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La commission européenne présente sa proposition de directive sur la brevetabilité des logiciels

La Commission européenne a présenté le 20 février une proposition de directive concernant la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur. Il s'agit d'harmoniser les droits nationaux des brevets en ce qui concerne la brevetabilité des inventions mettant en oeuvre un logiciel. De telles inventions peuvent d'ores et déjà être brevetées par l'Office européen des brevets (OEB) ou les offices nationaux des brevets, mais les modalités précises de la brevetabilité varient. Les entraves aux échanges de produits brevetés dans le marché intérieur resteront réelles tant que certaines inventions pourront être brevetées dans certains États membres et non dans d'autres. La proposition de directive sera présentée au Conseil de l'UE et au Parlement européen pour adoption au titre de la procédure de co-décision. "L'industrie européenne doit évoluer dans un environnement juridique favorable à l'innovation sans pour autant entraver la concurrence. La sécurité juridique nous commande de savoir ce qui peut être et ce qui ne peut pas être breveté" a déclaré Frits Bolkestein, membre de la Commission chargé du marché intérieur. "La directive assurera cette sécurité en définissant un cadre clair et uniforme en matière de brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur. Erkki Liikanen, membre de la Commission chargé de la société de l'information et des entreprises a déclaré que "la proposition de directive est un pas important pour assurer que les brevets d'invention mettant en oeuvre un logiciel sont réellement au service de la promotion de l'innovation". "Il est impératif de sauvegarder la portée et la qualité des brevets. Un juste équilibre est atteint dans un domaine où les divergences d'opinion sont manifestes". La proposition de la Commission est basée sur la pratique existante et doit permettre aux auteurs de nouvelles inventions mises en oeuvre par ordinateur de tirer profit de leur créativité. Les brevets représentent une incitation à investir dans le temps et le capital nécessaires. En même temps, la proposition doit éviter d'entraver la concurrence, de bloquer les petites entreprises ou de freiner le développement de logiciels interopérables. La proposition réalise cet équilibre en distinguant plusieurs types d'inventions. Les inventions dont la mise en oeuvre implique l'usage d'un programme informatique et qui offrent une "contribution technique" - en d'autres termes, qui contribuent à l'état de la technique dans le domaine technique - pourront être brevetées. Les programmes informatiques en tant que tels ne pourront pas être brevetés selon la proposition, ni les méthodes pour l'exercice d'activités économiques ("business methods") qui sont fondées sur des idées technologiques existantes et les appliquent, par exemple, en matière de commerce électronique. Ces programmes continueront, le cas échéant, d'être protégés par le droit d'auteur ou le régime de confidentialité. Les brevets et le droit d'auteur sont des outils complémentaires pour la protection de la propriété intellectuelle. En principe, dans le domaine de la technologie de l'information, la distinction opérée implique que le droit d'auteur protège les programmes informatiques originaux (y compris les manuels d'utilisation) contre la copie illicite, alors que les brevets peuvent servir à protéger les idées techniques et principes sous-jacents.

Contribution technique

Le principe de base de la proposition est que le concept de "contribution technique" est le critère fondamental de toute invention brevetable. Cette doctrine est conforme à la jurisprudence établie au fil des ans par l'OEB et les États membres. Elle implique qu'une invention mise en oeuvre par ordinateur qui représente une "contribution technique" à l'état de la technique dans un domaine technique, qui n'est pas évidente pour une personne du métier, est plus qu'un programme informatique "en tant que tel" et peut donc être brevetée. Le critère de la "contribution technique" s'inscrit parfaitement dans le cadre de la convention sur le brevet européen et les engagements internationaux de l'UE. Ce critère de la "contribution technique" a été établi par la jurisprudence. La proposition de directive, en assurant la transparence et la sécurité juridique, doit instaurer un environnement favorable à la protection et à la promotion de l'innovation. En même temps, il sera démontré de façon absolue que les créations dont l'élément innovateur n'est pas de nature technique, c'est-à-dire qui n'apportent aucune contribution technique, ne sauraient être brevetées. La proposition répond ainsi aux préoccupations exprimées sur le fait que le droit européen des brevets pourrait être étendu à des domaines de l'activité humaine qui sont jusqu'à présent exclus, en particulier les méthodes pour l'exercice d'activités économiques et des entités mathématiques ou des concepts de base logiques sans rapport avec le monde matériel.

