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Edito : Démographie mondiale : le scenario de la « planète vide », se confirme...

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Edito :

Démographie mondiale : le scenario de la « planète vide », se confirme...

En 2020, un essai intitulé « La planète vide » coécrit par des chercheurs canadiens, Darrell Bricker et John Ibbitson, a fait sensation en soutenant la thèse qu'une décroissance démographique accélérée au niveau mondial était déjà en marche dans les pays les plus développés et se répandra dans le reste du monde plus rapidement que prévu. Cette prospective table sur un pic à l’horizon 2040, suivi d’une décroissance à compter de l’année 2060, ce qui devrait conduire à la fin du siècle à un chiffre équivalent à celui d’aujourd’hui : 7,8 milliards. Selon Bricker et Ibbitson, cette décroissance démographique puissante est engagée sous l’effet de trois facteurs : l’urbanisation, l’éducation des filles, et la montée générale du niveau d’instruction.

Une autre étude publiée en 2020 dans le "Lancet" va dans le même sens. Selon ce travail, la population mondiale pourrait atteindre son pic en 2064, à 9,7 milliards d’individus, et entamer alors un déclin pour redescendre à 8,8 milliards de Terriens à la fin du siècle. Les chercheurs de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME, institut de statistiques médicales rattaché à l’université de l’Etat de Washington, à Seattle) anticipent une baisse globale du nombre de naissances par femme, en raison d’un meilleur accès aux moyens de contraception et d’un niveau d’éducation des filles plus élevé, autant de facteurs qui repousseraient l’âge de la première naissance (Voir IHME).

Ces études qui prévoient une décrue démographique mondiale plus rapide que prévue s’expliquent par les modèles utilisés. Alors que l’ONU s’appuie sur l’évolution passée des indicateurs de mortalité, de fécondité et de migration pour prédire des trajectoires à long terme, l’équipe de l’IHME, institut chargé du programme d’études épidémiologiques "Global Burden of Disease" (GBD), a quant à elle travaillé à partir de la vaste base de données du GBD et élaboré différents scénarios, anticipant que les décisions politiques, notamment en matière d’éducation et de santé, pouvaient influer la fécondité ou les migrations. Selon le modèle de l’IHME, 183 des 195 pays étudiés enregistreraient un nombre de naissances par femme inférieur à 2,1 en 2100, c'est-à-dire inférieur au seuil de remplacement des générations. Au niveau mondial, le taux de fécondité passerait de 2,37 en 2017 à 1,66 en 2100. Seules trois régions verraient leur population augmenter par rapport à 2017 : l’Afrique subsaharienne (de 1 milliard d’habitants aujourd’hui à 3 milliards en 2100), l’Afrique du Nord (978 millions d’habitants en 2100) et le Moyen-Orient (600 millions). Mais le reste du monde connaîtrait un déclin démographique inexorable : une vingtaine de pays verraient même leur population diminuer de moitié, dont le Japon, la Thaïlande, la Corée du Sud et de nombreux pays européens. La population italienne passerait de 61 millions à 30,5 millions en 2100. L’Espagne connaîtrait une trajectoire similaire, de 46 à 23 millions, tout comme le Portugal, de 11 à 5 millions. La Chine, elle, passerait de 1,4 milliard d’individus à 732 millions. En Europe, seuls deux grands pays verraient leur population se maintenir, en raison d’une fécondité proche du seuil de remplacement et d’un solde migratoire positif : le Royaume-Uni, qui passerait de 67 millions à 71 millions d'habitants en 2100, et la France, qui passerait dans le même temps de 65 millions à 67 millions d’habitants.

Logiquement, la pyramide des âges mondiale ne cesserait de s'élargir : en 2100, la planète pourrait compter plus de 2, 4 milliards d’individus de plus de 65 ans (dont 866 millions de plus de 80 ans, six fois plus qu’aujourd’hui), pour 1,7 milliard de moins de 20 ans. Ces changements entraîneraient évidemment des bouleversements économiques, sociaux et politiques considérables, car de nombreux pays devraient faire face, en seulement trois générations, à la fois à une forte contraction de leur population active et à une hausse importante de leurs dépenses globales de prise en charge du vieillissement (santé, dépendance, hébergement). Comme le souligne le directeur de ces recherches, le professeur Stein Emil Vollset, « Les implications sociales, économiques et géopolitiques de ces prévisions sont considérables et ce déclin plus rapide que prévu de la population en âge de travailler devrait entraîner des changements majeurs dans la gouvernance économique mondiale ».

Dans ce scenario, la Chine détrônerait probablement les États-Unis comme première puissance économique mondiale vers 2035 mais, en raison du déclin de sa population, elle céderait à nouveau la place à la fin du siècle, si toutefois l’immigration se maintient aux États-Unis. L’Inde, qui perdrait un quart de ses actifs d’ici la fin du siècle, passerait, dans ce scenario, du septième rang en matière de Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant au troisième rang mondial. En Europe, la Grande Bretagne, l’Allemagne et la France devraient rester parmi les principales puissances économiques, mais ce ne sera pas le cas de l’Italie, qui pourrait passer du neuvième au vingt-troisième rang, et de l’Espagne, qui régresserait du treizième au vingt-huitième rang mondial.

