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Edito : Cancer : l'horizon s'éclaircit enfin !
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Dans la guerre implacable contre le cancer, la médecine continue à marquer des points décisifs chaque jour, comme le montrent l’ensemble des études et annonces scientifiques présentées récemment, dans le cadre de la conférence annuelle de l'Association américaine de cancérologie (ASCO), qui a eu lieu en juin, et du Congrès de la société européenne d’oncologie qui vient de s’achever à Vienne, en Autriche.
Comme l’a souligné la Professeure Sylvia Adams, porte-parole officielle de l'ASCO (Société Américaine d’Oncologie clinique) : «Les essais cliniques en cours concrétisent enfin les espoirs de la médecine personnalisée et ciblée qui va permettre de proposer au patient un traitement sur mesure en fonction du profil génétique de sa tumeur ».
Le président de l'ASCO, le professeur Michael Link (Université de Stanford), souligne, quant à lui que : « Nous sommes en train d’entrer dans une nouvelle ère en médecine du cancer grâce à la possibilité prochaine de connaître la signature moléculaire et génétique de chaque tumeur ».
Parmi les principales avancées récentes présentées au cours de ces deux grandes réunions scientifiques, il faut citer le T-DM1, mis au point par le groupe suisse Roche. Le T-DM1 appartient à la nouvelle famille des « anticorps conjugués » qui est appelé à révolutionner la cancérologie selon de nombreux spécialistes.
Le T-DM1 permet de « doper » un anticorps à l’aide d’une molécule anticancéreuse. L’anticorps va alors pénétrer dans la cellule malade et libérer sa « bombe » qui détruira de manière très efficace la cellule cancéreuse. Utilisé pour traiter des femmes atteintes d'un cancer du sein agressif (HER2-positif), ce nouveau vecteur a permis un gain de survie sans progression de la tumeur de plus de 50 %.
Compte tenu de l'efficacité thérapeutique des anticorps conjugués, cette étude laisse entrevoir la possibilité à terme de traiter le cancer du sein sans chimiothérapie systémique.
Après les anticorps monoclonaux, ces anticorps conjugués sont en train de bouleverser la prise en charge des cancers. Un premier anticorps conjugué, le brentuximab-véditine, a déjà été autorisé récemment pour le traitement de certains lymphomes et plusieurs représentants de cette nouvelle famille médicamenteuse sont en cours d'essais cliniques.
Dans le traitement difficile du mélanome (un cancer de la peau), l’utilisation combinée de deux nouveaux agents de ciblage moléculaire, le Dabrafenib et le Trametinib, a permis de réduire de 70 % le risque de progression pour le mélanome avancé. Ces molécules permettent de bloquer simultanément l’expression de deux gènes BRAF et MEK, fortement impliqués dans ce cancer.
Cette avancée est de taille quand on sait que, selon l’Organisation mondiale de la santé, les cas de mélanomes doublent environ tous les 10 ans. En France, on enregistre 6 000 nouveaux cas par an qui se traduisent par 1 000 décès annuels, notamment dus au fait que les cellules malades finissent par développer une résistance aux différentes molécules anticancéreuses.
Du côté de l’immunothérapie et des vaccins thérapeutiques, les progrès se poursuivent également. Des chercheurs allemands dirigés par le professeur Ingo G. Schmidt-Wolf du Centre d'oncologie de Bonn, en Allemagne, ont montré l’efficacité d’un vaccin thérapeutique sur des patients atteints d'un cancer du rein.
Sur dix patients atteints d'un cancer du rein et traités par ce vaccin, sept sont toujours en vie et l'évolution de la maladie s'est stabilisée après 14 mois de traitement. Une deuxième étude clinique est actuellement en cours de préparation. Depuis 5 ans, les durées de survie de patients atteints d'un cancer du rein ont sensiblement progressé pour atteindre près de quatre ans en moyenne, grâce à des thérapies ciblées.
Il faut aussi signaler un nouveau traitement, le Zytiga, qui permet de ralentir la progression des cancers métastasés de la prostate chez des malades pour lesquels les thérapies hormonales sont devenues inefficaces.
