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Edito : Les cybersoldats vont faire entrer nos armées dans une ère nouvelle

A l'occasion du dernier salon Milipol de Paris, consacré à la sécurité, la DGA a fait sensation en présentant pour la première fois "Hercule", un prototype d’exosquelette destiné à équiper les fantassins de l’armée française à l'horizon 2020. Développé conjointement par le Laboratoire d’intégration des systèmes et des technologies du CEA, l'école d'ingénieurs Esme et Sudriaet Rb3d, une société spécialisée en mécatronique, cet exosquelette, digne de "Robocop", sera à terme capable de démultiplier les capacités physiques des soldats et donc leurs rayons d'action.

Pour l'instant, Hercule, qui pèse 32 kg avec ses batteries, permet à son utilisateur de marcher plus de vingt kilomètres en portant une charge de 40 kilos. Mais l'objectif final consiste à permettre au soldat de porter 100 kg sur de très longues distances. Par rapport à tous ses concurrents, y compris américains, Hercule constitue un saut technologique en matière d’assistance robotisée. Il utilise des moteurs électriques très sophistiqués entraînant des actionneurs à câbles mécanisés. Grâce à cette innovation, Hercule a un rapport poids-puissance supérieur à tous ses rivaux.

En outre, Hercule est un robot asservi et non commandé. Il est capable de "sentir" les mouvements de l’utilisateur et de fournir alors les efforts nécessaires à la place de l’homme.

Outre-Atlantique, le développement d'exosquelettes militaires se poursuit également de manière active avec deux prototypes avancés : Sarcos de l'Américain Raytheon et le système HULC (Human Universal Load Carrier), développé par la firme aérospatiale Lockheed Martin.

Reste que l'adoption généralisée de ces merveilles technologiques par les militaires se heurte à un défi de taille : l'approvisionnement en énergie. Pour l'instant, il n'existe aucune source portable d'énergie qui puisse assurer à ces exosquelettes une autonomie suffisante pour une utilisation prolongée en opération militaire. 

Mais les recherches se poursuivent et la dernière version de SARCOS, dénommée XOS 2 est à la fois plus légère, plus puissante, plus rapide et deux fois moins gourmande en énergie. Mais en matière d'autonomie, Hercule reste le champion avec cinq heures d'utilisation, une prouesse obtenue notamment par son système unique de récupération d'énergie.

Dans une dizaine d'années, ces exosquelettes à assistance robotisée seront très probablement capables, grâce à des micropiles à combustible, d'être autonomes en énergie plusieurs jours et ils pourront alors décupler le rayon d'action et la puissance de feu d'un soldat. Mais pour pouvoir utiliser pleinement une telle puissance, il faudra également intégrer à l'équipement du fantassin une capacité de calcul informatique et de communication beaucoup plus grande qu'aujourd'hui. L'objectif est que ce soldat du futur dispose en temps réel, par la technologie de la réalité augmentée directement projetée sur sa visière de casque, d'une multitude d'informations utiles à ses missions.

Outre son exosquelette et sa capacité de communication et d'analyse informatique de son environnement, ce soldat des années 2020 aura à sa disposition plusieurs auxiliaires précieux de renseignements et de combats : les robots militaires et microdrones. Semblables à de petits chariots montés sur chenilles, les robots militaires sont déjà une réalité et peuvent embarquer une puissance de feu redoutable mais ils restent pour l'instant télécommandés par leur "maîtres" humains et ne sont pas capables d'initiative autonomes. On peut imaginer que les soldats munis d'exosquelettes puissants emporteront avec eux au moins un robot de ce type qui augmentera encore leur potentiel d'action et de destruction.

Mais ces soldats "high-tech" auront également à leur disposition toute une série de mini et microdrones portatifs qui leur permettront d'obtenir, dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, de nombreuses et précieuses informations sur leur environnement et d'adapter leurs missions en conséquences.

On pourrait croire que ces prévisions relèvent de la science-fiction ; il n'en est rien. Ce type de drones existe déjà et est utilisé par les forces spéciales. Pesant à peine deux kilos, le minidrone Skylark 1 est ainsi capable de remplir des missions de surveillance et de reconnaissance, dans un rayon de 15 km ! Il s'assemble juste avant utilisation et se lance tout simplement à la main.

Les mini drones Wasp sont encore plus petits et discrets. Pesant moins de 500 grammes, ils se lancent également manuellement. Ils peuvent voler à une altitude de 300 mètres pendant plus d'une heure.

A ce type de drones déjà opérationnels s'ajouteront bientôt des microdrones encore plus furtifs et pratiquement indétectables. De la taille d'un petit oiseau ou même d'un insecte, ces minuscules engins volants pourront de faufiler partout et transmettre en temps réel images et sons.

Le soldat du futur, doté de ces extraordinaires auxiliaires robotiques, deviendra donc un système d'armes et une redoutable unité combattante à lui tout seul. Cette évolution technologique aura bien entendu des conséquences considérables sur la tactique, la stratégie et l'organisation de nos systèmes de défense et d'intervention militaires. La nature même de la guerre et le concept de conflit armé s'en trouveront profondément modifiés.

Cette mutation historique de nos armées et de notre défense pose toutefois de nombreuses questions politiques, démocratiques et éthiques. Il faudra notamment veiller à ce que ces technologies redoutables ne puissent pas être utilisées par les ennemis de la démocratie et les groupes terroristes, ce qui suppose que leur utilisation soit très étroitement contrôlée par des systèmes puissants d'identification biométrique. Il faudra sans doute aller encore plus loin et prévoir également des mécanismes d'autodestruction, dans les cas où de tels outils tomberaient dans des mains ennemies.

Il faudra enfin définir clairement sur le plan politique et stratégique les buts et missions de ces armées qui disposeront, avec des effectifs très réduits, d'une rapidité d'intervention, d'un rayon d'action et d'une puissance de destruction considérables.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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