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Edito : A cause de la loi, le déploiement de la fibre optique va prendre beaucoup de retard

Une décision, fort néfaste pour le déploiement de la fibre optique, donc du très haut débit dans notre Pays, vient d'être prise par le Gouvernement et le Parlement.

En effet, nos gouvernants refusant le principe du déploiement de plusieurs réseaux de fibres optiques dans les montées de tous les immeubles de France (le câble portant un réseau de fibres optiques desservant tout un immeuble n'est pas plus gros que le fil du téléphone, et n'est pas plus compliqué à mettre en place que ce câble téléphonique...) ont clairement choisi la régulation et repoussé une réelle concurrence.

Quelles vont être les conséquences d'une telle décision ?

Les opérateurs du très haut débit (France Télécom, Free, Neuf, Numéricable) qui voudront desservir leurs clients en FTTH vont devoir demander la convocation de plusieurs millions d'Assemblées Générales de copropriétaires dans toute la France pour avoir l'autorisation expresse de ces assemblées de pouvoir tirer leur petit câble de fibres optiques dans les montées d'escalier.

Cela, au bas mot (et à quel coût ?) va ralentir de 2 à 3 ans le déploiement du FTTH dans notre Pays.

Bien entendu, j'entends déjà les puristes me rétorquer que les parlementaires ont bien fait de défendre le « droit de propriété », et qu'il n'était pas imaginable qu'un opérateur puisse déployer un câble dans une montée d'immeuble, sans en avertir préalablement tous les copropriétaires. Sur le fond, ces personnes bien intentionnées ont raison mais peuvent-elles me dire combien d'A.G. ont été convoquées en leur temps, lorsque les prédécesseurs de France Télécom ont mis en place le téléphone dans les immeubles ?

Ce qui a été bon en son temps pour le téléphone n'est soudain plus bon pour la fibre optique, alors que les câbles portant l'un ou l'autre se ressemblent étrangement !

Et puis, si ces défenseurs du droit sont si pointilleux, pourquoi alors n'ont-ils pas adhéré à la proposition qui a été faite par certains parlementaires de s'appuyer sur ce droit de propriété et d'autoriser le remplacement dans les immeubles câblés (cela représente quand même plus de 9 millions de foyers en France) du câble coaxial par un câble de fibres optiques. En effet, dans les années 1980-1990, les A.G. de copropriétaires avaient été systématiquement consultées pour le déploiement du câble (les puristes du droit de propriété étaient déjà vigilants à cette époque, mais demandez aux acteurs du déploiement d'alors des réseaux câblés, combien cette simple mesure les a retardés...).

Les propriétaires de ces réseaux câblés avec du câble coaxial ont en main des conventions signées avec les propriétaires, qui n'ont pas de limite dans le temps, les autorisant à déployer leurs réseaux dans les montées d'immeubles.

Légitimement, pour moderniser leurs installations, ces propriétaires de réseaux câblés (qui, eux aussi, peuvent arguer de droits en ayant acquis ces réseaux...) avaient l'intention de remplacer ces câbles coaxiaux en cuivre par des fibres optiques.

La loi vient de leur retirer ce droit !

Ceci voudrait dire que, dorénavant, tout propriétaire d'un réseau (que ce soit le réseau d'eau, le réseau électrique, le réseau de chaleur, etc...) dans un immeuble, qui voudrait remplacer un tuyau d'acier par un tuyau de cuivre, par exemple, devra en demander l'autorisation à l'A.G. des copropriétaires ?

Certains (mal intentionnés !) me rétorqueront que remplacer un câble coaxial par un câble de fibres optiques n'est pas de même nature que le remplacement d'un tuyau en acier par un tuyau en cuivre, parce que les services apportés par les fibres optiques seront bien supérieurs aux services apportés par le coaxial.

J'écoute leurs arguments, mais alors, pourquoi n'ont-ils rien dit lorsqu'il y a quelques années, France Télécom a dû remplacer dans de très nombreux immeubles la vieille paire torsadée de fils de cuivre destinée uniquement à porter le téléphone par une nouvelle paire torsadée apte à porter l'ADSL, en plus du téléphone ? Et pourtant là, en portant le téléphone, la paire torsadée apporte maintenant la télévision, Internet, et... le téléphone. N'y avait-il pas là, et déjà, un sacré changement de nature dans le type de services rendus ? Et pourtant, personne n'a rien dit...

