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Edito : Cellules-souches : ne fermons aucune voie de recherche !
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Marc Peschanski, directeur de recherche Inserm et de l'Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques (Istem), a annoncé le 31 mars les résultats remarquables obtenus par son équipe dans une forme de myopathie, la maladie de Steinert, grâce à l'emploi de cellules souches embryonnaires humaines (Voir communiqué de l’INSERM).
La dystrophie de Steinert est la plus fréquente des myopathies de l'adulte. Elle touche quelques milliers de personnes en France. Elle est caractérisée par une fonte ainsi qu'une lenteur anormale de la décontraction des muscles, ce qui désorganise les mouvements, et par une atteinte de très nombreux autres organes. Les patients souffrent de troubles du rythme cardiaque, de cataracte, d'anomalies endocriniennes, de troubles cognitifs et du sommeil... À ce jour, il n'existe pas de traitement.
"En comparant tous les gènes qui s'exprimaient dans ces cellules et en les comparant aux gènes de cellules identiques mais non atteintes, nous avons réussi à identifier 15 gènes anormaux", explique le chercheur. "Puis nous en avons sélectionné un qui intervenait particulièrement dans la croissance des prolongements des neurones moteurs en direction des muscles. C'est ainsi que nous avons découvert que les cellules malades faisaient pousser à profusion et de façon anarchique des prolongements alors que ceux des cellules saines étaient beaucoup moins nombreux, bien organisés et donc capables d'établir des connexions fonctionnelles avec les muscles."
Au niveau moléculaire, les chercheurs ont identifié deux gènes de la même famille, SLITRK 2 et 4, dont l’expression était très faible du fait de la maladie. La correction de ces défauts moléculaires jusqu’alors inconnus mais, depuis, confirmés chez les patients, induisait celle des anomalies neuro-musculaires, et démontrant le lien direct entre les deux phénomènes.
Aucune autre approche expérimentale n’aurait permis aujourd’hui d’élucider ces mécanismes, en particulier parce qu’il n’existait pas de moyen d’accéder à des neurones moteurs humains porteurs de la maladie, explique Cécile Martinat, chargée de recherche à l’Inserm. Il n’existait pas a fortiori de moyen de produire de telles cellules en quantité, alors que cela est essentiel aux approches qui ont permis ici de déchiffrer les mécanismes en jeu."
Aujourd’hui, ces travaux ouvrent un champ d’exploration considérable. Des dizaines de lignées cellulaires issues d’embryons porteurs d’autres maladies génétiques diverses sont disponibles dans les banques de cellules des laboratoires. Parmi ces maladies, les équipes d’I-Stem sont déjà lancées, par exemple, sur la maladie de Huntington ou la neurofibromatose de type 1… Ces multiples lignées sont autant de programmes de modélisation pathologique à venir.
Les équipes d’I-Stem ont déjà entrepris d’utiliser les cellules porteuses de la dystrophie myotonique de Steinert qu’elles ont caractérisées pour chercher des médicaments susceptibles de corriger les anomalies en laboratoire, premier pas vers la découverte éventuelle de traitements applicables chez les patients. Cette étape, dite de "criblage de médicaments", ouvre sur l’analyse parallèle de plusieurs dizaines de milliers de composés pharmacologiques par semaine.
S'appuyant sur cette avancée majeure qui aurait été impossible dans l'utilisation de cellules-souches embryonnaires, Marc Peschanski a souligné avec force la nécessité de légaliser, dans la future loi de bioéthique actuellement examinée par le Parlement, l'usage des cellules souches embryonnaires humaines lorsqu'il est établi, et c'est ici le cas, que seule l'utilisation de ces cellules souches embryonnaires peut permettre des percées majeures en matière de nouveaux traitements. Ce chercheur de renommée mondiale a rappelé à juste titre que trois essais avec des cellules souches embryonnaires ont déjà commencé chez l'homme aux États-Unis (le premier concerne les victimes de traumatismes de la moelle épinière, les deux autres des maladies de la rétine). "Il serait vraiment dommage de se priver, en France, d'un outil scientifique et potentiellement thérapeutique si prometteur pour des raisons purement idéologiques", a conclu Marc Peschanski.
