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Cancer : une nouvelle piste pour lutter contre la formation des métastases

Beaucoup de cancers deviennent difficile à soigner à cause de l’apparition de métastases, des tumeurs dites « secondaires » qui se développent à distance de la tumeur primaire. Des cellules cancéreuses peuvent en effet quitter cette dernière en empruntant les vaisseaux sanguins ou lymphatiques qui l’irriguent, puis en ressortir au niveau d’autres organes et coloniser ces nouveaux territoires. À Strasbourg, l’équipe de Jacky Goetz, directeur de recherche Inserm, étudie les détails de ce phénomène afin de découvrir les meilleurs moyens de le contrer. Ses derniers résultats identifient une piste thérapeutique potentielle, avec une cible moléculaire et des molécules capables de bloquer son activité. Dans le modèle expérimental du poisson-zèbre, cette approche diminue la capacité des cellules cancéreuses à s’organiser pour quitter la circulation sanguine pour atteindre de nouveaux organes.

Jacky Goetz et ses collaborateurs s’intéressent de longue date à la façon dont les cellules tumorales réussissent à s’extirper des vaisseaux sanguins. Ce n’est pas une chose aisée car elles doivent pour cela traverser l’endothélium, la couche de cellules qui tapisse la face interne des vaisseaux et veille à l’imperméabilité du système vasculaire en contrôlant les échanges entre le sang et les tissus environnants. Certaines cellules cancéreuses peuvent se déformer pour réussir à franchir cette paroi, mais de précédents travaux de l’équipe strasbourgeoise ont montré qu’elles sont entre outre capables d’embrigader des cellules endothéliales afin de se créer une route de sortie. Les cellules cancéreuses peuvent en effet conduire celles de l’endothélium à former des protrusions qui, tels de petits bras, vont les entourer jusqu’à les isoler entièrement de l’intérieur des vaisseaux, pour finalement les libérer dans les tissus adjacents.

Pour mieux comprendre comment l’endothélium se remodèle au contact des cellules tumorales, l’équipe a exploré les mécanismes moléculaires qui contrôlent la forme des cellules endothéliales et ce qu’il en advient en présence de cellules tumorales. Sous la supervision du chercheur Inserm Naël Osmani, les scientifiques se sont plus particulièrement penchés sur les modifications de l’agencement des molécules d’actine, l’un des principaux composants du squelette qui donne leur forme aux cellules. Lors d’expériences conduites chez des poissons-zèbres, ils ont observé que lorsque des cellules cancéreuses s’arrêtent dans la circulation sanguine, la paroi vasculaire s’active localement et le squelette d’actine des cellules endothéliales se remodèle. Ils ont ensuite noté que la sortie (ou « extravasation ») des cellules tumorales était fortement diminuée lorsqu’ils empêchaient la réorganisation de l’actine. Enfin, ils ont montré que contrairement aux cellules tumorales, des billes inertes ne sont pas en mesure d’induire le remodelage de l’endothélium. Ce dernier point souligne l’importance d’un dialogue chimio-biologique entre les cellules cancéreuses et endothéliales au cours de ce processus.

Toujours dans le modèle du poisson-zèbre, l’équipe a ensuite cherché à comprendre la séquence d’activation qui mène au remodelage endothélial. Elle s’est notamment intéressée aux échanges d’ion calcium (Ca2+), connu pour jouer un rôle important dans la signalisation cellulaire et notamment dans l’organisation du squelette des cellules. Et en effet, il est apparu que l’arrêt des cellules tumorales dans le système vasculaire conduit à une augmentation de l’entrée de Ca2+ dans les cellules endothéliales adjacentes. Les échanges de Ca2+ entre les cellules et leur environnement sont régulés par différents canaux présents dans la membrane cellulaire, qui agissent telles des portes d’entrée sélectives, tantôt ouvertes, tantôt fermées. En bloquant certains de ces canaux calciques avec une molécule déjà utilisée dans le traitement de l’hypertension artérielle ou en prévention des angines de poitrine, la nifédipine, les scientifiques ont obtenu une diminution de l’entrée des ions calciums dans les cellules endothéliales, en particulier dans celles en contact avec les cellules tumorales arrêtées. Cet effet s’est accompagné d’une réduction de la réorganisation de l’actine et de l’extravasion des cellules tumorales.

L’ensemble de ce travail indique donc que des cellules tumorales peuvent induire une entrée de calcium dans les cellules endothéliales, conduisant à la réorganisation de leur squelette. Il en résulte un remodelage de la paroi vasculaire qui permet aux cellules tumorales de quitter la circulation sanguine pour s’établir dans les tissus adjacents. La bonne nouvelle est que, au moins chez le poisson-zèbre, l’utilisation d’un inhibiteur des échanges calciques peut bloquer ce processus… et donc la formation ultérieure de métastases. 

Inserm actualité du 6-02-2025 : https://www.inserm.fr/actualite/cancer-une-nouvelle-piste-pour-lutter-contre-la-formation-des-metastases

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