jours, à une température de 30°C, la mixture perdait tout pouvoir sur le devenir d'une larve. L'analyse de la gelée à différentes étapes du processus de dégradation mit en évidence une protéine (de 57 kilodaltons) dont l'évolution coïncide avec celle de la gelée. Elle fut nommée royalactine. Purifiée en laboratoire, elle entraîne bien les modifications dues à la gelée royale. Et testée sur des larves, elle induit les trois modifications observées chez une reine : un développement accéléré, une augmentation de la masse corporelle et celle du volume des ovaires. Plus étonnant, la royalactine déclenche les mêmes changements chez la mouche du vinaigre, la drosophile. Or chez ces insectes, on ne connaît aucune reine !
M. Kamakura a élucidé le mode d'action de la molécule clef. La royalactine active une enzyme, la kinase p70 S6, qui favorise la croissance du corps et l'accélération de son développement, mais aussi la production d'hormone juvénile, un composé qui participe à l'augmentation du volume des ovaires. D'autres expériences ont révélé le rôle du récepteur au facteur de croissance épidermique (EGFR), un récepteur à la surface des cellules, dans le contrôle de ces différentes manifestations. Ce récepteur a été découvert par Stanley Cohen et Rita Levi-Montalcini, qui reçurent pour ces travaux le prix Nobel en 1986. En influant sur l'expression de plusieurs gènes via diverses enzymes, dont la kinase p70 S6, ce récepteur EGFR est au cœur de nombreuses fonctions cellulaires. La royalactine activerait ce récepteur.
Ces résultats éclairent ainsi la détermination des castes chez les abeilles, mais aussi les liens qui unissent diptères (les mouches) et hyménoptères (les abeilles), des insectes dont l'ancêtre commun vivait il y a 300 millions d'années. Royal jelly (and god) save the queen !
Article rédigé par Loïc Mangin, rédacteur en chef adjoint à Pour la Science.
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