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Edito : Covid-19 : nous n'en avons pas fini avec ce virus
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René Trégouët
Sénateur Honoraire
Créateur du Groupe de Prospective du Sénat
Rédacteur en Chef de RT Flash
Président de l'ADIST (l'ADIST est une association qui gère RT Flash)
EDITORIAL
Covid-19 : nous n'en avons pas fini avec ce virus
Il y a quelques jours, les scientifiques Katalin Kariko et Drew Weissman, tous deux anciens collègues au sein de l’université de Pennsylvanie, ont été récompensés par le Prix Nobel de Médecine pour leur contribution décisive à la mise au point des vaccins à ARN qui ont permis, comme l'ont montré plusieurs études internationales, d'éviter au moins les deux tiers des décès liés à la pandémie mondiale de Covid-19, soit environ 20 millions de personnes sauvées (Voir The Economist).
Je rappelle, en effet, que depuis 2019, c’est plus de 13 milliards de doses de vaccin contre le Covid 19 qui ont été administrées dans le monde et 70 % de la population mondiale a reçu au moins la première dose, mais seulement 30 % de la population dans les pays à faible revenu à cause d’une difficulté d’accès aux soins. En France, environ 54 millions de personnes ont reçu leur première dose, soit plus de 80 % de la population. Jamais une telle couverture vaccinale n’aurait pu être atteinte aussi rapidement sans l’extraordinaire avancée que représentent les vaccins à ARN que l’on peut concevoir, adapter, modifier et produire en seulement quelques mois.
Alors qu’une nouvelle campagne de vaccination contre le Covid 19 a commencé en France (d’abord destinée aux plus âgés et aux plus fragiles) et qu’une nouvelle vague de Covid-19 commence à déferler inexorablement sur notre pays, portée notamment par les nouveaux variants, Eris et Pirola, beaucoup plus contagieux et souvent asymptomatiques, il m'a semblé utile de rassembler, dans cette brève synthèse, les principales découvertes, tant fondamentales que cliniques, intervenues depuis quelque mois sur le Covid-19, un virus qui ne cesse de dévoiler une étonnante complexité.
Une récente étude a montré il y a quelques semaines qu’un gène hérité de nos lointains cousins Néandertaliens pourrait jouer un rôle clé dans la gravité de la maladie. Les Néandertaliens, nos ancêtres éteints depuis environ 40 000 ans, avaient développé de multiples stratégies biologiques adaptatives pour résister à des environnements hostiles. Ces recherches montrent que certaines personnes portant ces gènes anciens sont jusqu’à deux fois plus susceptible de développer des formes graves et potentiellement mortelles de la Covid-19 (Voir Institut Pasteur).
Cette nouvelle étude a mis en lumière un lien inattendu entre ces gènes et le COVID-19. Les chercheurs ont identifié trois variations spécifiques de gènes néandertaliens qui augmentent le risque de développer une pneumonie sévère après avoir contracté le virus. Ces découvertes reposent sur l'analyse des données provenant de 1 200 personnes de la province de Bergame, qui fut l'épicentre de la pandémie en 2020. Les résultats sont édifiants : un tiers des personnes de Bergame portant ce gène néandertalien ont développé des formes graves de Covid-19, contre environ 10 % dans la population générale. Ces variations génétiques se trouvent sur le chromosome 3 et le gène incriminé est lié à un groupe de gènes inflammatoires.
Ce gène néandertalien, découvert dans les restes d'un Néandertalien en Croatie, continue d'être présent dans de vastes populations. Toutefois, cette variation génétique est plus fréquente chez les personnes d'origine sud-asiatique, atteignant près de 50 %, tandis qu'en Europe, seule un sixième de la population la porte. Cette étude fascinante révèle à quel point nos ancêtres préhistoriques, via les gènes qu’ils nous ont transmis, influent de manière surprenante sur notre capacité de réponse immunitaire à la pandémie de la Covid-19. Ces découvertes sont importantes car elles ouvrent la voie à des traitements plus ciblés et à une meilleure connaissance, en fonction des différentes populations, des facteurs de risque pour la santé.
