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Cancer de la prostate : un traitement prometteur
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Angers, la photothérapie est expérimentée pour traiter ces tumeurs sans chirurgie.
Le bloc opératoire ultramoderne est plongé dans la pénombre. Le Professeur Abdel-Rahmène Azzouzi, le chirurgien, a fait réduire l'intensité lumineuse pour la phase finale de l'intervention. Pendant plus d'une heure, l'urologue angevin a préparé son patient en positionnant une à une 14 fibres optiques dans sa prostate, sous contrôle échographique. L'homme, âgé de soixante ans, est atteint d'un cancer très localisé de cette glande. Et il bénéficie d'une toute nouvelle technique de traitement, la photothérapie dynamique. Destinée uniquement aux tumeurs peu évoluées de la prostate, cette stratégie qui se pratique sous anesthésie générale est en cours d'évaluation au CHU d'Angers et dans quelques dizaines d'autres centres dans le monde.
Couché sur le dos, les jambes en l'air, le patient toujours inconscient vient d'être chaussé de lunettes teintées et recouvert d'une couverture de survie. Tout est maintenant prêt pour l'étape cruciale de la thérapie, qui nécessite de le protéger des rayons lumineux environnants. Dans quelques instants, l'anesthésiste va lui injecter dans les veines un produit photosensibilisant, autrement dit qui rend son organisme sensible à la lumière. Les fibres optiques implantées dans un lobe de sa prostate seront ensuite activées par un rayon laser d'une longueur d'ondes très précise. La combinaison photosensibilisant-laser génère des molécules instables dérivées de l'oxygène, qui vont thromboser les vaisseaux au niveau de la zone tumorale. L'objectif de ce traitement ciblé est d'asphyxier le cancer, sans enlever la prostate. Le risque de séquelles sexuelles ou urinaires, fréquent lors des prostatectomies ou après radiothérapie, est ainsi réduit.
160 patients déjà opérés
Comme toute la procédure, la dernière phase se déroule avec une précision extrême. Le produit, appelé Tookad (R) Soluble, est administré en dix minutes, avec un débit calculé automatiquement par un système de seringue électrique. Quant à l'illumination laser, elle est programmée pour durer vingt-deux minutes et quinze secondes. Pour l'observateur, rien de spectaculaire. Le précieux photosensibilisant, un liquide rouge et visqueux, reste invisible. La seringue et la tubulure ont été soigneusement emmaillotées dans du papier aluminium. L'activation des fibres optiques n'est pas non plus perceptible sous le champ opératoire.Une demi-heure plus tard, l'opération est terminée. Elle a duré au total à peine deux heures. Le patient va rester quelques heures en salle de réveil, toujours dans la pénombre, puis regagnera sa chambre, en gardant les lunettes protectrices jusqu'au coucher du soleil. La sortie de l'hôpital est prévue le lendemain, avec reprise rapide des activités quotidiennes.
Pour le Professeur Azzouzi, c'est déjà presque de la routine. Sur les quelque 160 patients ainsi opérés dans le monde, presque 70 sont passés entre ses mains, dont une soixantaine à Angers. Mais le cadre est très strict. Le malade opéré ce matin-là participe à une étude dite de phase III, qui a démarré en juin en Europe dans 45 centres. Treize d'entre eux se situent en France, coordonnés par le Professeur Azzouzi qui assure la formation de ses confrères d'autres CHU. Au total, 400 patients atteints d'une forme localisée de cancer de la prostate seront inclus, la moitié sera traitée par photothérapie dynamique, l'autre moitié aura un protocole de surveillance active, avec dosages réguliers de l'antigène prostatique (PSA) et biopsies. Si les résultats, jugés à deux ans, sont positifs, le photosensibilisant pourrait être commercialisé dans les prochaines années, permettant une diffusion de la technique dans les hôpitaux. Lors de l'essai précédent, portant sur 155 cas, 83 % avaient des biopsies négatives avec six mois de recul, et la grande majorité d'entre eux (80 %) avaient conservé une fonction érectile. La proportion est de 50 % après chirurgie ou radiothérapie.
Potentiel médico-économique
Cette aventure de la photothérapie dynamique a commencé il y a une dizaine d'années à l'Institut Weisman en Israël, où des chercheurs ont mis au point le Tookad à partir d'une algue. Rapidement, la combinaison photosensibilisant/laser a commencé à être testée dans plusieurs cancers, prostate mais aussi poumon ou vésicule biliaire. Le Professeur Azzouzi l'a lui découverte en Angleterre, chez le Professeur Emberton, pionnier en Europe pour la prostate. «J'ai tout de suite perçu le potentiel de la photothérapie dynamique, sur le plan technique mais aussi médico-économique, raconte ce jeune chef de service. C'est une technique simple et reproductible si besoin chez le patient. La sortie de l'hôpital est possible dès le lendemain.»
Aujourd'hui, selon lui, développer des traitements moins agressifs des cancers de la prostate est une priorité. Avec l'augmentation constante du dépistage par PSA (qui fait toujours débat), de plus en plus de ces tumeurs sont découvertes à un stade précoce. «Dans les années 1990, les cancers dits à bas risque représentaient 25 % des tumeurs de la prostate, aujourd'hui, c'est la moitié, et la proportion va encore augmenter dans les années à venir, souligne le chirurgien. Actuellement, il y a encore trop de prostatectomies radicales. Les techniques ciblées ne sont pas une stratégie d'éradication, mais de cohabitation.»
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- Publié dans : Médecine
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