Les exemples suivants sont des cas concrets de "contribution technique":

Une invention par laquelle un appareil radiographique est commandé par une unité de traitement de données assurant un équilibre optimal entre les spécifications fonctionnelles contradictoires;

Une invention par laquelle la vitesse de traitement d'un ordinateur est augmentée par une nouvelle méthode non évidente;

Une invention portant sur la communication entre des systèmes indépendants qui implique un niveau d'intervention faisant appel à des qualifications techniques (dépassant celles normalement requises d'un programmeur) et devant être réalisé avant le début de la programmation en tant que telle.

Par ailleurs, toute invention qui ne porte que sur la nature des données et sur la mise en application particulière des données n'offre pas de contribution technique et ne peut donc pas être brevetée. La simple informatisation d'une méthode ou d'une technique déjà connue ou l'application informatique d'une méthode pour l'exercice d'activités économiques ou d'une méthode similaire (comme un nouveau modèle mathématique permettant de suivre les cotations en bourse) ne pourront pas non plus être reconnues comme des inventions brevetables.

Selon la proposition, un brevet pourra en principe couvrir des activités inventives et des principes sous-jacents d'éléments particuliers d'un progiciel. Tout comme une pièce complexe d'un matériel physique tel qu'une automobile ou un réfrigérateur, le bon fonctionnement d'une application logicielle dépend de nombreux éléments différents dont quelques-uns seulement sont brevetables. Sur ce point, la protection par le brevet se distingue fondamentalement de la protection par le droit d'auteur. Si le droit d'auteur protège le code entier d'un système d'exploitation, d'un jeu ou d'un élément d'un logiciel de gestion contre la copie, la distribution et l'usage illicites, un brevet ne saurait couvrir que des éléments spécifiquement brevetables.

Exclusion des programmes "en tant que tels"

La proposition ne permettra pas de breveter les programmes informatiques "en tant que tels", c'est-à-dire abstraction faite de la machine qui les exécute. Elle s'écarte sur ce point de la pratique suivie jusqu'à présent par l'OEB et certains tribunaux nationaux. La proposition répond ainsi la crainte que la brevetabilité des programmes informatiques "en tant que tels" pourrait effacer la distinction entre la portée de la protection par le droit d'auteur et la protection par le brevet et que, une fois mis en oeuvre, les brevets comprenant de telles revendications serviront à prévenir la décompilation et d'autres activités jugées licites au regard des programmes informatiques déjà protégés par le droit d'auteur.

La proposition engagera la Commission à suivre l'incidence des inventions mises en oeuvre par ordinateur et à présenter au Parlement et au Conseil un rapport sur la mise en oeuvre de la directive dans les trois ans à compter de sa transposition par les États membres. Cette clause de sauvegarde essentielle permettra d'opérer les ajustements nécessaires.

Rapport juridique avec l'OEB

La directive n'aura aucun effet juridique direct sur l'Office européen des brevets. Cependant, dès que la directive aura été mise en oeuvre, la Commission envisagera les mesures nécessaires pour résoudre les conflits éventuels apparus dans le cadre de la convention sur le brevet européen. Cette procédure a déjà été suivie précédemment (dans le cadre de la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques) sans difficulté particulière. En tout état de cause, les brevets européens, dès qu'ils seront délivrés, seront assujettis au droit national de sorte que tout brevet délivré après l'entrée en vigueur de la directive qui serait non conforme à ses dispositions devra être modifié en conséquence (ou être révoqué).

Commission européenne :

http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guesten.ksh?

Le texte intégral de la proposition de directive :

http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/fr/indprop/index.htm

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