En France, on estime que le “Covid long”, qui se caractérise par des séquelles touchant différents organes et pouvant durer jusqu’à un an, a touché entre deux et trois millions de personnes adultes, selon une étude de Santé publique France publiée en juin 2023. Ce Covid long, loin d’être bénin, est à présent considéré comme une forme à part entière de maladie qui affecte durablement de nombreuses fonctions (digestives, cardiaques, pulmonaires, cognitives) et doit faire l’objet d’une prise en charge particulière. On savait déjà qu’après avoir contracté le Covid-19, le risque de maladies cardiovasculaires ou d'AVC était plus élevé jusqu'à un an après l'infection. Une large étude vient de montrer les raisons de ce risque accru : le SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19 est également capable d’infecter les coronaires et d'y augmenter l'inflammation (Voir Nature Cardiovascular Research).
Ces travaux montrent que chez les personnes âgées souffrant d'athérosclérose – c'est-à-dire présentant des plaques d’athérome dans les artères, le virus parvient à s'infiltrer jusque dans les artères coronaires, puis à s'introduire dans des macrophages (des cellules de l'immunité) et des cellules spumeuses (qui entraînent l'athérosclérose) de ces tissus. L’étude précise qu’il existe "un lien mécanique" avec la survenue d’infarctus du myocarde et d’AVC. Par ailleurs, ces travaux montrent que le virus a tendance à infecter les macrophages plus rapidement que les autres cellules. Ces derniers vont alors augmenter l’inflammation déjà présente de la plaque d’athérome et libérer des cytokines, des cellules du système immunitaire, qui vont rigidifier les artères, puis former des plaques supplémentaires d’athérome. C’est donc un véritable cercle vicieux qui se met en place…
Une autre avancée récente nous éclaire dans la compréhension du déroutant Covid long qui reste mal compris, bien qu'il concerne plus d'un malade sur dix. Cette étude montre que le Covid long peut être provoqué par deux processus distincts : une réponse immunitaire insuffisante qui empêche l’organisme d’éliminer complètement le virus ou, au contraire, une réponse immunitaire excessive qui entraîne des dommages inflammatoires (Voir Frontiers).
Ces scientifiques de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm, en collaboration avec des cliniciens de l’AP-HP, ont analysé chez des patients atteints de Covid long la production d’anticorps et la présence de cellules T antivirales. Résultat ? Près d’un tiers des malades présentent une réponse immunitaire très faible, tandis que les autres montrent une réponse au moins aussi forte que les personnes totalement rétablies de la Covid-19. « Nos résultats suggèrent qu’il existe plusieurs types de Covid long, caractérisés soit par une réponse antivirale insuffisante, soit par une réponse antivirale excessive » souligne l’étude. Ces recherches montrent qu'il existe bien plusieurs types de Covid long et ouvrent la voie à une meilleure prise en charge des malades, notamment par la mise en œuvre de tests immunologiques particulièrement sensibles pour détecter une réponse immunitaire chez les patients avec Covid long "faibles répondeurs".
Une autre étude britannique récente dirigée par le Docteur Christopher Brightling, a analysé des IRM réalisées chez 259 patients ayant été hospitalisés pour Covid en 2020-2021. Elles ont été comparées avec des examens effectués chez une cinquantaine de personnes jamais infectées. Près d'un tiers des patients Covid présentaient des lésions dans plusieurs organes, plusieurs mois après leur sortie de l'hôpital. Ces organes incluent notamment le cerveau, les poumons ou les reins et, dans une moindre mesure, le cœur et le foie (Voir The Lancet). Ces résultats montrent la persistance de séquelles durables plusieurs mois après l'infection et semblent indiquer que le Covid long ne s'explique pas par des insuffisances graves concentrées sur un seul organe mais plutôt par « une interaction entre au moins deux anomalies de différents organes », précise l’étude. Il s'agirait donc d'une affection systémique pouvant toucher simultanément les fonctions pulmonaires, cardiaques, digestives, neurologiques et cognitives. L'action délétère du Covid-19 sur le cerveau est d'ailleurs bien plus forte qu'on ne l'imaginait il y a encore quelques mois, comme vient de le montrer une équipe de recherche de l’Inserm, du CHU et de l’Université de Lille, qui a découvert que l’infection pourrait entraîner la mort de certains neurones exprimant une hormone appelée GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone).
Ces neurones contrôlent depuis l’hypothalamus tous les processus associés aux fonctions reproductrices. Ces chercheurs ont montré, en recourant à des dosages hormonaux réalisés trois mois et un an après l’infection chez 47 hommes, que ce virus pouvait altérer les fonctions des neurones à GnRH, entraînant ainsi une chute du taux de testostérone chez certains patients. Ces recherches ont confirmé que les patients qui présentaient des dosages hormonaux anormaux étaient beaucoup plus touchés par des troubles de la mémoire ou de l’attention et des difficultés de concentration.