Autre annonce faite à Vienne : chez les patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules et qui expriment le gène ALK, l'utilisation du crizotinib permet de doubler la durée de la survie sans progression et de multiplier par 3 le taux de réponse au traitement (66 contre 20 %).
Dans ces recherches de pointe contre le cancer, la France tient toute sa place, comme le montrent plusieurs annonces scientifiques récentes. Une étude menée par des chercheurs de l'Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers) a permis la mise au point d'un nouveau système de ciblage thérapeutique qui permet d’acheminer un puissant agent anticancéreux vers les cellules malades qui sont alors détruites sélectivement (Voir article "Cancer : un mollusque marin révolutionne le ciblage vectoriel").
Une autre découverte française, publiée il y a quelques semaines, suscite de grands espoirs. Il s’agit d’une nouvelle molécule active contre les métastases grâce à un nouveau mécanisme, baptisé Liminib et élucidé par des chercheurs de l'Institut Marie-Curie et du CNRS (Voir article "Une nouvelle molécule anticancéreuse très prometteuse !").
Enfin, une autre équipe du CNRS et de l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg a réussi à utiliser la redoutable capacité de multiplication du virus du sida, le VIH, pour transformer ce virus en vecteur thérapeutique très efficace contre le cancer. Par ce moyen ingénieux, il devient possible d’obtenir la même efficacité de certains médicaments anticancéreux en réduisant d’un facteur 100 les doses administrées ! (Voir article).
Mais une question se pose : ces progrès continus dans la lutte contre le cancer se traduisent-ils concrètement par une baisse de la mortalité pour les malades ? La réponse est oui !
Fin 2011, l'Anses et l'INCa ont en effet confirmé la baisse globale de la mortalité par cancer au niveau mondial, si l'on tient compte de l'augmentation et du vieillissement de la population de la planète. On estime en effet que la mortalité globale par cancer (En tenant compte de l'évolution démographique) dans le monde a diminué de 22 % depuis 30 ans chez les hommes et de 14 % chez les femmes.
Aux Etats-Unis, le rapport publié début 2012 par l'organisation américaine contre le cancer montre qu'un million de décès ont été évités aux Etats-Unis depuis le début des années 1990 grâce à la baisse du nombre de cancers, en particulier du sein, du poumon, de la prostate et du colon. Reprenant les données du Département Américain de la Santé, cette étude souligne qu'entre 1990 et 2008, la mortalité par cancer a diminué de 23 % chez les hommes et de 15 % chez les femmes.
Depuis 10 ans, cette baisse de la mortalité par cancer se situe en moyenne à 1,8 % par an chez les hommes et à 1,6 % par an chez les femmes. Deux cancers ont vu leur mortalité connaître une baisse spectaculaire : le cancer du poumon qui représente 40 % dans la baisse de la mortalité chez les hommes et le cancer du sein, qui représente 34 % dans la baisse de la mortalité chez les femmes.
Cette tendance se retrouve au niveau européen puisque, selon une étude publiée en mars 2012 par le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois de Lausanne et publiée dans la revue spécialisée Annals of Oncology, la mortalité par cancer devrait régresser de 10 % pour les hommes et de 7 % pour les femmes. Tous les types de cancer sont concernés sauf ceux du pancréas et du poumon. Les cas de décès dus à toutes les formes de cancer chez les hommes devraient diminuer en 2012 (Voir article).
Une autre étude publiée dans les « Annales d’Oncologie » montre que la mortalité par cancer gastrique a chuté de 50 % dans l'Union européenne depuis 1980, sous l'effet d'une modification des habitudes alimentaires et d'une diminution sensible des infections bactériennes par Helicobacter Pylori. La mortalité par cancer de l'estomac est ainsi passée de 18,6 à 9,8 décès pour 100.000 chez les hommes et de 8,9 à 4,6 décès pour 100.000 chez les femmes (Voir article).
Cette diminution globale de la mortalité par cancer en Europe est d'autant plus remarquable que l'incidence des cancers (le nombre de nouveaux cas par an) a augmenté de 25 % depuis 10 ans en Europe, notamment sous l'effet du vieillissement de la population (les deux tiers des cancers surviennent après 65 ans).
