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Cancer du pancréas : une piste sérieuse pour relancer les défenses antitumorales
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Notre système immunitaire est théoriquement capable de reconnaître et de détruire une cellule cancéreuse. Pourtant, ce mécanisme peut être insuffisant pour empêcher l’apparition d’une tumeur ou conduire à sa destruction. Associé à des traitements anticancéreux, il joue néanmoins un rôle crucial dans la lutte contre la maladie. Chez certains patients, des médicaments spécifiques – on parle d’immunothérapies – peuvent intensifier leurs défenses naturelles et renforcer cette activité antitumorale : une approche qui permet de traiter très efficacement différents cancers comme ceux du sein, du poumon ou de la peau.
Malheureusement, dans le cancer du pancréas le plus fréquent, l’adénocarcinome canalaire pancréatique (ADCP), l’immunité antitumorale est très faible et les immunothérapies sont peu efficaces. C'est pourquoi ce cancer reste à mauvais pronostic, avec un taux global de survie cinq ans après le diagnostic de 12 % : « Cette maladie donne initialement peu de symptômes. Elle est donc souvent diagnostiquée très tardivement. La tumeur est en outre infiltrée par de très nombreux fibroblastes, des cellules de soutien qui forment un tissu dense autour des cellules cancéreuses, ce qui limite la pénétration des médicaments et des cellules immunitaires. Par ailleurs, ces fibroblastes sécrètent des facteurs immunosuppressifs et favorisent l’expansion de cellules capables d’inhiber nos défenses antitumorales», énumère Ilaria Cascone, chercheuse à l’Institut Mondor de recherche biomédicale à Créteil.
Au sein de l’équipe Immunorégulation et biothérapies, elle a exploré le rôle de ces Treg avec José Cohen. Spécialiste de l’immunologie, ce dernier connaît bien cette population cellulaire dont il a contribué à décrire le rôle, notamment dans le cadre de la leucémie : « Normalement, les Treg nous sont très utiles. Ils sont par exemple capables de stopper l’activation de notre immunité contre les infections une fois celles-ci contrôlées, ou encore d’éviter que des cellules immunitaires se retournent contre nos propres tissus et conduisent à l’apparition d’une maladie auto-immune », explique-t-il. Mais dans la leucémie, il a montré que les Treg jouent un rôle délétère en inhibant la réponse immunitaire antitumorale : « Ces cellules portent un récepteur membranaire, TNFR2, qui leur est indispensable pour freiner les lymphocytes T CD8, des cellules immunitaires capables de détruire les cellules cancéreuses. Lorsque TNFR2 est bloqué grâce à un anticorps thérapeutique, les Treg sont inhibés et les lymphocytes T CD8 peuvent entrer en action ». Grâce à ce travail, de nouvelles approches ont pu être développées pour traiter la leucémie. « Avec Ilaria, ils ont voulu savoir si un processus équivalent existait dans le cancer du pancréas. »
De précédentes études avaient déjà montré que les tumeurs pancréatiques étaient caractérisées par une abondance de Treg et une rareté des lymphocytes T CD8 dans le microenvironnement tumoral. Dans un premier temps, les deux scientifiques et leur équipe ont compilé les données disponibles pour confirmer que les Treg étaient très nombreux dans l’environnement des cellules cancéreuses pancréatiques et qu’ils exprimaient fortement TNFR2. Ils ont ensuite étudié ce qu’il se passait dans des modèles murins de la maladie, obtenus par injection de différentes lignées de cellules d’adénocarcinomes canalaires pancréatiques dans le pancréas des animaux. « Nous avons observé un fort recrutement de Treg au niveau de la tumeur, avec une forte expression de TNFR2. Les lymphocytes T CD8 étaient quant à eux plus rares et présentaient des marqueurs d’épuisement, c’est-à-dire qu’ils étaient incapables de produire une réponse immunitaire efficace », commente le chercheur.
Chez ces mêmes animaux, l’équipe a ensuite testé l’efficacité d’un anticorps anti-TNFR2 pour enrayer ce processus : le nombre de lymphocytes T CD8 a augmenté et, parmi eux, le nombre de cellules qui étaient épuisées a diminué. L’amélioration observée était suffisante pour ralentir la croissance de la tumeur, mais pas pour la détruire totalement. Afin de renforcer ce processus, les chercheurs ont associé l’anticorps anti-TNFR2 à une molécule qui stimule un autre récepteur : CD40. Testé en combinaison, l’agoniste CD40 renforce l’effet clinique de l’anticorps anti-TNFR2 : la survie des souris est prolongée par rapport celle des animaux traités par une seule des deux molécules.
« Ces résultats sont très encourageants car le modèle expérimental développé chez la souris mime assez fidèlement ce qui se déroule en clinique chez l’humain », précise José Cohen. Par ailleurs, un anticorps anti-TNFR2 est en cours d’évaluation clinique chez des patients avec des tumeurs solides avancées et l’utilisation de molécules agonistes du CD40 a donné des résultats prometteurs dans le traitement de mélanomes et de cancers du pancréas avancés. Cela veut dire qu’il pourrait être rapidement envisagé de tester notre approche dans la cadre d’essais cliniques ».
Inserm actualité du 5-12-2024 : https://www.inserm.fr/actualite/cancer-du-pancreas-une-piste-serieuse-pour-relancer-les-defenses-antitumorales/
Article d'origine du BMJ du 19-11-2024 : https://jitc.bmj.com/content/12/11/e008898
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- Publié dans : Biologie & Biochimie
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