En 2023, une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l'initiative Earth4All a confirmé cette décélération de la population mondiale et les prévisions de Bricker et Ibbitson. Le modèle Earth4All simule les liens complexes entre les trajectoires de développement socio-économique mondial et les limites planétaires entre 1980 et 2100. Il intègre notamment les effets d'interaction survenant dans des domaines très différents comme le PIB par habitant, l'éducation, la santé, les ressources, la productivité, le réchauffement climatique… Selon ces nouvelles recherches, la population mondiale pourrait bien décroître encore plus vite que ne prévoit l'ONU dans sa dernière prévision la plus pessimiste. Cette projection Earth4All a envisagé deux scénarios : dans le premier, le monde continue de se développer économiquement de la même manière qu'au cours des cinquante dernières années. La population mondiale culminera alors à un peu moins de 9 milliards de personnes dès 2046 avant de décliner à 7,3 milliards en 2100. Le deuxième scénario, qu'ils surnomment « le saut de géant », se base sur une trajectoire plus optimiste en termes de développement : avec des investissements sans précédent en matière d'éducation, de santé, de lutte contre la pauvreté et les inégalités, un essor des énergies propres et des emplois verts, la population atteindra un pic bien plus tôt avec 8,5 milliards d'individus vers 2040, avant de chuter à 6 milliards d'ici à la fin du siècle (Voir Earth4All).

Les dernières prévisions de l'ONU, publiées en juillet dernier, prévoient, quant à elles, que la population va continuer à augmenter au cours des 60 prochaines années. Elle devrait atteindre près de 10,3 milliards au milieu des années 2080. Puis elle entamerait une baisse progressive, atteignant 10,2 milliards d’individus d’ici 2100. Il est intéressant de souligner que cette estimation est inférieure de 6 % à celle de 2014, ce qui représente environ 700 millions de personnes en moins. Les prévisions antérieures, basées sur la période 1995-2010, situaient plutôt le pic de population au cours du prochain siècle. Mais dans 63 pays, représentant 28 % de la population mondiale, le pic a déjà été atteint Il s’agit notamment de la Chine, de l’Allemagne, du Japon et de la Russie. Ces pays devraient voir leur nombre d’habitants diminuer de 14 % d’ici 2054 (Voir United Nations).

Une cinquantaine d'autres pays devraient rejoindre ce groupe d'ici 2050, dont le Brésil, l’Iran et le Vietnam. Dans les 126 pays restants, dont l’Inde, le Nigeria, les États-Unis et la France, la croissance démographique se poursuivrait après 2054 et n'atteindrait son pic qu'au cours de la seconde moitié du siècle (Voir Le Monde). Autre enseignement important, les personnes de plus de 65 ans seront plus nombreuses (2,2 milliards) que les personnes de moins de 18 ans d’ici à la fin des années 2070.

Ce renversement des générations est déjà à l’œuvre dans les pays des deux premiers groupes. Les femmes vivant plus longtemps que les hommes, il faut donc s’attendre à ce que l’humanité se féminise – ce qui justifie un accès équitable aux pensions de retraite, souligne l'étude de l’ONU. A la fin des années 2050, la moitié des décès devraient intervenir à plus de 80 ans (contre 17 % en 1995). Il faut souligner que l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués, qui travaille sur des hypothèses plus pessimistes où la fécondité resterait au plus bas, a rejoint globalement ces nouvelles prévisions de l'ONU et prévoit, dans sa dernière étude de mars 2024, un pic de population à 10 milliards d'habitants en 2080 (Voir IIASA).

« Ce pic de population plus rapide que prévu pourrait modifier de manière majeure des pressions sur l’environnement dues à l’impact de l’homme, en raison d’une consommation globale plus faible », souligne Li-Junhua, responsable des affaires économiques et sociales aux Nations Unies. En effet, la demande globale de nourriture, de logement, d’infrastructures et de services, entre autres, sera probablement plus faible. Ce pic plus précoce est dû à plusieurs facteurs, à commencer bien entendu par des taux de natalité plus faibles que prévu. La tendance concerne certains des plus grands pays du monde, comme la Chine. Autre facteur important, des baisses de fécondité plus rapides que prévu dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne, de l’Asie du Sud-Est et de l’Europe.

Actuellement, le taux de fécondité mondial est de 2,25 naissances vivantes par femme, alors qu'il était encore de 3,31 en 1990. D’ici la fin des années 2040, ce taux devrait tomber à 2,1, ce qui est déjà le cas pour plus de la moitié des pays. Si le taux de fécondité connaît une baisse moyenne mondiale plus rapide que prévu, l’espérance de vie à la naissance, elle, a augmenté de manière spectaculaire depuis trente ans. Malgré un recul temporaire dû à la pandémie de COVID-19 en 2020-2021, l’espérance de vie moyenne à la naissance a dépassé 73 ans dans le monde cette année. Cela représente une augmentation de plus de 8,4 ans depuis 1995 ! Et selon l'ONU, les avancées scientifiques et médicales, ainsi que le recul de la malnutrition et l'amélioration des conditions de vie, devraient permettre d’atteindre une longévité moyenne d’environ 77 ans en 2054. Finalement, à la fin des années 2050, plus de la moitié des décès dans le monde surviendront à l’âge de 80 ans ou plus (contre 17 % en 1995). Ces améliorations se traduisent également par une diminution de la mortalité infantile. Ainsi, en 2023, le nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans est passé pour la première fois sous la barre des 5 millions.