En France, on constate également une baisse sensible et continue de la mortalité par cancer depuis une trentaine d'années, comme le confirme l'important rapport conjoint publié fin 2010 par l'Inserm et l’Institut national du cancer. Ce rapport souligne qu'en moyenne, on constate chaque année 148 000 décès par cancer (dont 88 000 chez l’homme et 60 000 chez la femme) en France sur la période 2003-2007 (Voir rapport).
Or, cette étude montre clairement que le taux de mortalité par cancer tous âges, quels que soient l’âge et le type de tumeur, a nettement régressé entre la période 1983-1987 et celle qui couvre 2003-2007. Chez les hommes, le taux de mortalité a diminué de 22 %, passant de 208,7 à 162,6 décès pour 100 000 hommes et chez les femmes, ce taux de mortalité a diminué de 14 %, passant de 92,8 à 79,9 décès pour 100 000 femmes.
Cette tendance très encourageante devrait se poursuivre dans les années à venir, si l'on en croit une étude britannique qui vient d'être publiée par le centre national britannique de recherche sur le cancer (Voir article "La mortalité par cancer va continuer à diminuer dans les pays développés").
Selon cette étude, le taux de mortalité par cancer en Grande-Bretagne devrait diminuer de 17 % d'ici 2030, y compris pour certains des cancers parmi les plus meurtriers : cancer du poumon, du sein, de l'estomac, de la prostate et de l'ovaire notamment. Pour la France, la baisse de mortalité par cancer devrait également se poursuivre, selon les spécialistes, sur un rythme comparable à celui prévu en Grande-Bretagne.
L’ensemble de ces données et de ces chiffres qui se recoupent, démentent formellement les affirmations et discours catastrophistes parfois véhiculés par les medias et l’Internet qui prétendent que la lutte contre le cancer piétine et que la mortalité par cancer n’a pas régressé de manière significative au cours de ces dernières décennies.
Dernier aspect de cette maladie qui a été longtemps occulté, le cancer représente également un coût économique et social considérable pour la collectivité. Selon une vaste étude présentée à l'occasion du congrès de la Société Européenne d’Oncologie à Vienne, le cancer coûterait au total (dépenses directs et indirectes) 124 milliards d'euros par an à l’Union européenne, soit près de 240 euros par Européen.
Cette étude, unique en son genre, prend en compte les coûts directs des soins, des médicaments et de la recherche et les coûts indirects liés au manque à gagner économique entraîné par la mortalité prématurée de malades.
Pour la France, ce coût serait de 91 euros par habitant mais il pourrait bien être beaucoup plus important, si l’on en croit l’étude réalisée en 2007 par l’INCA et qui chiffrait à 29 milliards d’euros (12 milliards pour les soins et la recherche et 17 milliards pour les coûts économiques indirects), le coût total du cancer dans notre pays, soit environ 445 euros par habitant ou encore 1 100 euros par foyer !
Il est frappant de constater que la plupart de ces avancées majeures dans la lutte contre le cancer auraient été tout simplement inconcevables sans le recours à la bioinformatique qui permet, en associant médecins, biologistes, chimistes, informaticiens et mathématiciens, d’exploiter l’énorme puissance de calcul à présent disponible dans les superordinateurs pour isoler les quelques molécules, protéines ou gènes impliqués dans ces recherches parmi des milliards d’éléments.
La modélisation et la simulation informatiques permettent également de gagner un temps précieux dans la compréhension des mécanismes moléculaires et génétiques complexes du cancer et dans la conception des nouveaux médicaments qui sont en train de changer la donne pour beaucoup de malades.
Il est capital de poursuivre et de favoriser cet effort de coopération transdisciplinaire qui, seul, peut permettre l’émergence des nouveaux concepts dont la science a besoin pour venir à bout de cette maladie redoutable.
Enfin, une étude d’opinion réalisée au niveau européen et présentée au congrès de cancérologie qui vient de s’achever à Vienne doit nous faire réfléchir. Cette étude montre clairement que l’opinion publique européenne, dans sa grande majorité, continue à considérer que le cancer est majoritairement provoqué par des facteurs ne dépendant pas de nos choix de vie, comme la pollution, la génétique ou encore les ondes électromagnétiques…
En revanche, l’importance des facteurs qui relèvent de notre seule volonté, comme le tabac, l’alcool, les mauvaises pratiques alimentaires ou la sédentarité, est systématiquement minimisée !
