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Comme les humains, les abeilles ordonnent les nombres de gauche à droite
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La capacité des humains à spatialiser des nombres, en mettant les plus petits à gauche et les plus grands à droite, a longtemps été attribuée aux humains de par l’influence de l’apprentissage de l’écriture et la lecture. Une nouvelle étude, menée par Martin Giurfa, professeur à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier au Centre de recherches sur la cognition animale du Centre de biologie intégrative (CRCA/CBI – CNRS/UT3), vient de démontrer que des invertébrés témoignent aussi de cette même représentation spatiale des nombres, qui serait ainsi inhérente aux espèces possédant un cerveau à 2 hémisphères latéralisés.
Lorsque des humains, ainsi que certains autres vertébrés, sont confrontés à des quantités numériques, ceux-ci les ordonnent de façon spatiale, spécifiquement de gauche à droite en ordre croissant. Par exemple, dans un exercice de pointage de nombres avec la main gauche et droite simultanément, nous sommes plus rapides en signalant de petites quantités avec la main gauche alors que des grandes quantités sont signalées plus rapidement avec la main droite. Cette représentation spatiale des nombres s’appelle la ligne mentale numérique (LMN) et son existence a longtemps été sujette à débat car elle a été attribuée à des facteurs culturels comme l’apprentissage de la lecture et l’écriture, de gauche à droite, dans les cultures occidentales.
A l’inverse, dans les cultures où elles se font de droite à gauche, la LMN est atténuée. Après avoir passé plusieurs années dans une culture occidentale, l’effet LMN émerge chez ces mêmes individus. Néanmoins, d’autres travaux montrent que les nouveau-nés humains et certains vertébrés, comme les oiseaux, ordonnent les nombres selon une LMN, suggérant ainsi une composante innée dans cette représentation numérique spatiale. Un article inédit publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences, mené par Martin Giurfa et impliquant également des chercheurs des universités de Lausanne et de Padoue1, vient apporter une réponse à ce débat : la LMN est présente aussi chez les abeilles.
Pour obtenir ce résultat, des abeilles en libre vol étaient entraînées à obtenir une solution sucrée dans une boîte affichant sur une paroi verticale une image avec un nombre d’items déterminés, dont la nature - mais pas le nombre - variait régulièrement (cercles, carreaux, triangles). Après s’être habituées à la quantité affichée, elles étaient confrontées à deux images identiques affichant le même nombre d’objets à droite comme à gauche. Des abeilles entraînées à la valeur 3 étaient testées face à des images avec 1 seul objet, présentées sur leurs deux côtés, puis avec une image affichant une valeur de 5, avec le même procédé.
Les abeilles ainsi testées avec ces quantités nouvelles ont préféré aller sur l’image de la valeur 1 à leur gauche et celle de 5 à leur droite. Les résultats de ce travail ont montré que le positionnement d’un nombre dans la LMN est relatif à un nombre de référence. Ainsi des abeilles entraînées à 1 préfèrent 3 à droite alors que des abeilles entrainées à 5 préfèrent 3 à gauche. « Le fait de démontrer l’existence d’une LMN chez les abeilles est un élément clé pour le débat sur ses origines », selon Martin Giurfa. « Il parait difficile de rester sur une argumentation purement culturelle, même si, chez l’homme, ce facteur peut atténuer la LMN ou au contraire la renforcer ».
Les résultats obtenus par Martin Giurfa et ses associés mettent en évidence la convergence des stratégies de traitement numérique - notamment l’association entre l’espace (droite, gauche) et les quantités - qui existent entre des cerveaux de différentes complexités comme ceux de l’homme et des abeilles malgré leurs différences évolutives importantes. La LMN parait être inhérente à des systèmes nerveux latéralisés, tels que ceux de l’homme et de l’abeille, où des hémisphères cérébraux diffèrent dans leur traitement d’informations selon la nature de celles-ci : fréquences et/ou quantités, par exemple.
Cette asymétrie cérébrale, qui se produit chez un large éventail de vertébrés et d’invertébrés, peut être donc à la base de la LMN chez de très nombreuses espèces. « Ces travaux nous montrent à nouveau que les êtres humains ne sont pas si spéciaux et différents d’autres créatures vivantes dans certaines capacités cognitives, y compris dans le cas des abeilles que nous avons tendance à considérer ‘simples’. Ces résultats devraient donc aider à changer notre regard sur les espèces avec lesquelles nous partageons notre environnement, et nous amener à adopter des pratiques plus responsables pour préserver cet environnement et leur survie », conclut le professeur de neurosciences.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
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