Des cyclones intensifiés par la pollution
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Rares sont les cyclones qui naissent en mer d’Arabie. Les conditions de température et d’humidité y sont pourtant favorables. Mais pour qu’un cyclone grossisse et s’épanouisse, encore faut-il que les vents soient faibles et gardent une même direction sur les 10 premiers kilomètres de l’atmosphère, pour ne pas déformer et cisailler le tourbillon.
Or, en mer d’Arabie ce cisaillement vertical est fort, notamment en juillet et août, en pleine mousson asiatique. Les cyclones n’apparaissent donc qu’avant la mousson, en mai et juin, ou après, en septembre et octobre, lorsque le cisaillement vertical faiblit. Les deux ou trois qui se forment annuellement restent en général modérés.
Toutefois, des chercheurs américains affirment aujourd’hui que, depuis une quinzaine d’années, ces cyclones ont gagné en intensité. Le responsable serait le nuage brun de pollution qui plane au-dessus du nord de l’océan Indien et du continent asiatique.
Amato Evan, de l’université américaine de Virginie, et ses collègues ont passé au crible de l’analyse statistique les données climatologiques accumulées entre 1979 et 2010 dans cette région. Ils ont ainsi constaté que depuis 1997 l’intensité des cyclones (mesurée par la vitesse des vents) d’avant mousson est environ trois fois supérieure à celle des cyclones survenus à la même période entre 1979 et 1996. Autre constat : cette intensification est concomitante d’une réduction du cisaillement vertical des vents.
- Piège à chaleur
Or, les simulations numériques faites à l’aide d’un modèle climatique montrent que la présence du nuage brun affaiblit justement ce cisaillement. « Ce nuage, épais de 3 kilomètres, qui s’étire sur plusieurs milliers de kilomètres, est un véritable piège à chaleur », souligne Frank Roux, qui dirige le laboratoire d’aérologie de l’université de Toulouse.
Composé d’un cocktail d’aérosols (suies, sulfates, nitrates, poussières, etc.) émis par les activités humaines en Inde et en Chine notamment, il absorbe en effet une partie de la lumière solaire, ce qui conduit à réchauffer l’atmosphère mais aussi à refroidir la surface de la Terre.
« Ce faisant, le nuage diminue les contrastes de température, d’une part, entre la surface et l’atmosphère et, d’autre part, entre le continent et l’océan. La force et la direction des vents dominants sur la mer d’Arabie dépendant de ces contrastes thermiques, le nuage atténue le cisaillement vertical des vents. D’où une intensification des cyclones », poursuit Frank Roux.
Ce résultat doit toutefois être considéré avec précaution. L’analyse statistique ne concerne en effet qu’un nombre limité de données (une vingtaine de cyclones en trente ans), ce qui est peu. Mais pour le chercheur toulousain, l’intérêt de l’étude réside surtout dans la chaîne de causalités, jamais mise en évidence auparavant. « Elle montre comment les activités humaines, qui agissent d’abord sur l’environnement local puis à plus grande échelle sur le système climatique, peuvent avoir de fil en aiguille un impact sur un phénomène se produisant à plusieurs milliers de kilomètres de là. »
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- Publié dans : Climat
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