Les réticences de nature éthique liées à l'utilisation des cellules-souches embryonnaires sont tout à fait respectables et compréhensibles et il faut souhaiter que les progrès de la biologie permettent, comme cela est déjà le cas pour certaines recherches, de se passer de plus en plus de ce type de cellules issus d'embryons humains. Mais aujourd'hui, l'honnêteté intellectuelle et scientifique doit nous conduire à admettre le fait qu'il est impossible, pour l'instant, de se passer totalement des cellules-souches embryonnaires si nous voulons opérer de véritables ruptures thérapeutiques pour traiter certaines affections graves qui restent à ce jour incurables et souvent mortelles. En outre, rendre pratiquement impossible l'utilisation des cellules souches embryonnaires en maintenant un régime général d'interdiction, tout en restreignant de manière excessive les possibilités de dérogation permettant l'utilisation de ce type de cellules, aboutirait à pénaliser de manière dramatique et durable la recherche française dans des domaines tout à fait stratégiques où notre pays en en pointe.
Comme l'ont rappelé dans un communiqué commun il y peu de temps plusieurs chercheurs de haut niveau, ne confondons pas rigueur éthique et aveuglement idéologique et espérons que cette remarquable avancée scientifique et biologique, saluée par l'ensemble de la communauté scientifique internationale, permettra d'infléchir la réflexion et d'éclairer le débat en cours et débouchera sur la définition d'un cadre légal et éthique largement consensuel qui ne ferme a priori aucune voie de recherche et permette de nouvelles avancées rapides et décisives en matière de thérapie cellulaire.
René Trégouët
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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sourire
8/04/2011C'est un travail très intéressant et très bien réalisé.
C'est bien dommage que cette recherche, si lourde, n'ait pas été faite avec des cellules utiles pour le traitement des malades. Cela limite son intérêt immédiat.
En effet, ce sont des cellules embryonnaires humaines que Marc Peschanski utilise couramment. Il fait d'ailleurs une campagne intensive pour défendre leur rôle maintenant que le Sénat doit donner son avis éclairé.
Mais malheureusement ces cellules ont plusieurs inconvénients. Un de ceux-ci consiste dans le fait d'utiliser des embryons humains pour les obtenir, et par conséquent leur utilisation a une valeur éthique bien discutable. Mais cela n'est pas l'objet central de notre critique.
Les cellules humaines embryonnaires ont fait leur temps, entre autre à cause de leur pluripotentialité, c'est-à-dire de leur capacité à engendrer plusieurs types de cellules. Ce qui a permis de constater qu'elles pouvaient engendrer des cellules tumorales. Par la suite on a donc préféré pousser la recherche vers des voies plus sûres toujours avec l'optique d'applications thérapeutiques. C'est pourquoi on a préféré depuis quelques années l'utilisation de cellules souches humaines adultes et, si possible, prélevées chez le patient lui-même.
Le travail de Marc Peschanski, d'ailleurs fort intéressant, présente des limites liés à l'utilisation de cellules inappropriées aux traitements. Le soin des malades est actuellement derrière toute recherche médicale. Certaines techniques actuelles sophistiquées sont très bien connues et appliquées dans le laboratoire de Marc Peschanski, cependant à l'extérieur de notre pays, et aussi dans certains de nos laboratoires de pointe, ces recherches sont effectuées avec des cellules souches humaines provenant de sujets adultes et prélevées si possible sur le même malade à étudier et à soigner ! Par conséquent le futur est devant nous, et il ne faut pas croire aux chimères du retard de la recherche…….
Les cellules embryonnaires humaines n'ont jamais été utilisées en thérapeutique bien que cultivées depuis fort longtemps, à cause de la crainte d'engendrer des tumeurs. Par contre, les cellules souches adultes, bien que connues plus récemment, sont déjà utilisées en thérapie humaine.
Même pour la recherche médicamenteuse, certaines industries pharmaceutiques préfèrent actuellement éviter l'utilisation de cellules embryonnaires malgré le fait qu'elles soient bien plus faciles à entretenir. Elles n’ont pas tout à fait les phénotypes des cellules de sujet adulte