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De la démocratie en ligne

Un maire qui démissionne après une vague de protestation par e-mails, un Parlement qui vote contre une proposition de loi scandaleuse à cause d'une pétition affichée sur un site web et signée par des dizaines de milliers de citoyens en colère. Non, ça n'est pas encore arrivé, mais c'est le fantasme ultime des internautes, le rêve de tous ceux qui attendent l'avènement d'une démocratie électronique et qui pensent que, grâce à l'Internet, la vie politique va enfin être transparente, démocratique et interactive. C'est bien sûr aux Etats-Unis que tout a commencé. L'un des premiers mouvements importants est la pétition contre le Communication Decency Act (censure sur l'Internet) en 1995. La pétition a recueilli 115000 signatures d'internautes, elle a beaucoup fait parler d'elle. Et n'a eu aucun effet: la loi a été votée (avant d'être annulée par la Cour suprême). Autres étapes importantes: la pétition Censure and Move On (contre l'impeachment de Bill Clinton), dont le site web a recueilli cet automne plus de 500000 signatures. Sans effet non plus. Ou encore, au début du mois, une pétition pour les droits de l'homme dite "Mur virtuel de démocratie", envoyée au président chinois Jian Zemin pour les dix ans de Tienanmen. 15000 signatures et, là encore, aucuneffet."Lapétitionestune méthode de communication assez limitée. Elle est souvent perçue comme intrusive et fait plus de tort que de profit." En France et en Europe, les manifestations électronico-démocratiques, encore rares, prennent des formes un peu différentes. Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de l'Association des fournisseurs d'accès (AFA), pense lui aussi que "les mails envoyés au Parlement sont d'une efficacité réduite". Cela dit, les 475 députés ayant une adresse électronique publique reçoivent pour le moment au maximum 30 e-mails par jour. En fait, estime Le Toquin, "la pétition est une méthode de communication assez limitée. Elle est souvent perçue comme intrusive et fait plus de tort que de profit. Si on est dans l'action politique, on a des contacts, donc des adresses. Et si on a des contacts, mieux vaut les utiliser". Finalement, le militantisme en ligne est efficace quand il sait adapter ses moyens aux objectifs et aux destinataires. En gros, il y aurait d'un côté des techniques intrusives, le plus souvent inefficaces: e-mails massifs, sites "cliquez ici et envoyez un e-mail à tous les sénateurs américains (ou tous les députés européens)". Et de l'autre, la pétition affichée sur un site web qu'on peut signer et commenter. D'une manière générale, elle est plus efficace. En tout cas, elle n'exaspère pas a priori les destinataires en bloquant leur ordinateur. L'Américain Chris Casey, spécialiste des relations entre politique et l'Internet, pense que "différentes formes de démocratie électronique vont se développer", mais que "les gens devraient réfléchir à deux fois avant d'agir". Quant à Joan Blades et Wes Boyd, fondateurs de Censure and Move On, ils estiment que "l'Internet est en train de changer les règles du militantisme. Ça aide les gens à se sentir concernés, et c'est bon pour la démocratie".

Libération http://www.liberation.com/multi/cahier/articles/sem99.25/cah990618j.html

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