Mais revenons-en au droit nouveau que va imposer la Loi dans le déploiement de la fibre optique dans les immeubles.

Si, pour une raison ou une autre, la Loi qui vient d'être votée par le Parlement n'était pas modifiée, je peux affirmer que ce texte avantage outrageusement les gérants d'immeubles. En effet, lorsqu'un opérateur aura besoin de déployer de la fibre optique dans un immeuble pour desservir en FTTH ses clients, il devra préalablement, je l'ai déjà dit, s'adresser à l'A.G. des copropriétaires pour obtenir l'autorisation de procéder à cette installation. L'A.G. aura six mois pour répondre.

Mais, ce qui est le plus fantastique, c'est qu'au bout de 6 mois, l'A.G. pourra répondre négativement à l'opérateur en lui apprenant que les copropriétaires ont décidé de faire construire eux-mêmes ce réseau de fibres optiques, et que l'opérateur devra obligatoirement utiliser ce réseau.

Si un second opérateur désire, lui aussi, déployer le FTTH dans cet immeuble, il saura qu'il devra dorénavant passer sous les fourches caudines des copropriétaires, puisque ceux-ci, s'appuyant sur la Loi qui vient d'être votée, pourront exiger que tous les opérateurs utilisent un réseau unique : le leur !

Ainsi, à une époque où chacun ressent que la concurrence est le principal moteur de la mise en place d'un monde nouveau, surtout dans le domaine des technologies, l'Etat Français vient de créer un nouveau monopole. Quelle erreur !

Les conséquences seront les mêmes que celles constatées dans les années 1980 (mais nous sommes maintenant en 2008 !) lors de la construction des réseaux câblés en Allemagne, où le même droit de construction de ces réseaux à l'intérieur des immeubles avait été attribué aux propriétaires.

Un quart de siècle plus tard, tous les observateurs allemands avouent que cette mesure fut une profonde erreur. Les propriétaires d'immeubles se sont rapidement organisés pour « racketter » les opérateurs, sans parler des nombreux problèmes techniques posés.

En France, le régulateur affirme qu'il n'en sera rien, et qu'il aura tout à fait la capacité de réguler les prix dans les immeubles, comme il l'a fait pour l'ADSL.

La situation n'est pas du tout la même. Dans le cas de l'ADSL, et si nous parlons de la propriété des infrastructures, il n'y a qu'un seul interlocuteur : France Télécom, alors que pour les immeubles, il y en aura des millions. Et le but inavoué des ces gérants d'immeubles sera de soutirer un maximum d'argent à ces sociétés de télécommunications qui sont si riches... Je pense que l'ARCEP doit se préparer à multiplier ses effectifs pour répondre aux centaines de milliers de lettres d'interventions qui lui seront adressées.

Je le dis et je le répète, seule la concurrence est efficace pour le consommateur.

Ce n'est pas parce que la concurrence par les services s'est montrée très efficace dans le déploiement de l'ADSL qu'il faut essayer de simplement la dupliquer pour le déploiement de la fibre optique.

L'ADSL, chacun le sait, est une technologie transitoire qui s'éteindra dans 5 à 8 ans. Par contre, les travaux développés dans les laboratoires du Monde entier le confirment, la fibre optique se met en place pour au moins un siècle !

Aussi, ne pas laisser le marché décider librement de la concurrence qu'il veut instaurer dans le déploiement de ces réseaux de fibres optiques serait une erreur profonde.

Depuis la création de l'image 3D dans des studios jusqu'à la vision de cette image 3D dans l'appartement de l'abonné, partout la concurrence s'exprimera.

Le seul goulot d'étranglement (organisé par la loi) dans cette longue chaîne de distribution du très haut débit serait la montée d'immeubles. Un droit exorbitant serait alors attribué aux gérants d'immeubles.

Cette situation ne sera pas tenable !

René Trégouët

Sénateur honoraire du Rhône

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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