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Un canon laser capable de dévier la foudre sur des dizaines de mètres

Des essais menés au sommet du Säntis ont montré l'efficacité du paratonnerre laser développé depuis plusieurs années par un consortium européen comprenant notamment l'Université de Genève, l'EPFL et la HEIG-VD. Il est capable de dévier la foudre sur plusieurs dizaines de mètres. Jusqu'à présent, le paratonnerre traditionnel demeurait la protection la plus efficace contre la foudre. Il protège une surface dont le rayon est environ égal à sa hauteur. Toutefois, la hauteur des mâts n'étant pas extensible à l'infini, ce système n'est pas optimal pour protéger des sites sensibles occupant un large territoire, tels qu'un aéroport, un parc éolien ou une centrale nucléaire.

Pour y remédier, un consortium piloté par l'Université de Genève (UNIGE) et l'Ecole polytechnique (Paris) – en partenariat avec l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), TRUMPF scientifique lasers, ArianeGroup, la société AMC et la Haute école d'ingénierie et de gestion du canton de Vaud – a développé le "Laser Lightning Rod" (LLR), un paratonnerre fonctionnant grâce à un laser infrarouge. En générant des canaux d'air ionisé, celui-ci a permis de guider la foudre le long de son faisceau. Pointé dans le prolongement d'un paratonnerre traditionnel, il peut en augmenter la hauteur et ainsi la surface protégée : « Cet air ionisé, appelé plasma, devient conducteur électrique », explique Jean-Pierre Wolf, professeur ordinaire au Département de physique appliquée de l'UNIGE.

Le chercheur travaille depuis vingt ans sur cet appareil "unique au monde". Il pourrait servir à protéger des sites sensibles occupant un large territoire, comme les aéroports, des parcs éoliens ou encore des centrales nucléaires. Le 24 juillet 2021, un ciel assez clair a permis à une caméra à grande vitesse de capturer le moment où un laser a courbé la trajectoire d'un éclair entre le ciel et un paratonnerre au sommet d'une tour. La foudre a suivi le trajet de la lumière laser sur une cinquantaine de mètres. Le LLR est large de 1,5 mètre, long de huit et pèse plus de trois tonnes. Il a été testé au sommet du Säntis, en Appenzell, à 2502 mètres d'altitude, au-dessus d'une tour émettrice de 124 mètres appartenant à l'opérateur Swisscom, munie d'un paratonnerre traditionnel. Il s'agit de l'une des structures les plus touchées par la foudre en Europe.

Le laser a été activé lors de chaque prévision d'activité orageuse, entre juin et septembre 2021. Au préalable, la zone a dû être interdite au trafic aérien. L'objectif était d'observer s'il existait une différence avec ou sans le laser. Il a fallu près d'une année pour éplucher la quantité colossale de données récoltées. Cette analyse démontre aujourd'hui que le LLR est capable de guider la foudre efficacement.

« Nous avons constaté, dès le premier événement, que la décharge pouvait suivre sur près de soixante mètres le faisceau laser avant d'atteindre la tour, faisant ainsi passer le rayon de la surface de protection de 120 à 180 mètres », se réjouit Jean-Pierre Wolf. « Et il n'y a aucun doute qu'on peut faire beaucoup mieux », dit-il. L'analyse des données démontre également que le LLR, contrairement à d'autres lasers, fonctionne même dans des conditions météorologiques difficiles, en perçant littéralement les nuages. Ce résultat n'avait été jusque-là observé qu'en laboratoire. En outre, la consommation de l'engin est "raisonnable", de l'ordre de celle d'une cuisinière électrique, note encore le Professeur Wolf : « S'agissant de flashes lasers très brefs, on peut atteindre avec peu d'énergie des puissances-crêtes très élevées », souligne le spécialiste. Pour le consortium, il s'agit maintenant d'augmenter la hauteur d'action du laser. L'objectif, à terme, est notamment de parvenir à prolonger de 500 mètres un paratonnerre de dix mètres.

RTS

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