Le changement climatique entraînera une augmentation des séismes
- Tweeter
-
-
0 avis :
Chaque année à travers le monde, plusieurs dizaines de séismes majeurs se produisent. Ces événements peuvent causer la mort de centaines de milliers de personnes, comme récemment en 2010 (226 000 décès) et 2004 (227 000 décès). Les tremblements de terre sont déclenchés lors d’un glissement abrupt le long d’une faille – une fracture – dans la croûte terrestre, c’est-à-dire les premiers kilomètres sous nos pieds. Ce glissement survient lorsque les contraintes sur la faille dépassent un seuil de rupture, notamment en raison des mouvements des plaques tectoniques. Mais depuis quelques années, un sujet de recherche émerge parmi la communauté scientifique : le changement climatique causé par les activités humaines pourrait-il influencer les séismes ?
« La perturbation causée par les activités humaines est tellement intense et étendue qu’elle est marquée à l’échelle de toute la planète, on parle même d’Anthropocène », souligne Christophe Larroque. « L’impact sur la sismicité nous questionne ». Marco Bohnhoff commente : « Le sujet est nouveau et il y a très peu de groupes de recherche qui travaillent dessus, mais l’attention est croissante ». En mai dernier, Marco Bohnhoff et ses collègues résument dans un article les connaissances actuelles : pendant plusieurs décennies et siècles, les activités humaines vont modifier l’horloge sismique des failles, déclenchant un nombre croissant de petits et grands tremblements de terre. En clair : sur les failles au bord de la rupture, prêtes à glisser et à générer un séisme, le changement climatique pourra être l’élément déclencheur, accélérant donc la survenue du séisme.
Il est désormais clair que la météo influence les séismes. En 2020, la France est balayée par la tempête Alex, qui génère de très importants cumuls de pluie dans le Sud-Est, jusqu’à 600 mm en moins de 24 heures. Dans les 100 jours suivants, 188 séismes de magnitude 2 au maximum – une magnitude trop faible pour être ressentie par la population – sont enregistrés dans la vallée de la Tinée, dans le parc national du Mercantour. « C’est une observation significative : en trois mois dans cette zone, nous avons enregistré autant de séismes que nous en avions eu en 5 ans », pointe Christophe Larroque.
Les premières observations de l’influence de la météo sur la sismicité remontent au début des années 2000. En France, en 2002, après des précipitations aussi intenses que lors de la tempête Alex, une augmentation de l’activité sismique est enregistrée dans les mois qui suivent dans l’ouest de la Provence. En 2005, une série inhabituelle de 47 séismes est enregistrée en l’espace seulement de 12 heures dans le centre de la Suisse, suite à des précipitations intenses (300 mm de pluie en 3 jours). Autre exemple : au Népal, une équipe relève un nombre de séismes plus faible en été (-37 %) qu’en hiver, suggérant ainsi un effet de la mousson sur la sismicité.
Les exemples concernent aussi d’autres événements météo. Par exemple, la Californie est marquée par une alternance de saisons sèches et humides lors desquelles la neige et l’eau s’accumulent dans les montagnes, les lacs et réservoirs. Il a été montré que cette saisonnalité modifie les taux de sismicité dans la région. Et en Turquie, les oscillations du niveau de la mer de Marmara – associées à la variation des saisons – sont aussi corrélées avec le nombre de séismes. « Jusqu’à présent, les séismes corrélés avec des événements météorologiques sont essentiellement de faible magnitude – cela n’exclut pas d’éventuels séismes de magnitude plus forte dans le futur », précise Christophe Larroque. « Cela pose de vrais challenges d’observation puisqu’il faut déployer un réseau d’enregistrement sismologique de bonne qualité pour enregistrer précisément ces petits séismes. Ces dernières années, l’amélioration et la multiplication des réseaux sismologiques a permis d’améliorer notre compréhension. »
Quels mécanismes expliquent cette corrélation entre la météo et la sismicité ? « Plusieurs processus sont en jeu, il est compliqué de les discriminer », répond Christophe Larroque. Concernant la tempête Alex, Christophe Larroque et ses collègues viennent de publier une analyse inédite, à la croisée de différentes disciplines. « Nous avons relocalisé précisément les séismes, retracé leur migration au cours du temps, et modélisé différentes hypothèses pour comprendre les processus en jeu », retrace Christophe Larroque. Ainsi, l’équipe montre que la pluie a généré une surpression de fluide qui s’est propagée en profondeur – on parle d’un front de pression – jusqu’à déstabiliser une faille déjà sous contrainte. La faille s’est alors mise à glisser (de façon asismique) jusqu’à déclencher de petits essaims de séismes.
Il faut bien comprendre que de petites variations des contraintes peuvent suffire à déclencher des séismes. Si le front de pression généré par la tempête Alex est à l’origine de la sismicité inhabituelle dans la région, les événements météorologiques peuvent modifier localement les contraintes par d’autres mécanismes. Une étude s’est intéressée aux effets du typhon Morakot à Taïwan en 2009. Les précipitations intenses ont provoqué plus de 10 000 glissements de terrain et un transport très important de roches et sédiments dans les rivières. Ces déplacements de masses en surface ont augmenté les contraintes sur les failles, expliquant la hausse importante de la fréquence des séismes superficiels durant deux ans et demi après le passage du typhon. Autre exemple : en Californie, les variations saisonnières de la sismicité sont liées principalement aux contraintes générées par le poids de l’eau accumulée en surface pendant la saison humide.
Or, tous ces événements météorologiques sont, et encore plus à l’avenir, influencés par le changement climatique lié aux activités humaines. La hausse des températures à la surface de la Terre provoque une fonte rapide des calottes glaciaires, augmente l’intensité des précipitations extrêmes et des cyclones, ainsi que le niveau global des mers. Tous ces changements de surface modifient localement les contraintes sur les failles.
Dans la péninsule coréenne, l’étude des tremblements de terre au cours des derniers 650 000 ans met en évidence une corrélation entre la sismicité et la fin des différentes périodes glaciaires : à chaque déglaciation, la fonte des glaces provoque une hausse rapide du niveau marin et une augmentation de l’activité sismique dans la région. Alors que le niveau marin global s’est déjà élevé de 0,2 m depuis 1901 et pourrait atteindre 1 m de plus d’ici 2100, les conséquences pourraient être importantes. Certains estiment qu’une hausse de 1 m pourrait augmenter la pression sur l’ensemble des océans (soit 70 % de la surface du globe) de façon suffisante pour déclencher des séismes sur de nombreuses failles déjà proches de la rupture.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash
Noter cet article :
Vous serez certainement intéressé par ces articles :
Un générateur d’eau atmosphérique capable de produire 20 litres par jour
On estime que 700 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, soit 9 % de la population mondiale. Un nouveau procédé, inventé par des ingénieurs américains de l’Utah, propose de produire ...
Réduire de 80 % les émissions de CO2 liées au ciment...
Sous la direction de Karen Scrivener, responsable du Laboratoire des matériaux de construction de l'EPFL à la Faculté des sciences et techniques de l'ingénieur, une équipe de chercheurs s'est ...
Le dérèglement climatique coûtera bien plus que prévu
Selon une étude du prestigieux centre de recherche climatique de Potsdam, les conditions météorologiques extrêmes –résultat du dérèglement climatique d’origine anthropique –, qui ravagent les ...
Recommander cet article :
- Nombre de consultations : 0
- Publié dans : Climat
- Partager :