Vivant
Du carbone pour venir à bout des tumeurs
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Entre les deux photos, le contraste est saisissant. Sur celle de gauche, une jeune femme au visage à demi paralysé par une énorme tumeur cancéreuse ne parvient même plus à ouvrir son oeil droit. Le mal est si profond que l'on a peine à croire que c'est encore elle qui pose, six semaines plus tard, sur le cliché de droite. La jeune femme est méconnaissable. Ses deux yeux sont grands ouverts, son regard pétille, sa tempe droite est dégonflée : tous les symptômes qui lui donnaient une allure de boxeur groggy ont disparu. « Cette patiente, âgée de 23 ans, mène aujourd'hui une existence normale », se félicite le docteur Gerhard Kraft, directeur du département de biophysique au GSI, le centre de recherche sur les ions lourds basé à Darmstadt, en Allemagne.
Créé en 1969, cet établissement, qui s'est rendu mondialement célèbre en découvrant six nouveaux éléments chimiques, travaille depuis dix ans sur l'utilisation des ions lourds, et notamment du carbone, dans le traitement de certains types de cancers. Les ions sont des atomes qui ont perdu un ou plusieurs de leurs électrons. Au GSI, les physiciens sont capables de les accélérer jusqu'à atteindre 90 % de la vitesse de la lumière (environ 300 000 kilomètres par seconde) en les faisant tourner dans un gigantesque anneau aimanté de 216 mètres de circonférence.
Par rapport à la radiothérapie classique, qui fait appel aux rayons X, les faisceaux d'ions lourds ont l'avantage de détruire avec une très grande précision des tumeurs cancéreuses situées à des profondeurs comprises entre 12 et 18 centimètres sous la peau. Le tout sans irradier les tissus sains ou sensibles (nerf optique, moelle épinière) situés en surface ou à la périphérie, et sans engendrer d'effets secondaires. « Nous employons des noyaux de carbone 12, c'est-à-dire des ions de carbone dépourvus de leurs six électrons », explique Hand Gutbrod, l'un des responsables du GSI, qui précise que « le faisceau parcourt en une fraction de seconde 50 000 kilomètres dans nos installations avant d'atteindre la tumeur avec une précision de seulement 1 millimètre ».
D'où la nécessité d'immobiliser parfaitement le patient sur une table, la tête enserrée dans un casque de protection spécialement moulé. Les trois sortes de tumeurs traitées à Darmstadt sont en effet localisées dans le crâne, parfois à la base du cerveau, et sont, de ce fait, inopérables. Il s'agit de chondromes, de chondrosarcomes et de carcinomes adénoïdes cystiques (CAC). Une séance d'irradiation dure 15 minutes en moyenne et autant pour la préparation. L'opération est répétée vingt fois à raison d'une séance quotidienne. Depuis 1997, date du début des recherches menées au GSI, 350 patients ont été soignés avec des taux de réussite exceptionnels. « Quatre ans après le traitement, 100 % de nos patients atteints de chondrosarcomes n'ont plus de tumeur », souligne Gerhard Kraft. L'équipe du GSI travaille sur d'autres cancers, comme ceux de la prostate, du foie ou du poumon, en veillant à corriger la trajectoire du faisceau de manière à « suivre » les mouvements cardiaques ou respiratoires du patient et épargner ainsi les tissus sains.
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- Publié dans : Médecine
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