Les effets combinés de cette baisse de la natalité et d'une plus grande longévité conduiront à accélérer le vieillissement de la population mondiale. Selon les estimations, à la fin des années 2070, le nombre de personnes âgées de 65 ans atteindra 2,2 milliards. Elles seront alors plus nombreuses que les moins de 18 ans. D’ici dix ans, le nombre de personnes âgées de 80 ans ou plus devrait dépasser le nombre de nourrissons âgés de moins d’1 an. Désormais, la probabilité que la population mondiale atteigne son maximum au cours de ce siècle est de l'ordre de 80 %, alors qu'il y a encore dix ans, elle était de seulement 30 %. L'immigration sera également un facteur majeur de ralentissement du déclin démographique pour de nombreux pays – en particulier ceux connaissant des taux de fécondité faible, comme l’Australie, le Canada et les États-Unis. Le rapport souligne toutefois qu’à l’inverse, dans 14 pays et régions connaissant déjà une très faible fécondité, l’émigration contribuera à réduire la taille de la population jusqu’en 2054.

Notre pays ne sera pas épargné par ce déclin démographique plus important que prévu. Selon la dernière étude de l’Insee, la population française croîtrait jusqu’en 2044 (69,3 millions), année d’un pic démographique (contre 66,9 millions en 2018).Viendrait ensuite une baisse (68,1 millions en 2070), liée au vieillissement : dans 64 départements, les 65 ans et plus représenteront 30 % de la population. Première cause de ce recul, le croisement des courbes des naissances et des décès, qui devrait intervenir d'ici 2034. Depuis 2010, les premières ont amorcé une baisse, qui s'est accélérée depuis 2014. En sept ans, le nombre de naissances est passé de 819.000 à 721.000. Avec le vieillissement de la population, le nombre de décès augmente : de 600.000 par an en 2017, il devrait passer à 800.000 à l'horizon 2050.

Inexorablement, la part des personnes âgées d'au moins 65 ans est appelée à augmenter en France : de 13 % en 1970, elle est passée à 21 % aujourd'hui et devrait atteindre 30 % en 2070. A l'inverse, la catégorie des moins de 20 ans, qui représentait un tiers de la population en 1970, se réduirait à 20 % un siècle plus tard. Le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans est ainsi appelé à doubler au cours des cinquante prochaines années. Celui des centenaires serait multiplié par huit dans le même temps, pour passer de 27.400 aujourd'hui à plus de 210.000. La structure des foyers va également se modifier avec de plus en plus de personnes vivant seules : le nombre de foyers qui avait augmenté de 30 % ces 30 dernières années, passant de 22 à 30 millions, progressera deux fois moins vite d’ici 2050 pour atteindre 34 millions.

La population active, pour sa part, devrait continuer à augmenter légèrement au cours des deux prochaines décennies, passant de 30,1 millions en 2021 à 30,5 millions en 2040, puis diminuerait pour se situer à 29,2 millions en 2070. Le repli au delà de 2040 s’explique par une diminution de la population en âge de travailler. Dans ce scenario, le taux d’activité des personnes âgées de 60 à 64 ans continuerait d’augmenter avant d’atteindre un plateau à 58 % vers 2040, soit 20 points de plus qu’en 2021. Il faut souligner que l'Insee, qui prévoyait en 2017 une population active de 32,4 millions en 2070, a revu à la baisse de plus de trois millions de personnes la croissance de la population active au cours des prochaines décennies.

Notre pays va donc être confronté à la fois à la hausse du montant global des pensions de retraites et à l'augmentation des dépenses de santé et de dépendance. Il faut en effet rappeler que le nombre de personnes dépendantes va doubler d'ici 2050, passant de deux à quatre millions. Le remarquable rapport Libault de 2019 (Voir Ministère des Solidarités et de la Santé) souligne que les besoins de financement liés à la dépendance vont passer de 30 à 40 milliards d'euros d'ici 2030. On le voit, il ne sera pas simple, surtout avec un besoin d'emprunt qui va atteindre 300 milliards en 2025 et un service de la dette qui va dépasser les 55 milliards, de résoudre cette équation redoutable qui consiste à financer plus de besoins avec de moins en moins d'actifs. Notre société va donc être confrontée, dans ce nouveau contexte de déclin démographique plus brutal que prévu, à des choix sociaux et politiques très difficiles. Face à ces défis immenses, nous devons absolument éviter la tentation du conservatisme et du conformisme et savoir faire preuve d'audace en faisant le choix de la recherche, de l'innovation, et de la créativité, non seulement dans le domaine scientifique, mais également dans le domaine social économique et politique...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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