Une autre étude réalisée par des chercheurs américains et irlandais a montré que les enfants nés en plein confinement pendant les premiers mois de la pandémie de Covid-19 présentent aujourd’hui un microbiome intestinal – c’est-à-dire l’ensemble de micro-organismes présents dans le tube digestif – différent de ceux des bébés nés hors pandémie. Ces recherches montrent que l’intestin des bébés nés pendant la pandémie contiendrait un bien moins grand nombre de microbes que celui de bébés nés en temps normal. Ce déficit bactérien serait lié à l’insuffisance de contacts variés avec le monde extérieur et les milliers de bactéries qui le composent (Voir Nature).
Selon l’étude, « La combinaison du fait de rester à l’intérieur, d’une hygiène accrue, de la diminution des interactions sociales et du stress accru ressenti par de nombreux parents a contribué au microbiome intestinal distinctif trouvé chez les nourrissons nés à cette époque ». Cette découverte est importante quand on sait que le microbiome intestinal joue un rôle clé dans le bon fonctionnement des organes et développement corporel. Or, les bébés forment la diversité de leur microbiome intestinal grâce à leur environnement et les trois premières années sont décisives pour créer un microbiome sain. Ces bébés au microbiome altéré risquent donc d’avoir davantage de problèmes de santé à long terme.
Heureusement, en mars dernier, une étude a montré que le vaccin contre la Covid-19 peut atténuer la gravité et la durée du Covid long chez les personnes affectées et réduire l'impact de cette condition sur leur vie sociale, professionnelle et familiale (Voir BMJ). Ces chercheurs ont utilisé les données de 455 paires de personnes (vaccinées et non vaccinées). Les chercheurs ont comparé les patients vaccinés pour la première fois avec l'un des vaccins AstraZeneca, Pfizer-BioNTech, Johnson & Johnson ou Moderna à ceux qui sont restés non vaccinés. L'étude a montré que deux fois plus de patients vaccinés ont signalé la rémission de tous leurs symptômes de Covid long : 57 (près de 17 %) contre 27 (7,5 %) des non vaccinés.
Je rappelle que, dans le cadre de la nouvelle campagne de vaccination ouverte le 3 octobre dernier en France, il est possible, pour les publics fragiles et ceux qui le souhaitent, de bénéficier du vaccin Pfizer réactualisé pour intégrer les nouveaux variants. Ce vaccin à ARN a bien entendu fait la preuve de son efficacité au cours d’essais cliniques contrôlés et il a obtenu toutes les autorisations nécessaires de commercialisation, tant au niveau national qu’européen. Il sera rejoint dans quelques semaines par le nouveau vaccin à ARN de Moderna, qui a également montré son efficacité contre les nouveaux variants. Quant à ceux qui restent réticents aux vaccins à ARN, ils pourront bénéficier, d’ici environ un mois, du vaccin « classique », à protéines recombinantes de Novavax.
La biotech américaine Moderna a par ailleurs dévoilé il y a quelques jours des premiers résultats positifs prouvant une excellente efficacité de son vaccin combiné grippe-Covid comparé aux vaccins standards actuels. Moderna compte bien mettre sur le marché en 2025 ce vaccin qui permettrait chaque automne de s'immuniser avec une injection unique contre deux des trois maladies respiratoires saisonnières, la troisième étant la bronchiolite (Voir Clinical Trials).
Un groupe associant l’Anses, la société Osivax en France, l’Agence de sécurité sanitaire du Royaume-Uni (UKHSA), et le Vaccine Formulation Institute en Suisse, est parvenu à mettre au point un vaccin qui, contrairement aux injections actuelles, semble aussi efficace contre la souche originale du Covid-19 que contre les variants Delta et Omicron. La polyvalence du vaccin est liée au fait qu’il cible la protéine de nucléocapside (N), très stable, du virus et non la protéine Spike (S), qui présente l’inconvénient de se modifier d’un variant à l’autre (Voir ANSES).
L’étude est d’autant plus intéressante que cette protéine est commune aux sarbecovirus, genre auquel appartiennent les coronavirus responsables du syndrome respiratoire aigu sévère comme le SARS-CoV-1 et le SARS-CoV-2, ce qui laisse espérer une possible utilisation de ce vaccin au-delà du Covid-19. Le chercheur Américain Drew Weissman, qui vient d'obtenir le prix Nobel de médecine, travaille également au sein du projet international visant à développer un vaccin universel contre tous les différents coronavirus. « Ce futur vaccin devrait pouvoir couvrir tous les futurs variants, et tous les coronavirus venus de chauves-souris qui pourraient passer chez les humains », a-t-il expliqué.
Pour parvenir à surmonter l’obstacle que constitue la capacité de mutation rapide de ces virus, cet éminent chercheur s'est associé à des spécialistes de l'intelligence artificielle pour analyser leur structure, afin de repérer les régions stables qui restent inchangées. Les essais cliniques sur l’homme de ce nouveau vaccin universel devraient commencer en 2024 et ce même laboratoire travaille également sur 20 vaccins à ARN messager différents, ciblant notamment les allergies, les maladies auto-immunes et les maladies cardio-vasculaires.
La recherche progresse également dans le domaine des vaccins contre le Covid, administrés par voie nasale. Des chercheurs de l'Université de l'Ohio viennent de montrer que des virus modifiés de la rougeole et des oreillons pourraient être utilisés pour créer un vaccin nasal trivalent contre le Covid-19 et plusieurs variants (Voir PNAS). Les premiers essais sur l'animal ont montré que l'immunité à vie contre la rougeole et les oreillons conférée par le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) se traduirait probablement par une protection prolongée contre le Covid-19 chez les personnes vaccinées avec le sérum contre le MMS (contre la rougeole, les oreillons et le SRAS-CoV-2). Ce vaccin trivalent protégerait contre la souche initiale du SRAS-CoV-2 et au moins deux variants, le variant delta, associé à un risque accru de forme grave, et l'omicron BA.1, très contagieux.
Testé chez l’animal, ce vaccin intranasal a déclenché une forte réponse en anticorps neutralisants ainsi qu’une protection dans les zones des muqueuses tapissant le nez et les poumons, prévenant ainsi des symptômes de la maladie. Ce vaccin MMS pourrait donc également devenir une nouvelle arme de choix pour prévenir efficacement une future pandémie de Covid-19, d’autant plus que les trois virus composant le vaccin peuvent être rapidement modifiés en cas d’apparition d’un nouveau variant pathogène. Il faut enfin souligner que l’arrivée de ce vaccin polyvalent, sous forme de spray nasal, permettrait d’améliorer sensiblement, en raison de sa facilité de conservation et d’utilisation, la couverture vaccinale dans les pays en développement, ce qui serait un atout décisif pour mieux contrer une future pandémie mondiale provoquée par un coronavirus ou un autre virus respiratoire.
On le voit, en moins de trois ans, notre connaissance scientifique du virus Covid-19, de ses effets systémiques multiples et de ses modes de transmission, a fait des pas de géants, et nous sommes à présent bien mieux armés si, comme on peut malheureusement le craindre, cette pandémie se transforme en épidémie saisonnière et si d’autres pandémies planétaires, provoquées par de nouveaux virus, se déclenchent.
Nous savons également, il est toujours utile de le rappeler, que les vaccins présents et à venir, en dépit de leur efficacité toujours plus grande et de leur adaptabilité inhérente à la technologie ARN, ne permettront une protection large et puissante de nos populations que s’ils sont associés, dès l’apparition d’une éventuelle pandémie, au triptyque combinant le port du masque et la distanciation sociale, dans tous les espaces fermés ou fortement peuplés, sans oublier l’usage systématique du gel hydroalcoolique qui freine considérablement la propagation des virus. A cet égard, je crois que le message est bien passé et j’observe avec satisfaction que le port du masque est spontanément revenu dans de nombreux commerces, transports et lieux publics, sans que les pouvoirs publics aient eu besoin de le rendre à nouveau obligatoire.
Espérons que notre pays saura tirer toutes les leçons – en matière d’organisation sanitaire, de prévention, de gestion numérique et de recherche – de cette pandémie inédite depuis la grippe espagnole de 1918-1919, qui avait tué au moins 50 millions de personnes dans le monde. Sans céder au catastrophisme, nous devons rester vigilants et accepter l’idée que nous allons devoir vivre durablement avec ce virus et que d’autres agents pathogènes peuvent nous frapper. Nous devrons alors être prêts et mettre en œuvre tous les nouveaux moyens dont nous disposons pour faire barrage, le plus tôt possible, à cette nouvelle menace capable de déstabiliser profondément nos sociétés…
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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