Malheureusement, cette croyance tenace ne résiste pas à l’analyse scientifique rigoureuse et, s’appuyant sur de nombreuses études épidémiologiques, l’immense majorité de la communauté scientifique est d’accord pour affirmer que les facteurs de risques relevant de nos choix de vie jouent un rôle plus important en matière de cancers que l’ensemble des facteurs ne dépendant pas de notre volonté.
Il faut rappeler inlassablement, même si ce discours n’est pas toujours agréable à entendre, que, quels que puissent être les remarquables progrès de la médecine, nous ne vaincrons pas cette terrible maladie si nous ne prenons pas pleinement conscience de l’impact de notre conduite personnelle sur notre santé.
Il appartient donc à chacun d’entre nous, en toute connaissance de cause, de prendre ses responsabilités car seule l’alliance d’une prévention active et personnalisée et des avancées de la science et de la médecine permettra d’ici le milieu de ce siècle de gagner définitivement la guerre contre le cancer.
René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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- Publié dans : Médecine
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Jean Paul VIGNAL
13/10/2012Des bactéries intestinales impliquées dans le diabète de type 2 Mercredi, 10/10/2012 - 16:43
Monsieur le Sénateur,
J’apprécie beaucoup que vous ayez mentionné cette information dans votre toujours remarquable lettre, car je crois qu’elle est importante. Ce sujet m’intéresse beaucoup à titre personnel depuis de l’époque où je m’occupais de recherche sur les liens entre nutrition et santé à la Délégation aux Industries Agricoles et Alimentaires, vers la fin des années 70, car les chercheurs commençaient a entrevoir son importance dans le cadre d’une médecine préventive plus destinée à « produire » des gens en bonne santé qu’à soigner des malades.
En simplifiant à l’extrême, tant que l’on ne comprend pas comment une personne devient malade, la seule chose que l’on puisse faire en dehors d’invoquer les esprits ou des forces surnaturelles c’est se soigner ceux qui ont la malchance de l’être. Par contre, dès que l’on comprend la séquence qui déclenche la maladie, on peut tenter de la prévenir. L’exemple type est la vaccination.
Les connaissances dans d’autres domaines que celui des maladies infectieuses ont beaucoup progressé depuis une trentaine d’années grâce entre autres aux avancées spectaculaires de la biologie cellulaire et des « biotechnologies », et on commence à mieux comprendre comment fonctionne le système immunitaire, et en particulier sa coopération symbiotique avec la flore intestinale.
Or on sait que la nature de cette flore est largement influencée par l’alimentation, comme le montre la seconde partie de la présentation jointe. Ce qui veut dire que l’on peut faire une bonne médecine préventive et même dans certains cas curative, en agissant simplement sur l’alimentation : on imagine facilement que dès qu’on aborde ce genre de sujet médecins et pharmaciens crient à l’anti science essentiellement parce que, à l’exception des dentistes et des spécialistes du diagnostic, leur business model repose presque exclusivement sur le traitement des malades, pas sur celui des bien portants.
L’exemple américain est révélateur de cette situation : tout est fait pour produire du malade à la chaine (alimentation, stress, pollution…) et tout est fait pour les guérir à tout prix, quitte à recourir au chantage à la santé pour les maximiser. Les Etats Unis sont ainsi le pays on l’on dépense le plus pour la santé par tête d’habitant, mais aussi le seul pays développé où l’espérance de vie ne progresse plus, la production de malades progressant plus vite que la capacité à les soigner pour un prix économiquement supportable. Un tel modèle n’est évidemment pas soutenable à terme, et doit être amendé.
Il me semble que c’est la chance, le devoir et le privilège de l’agriculture et des industries alimentaires de contribuer par leur action à ce changement de paradigme, qui verra le système de santé passer d’un modèle essentiellement curatif, à un modèle dans lequel la prévention occupera une bien plus grande place. Il faudra pour cela que l’on cesse de céder aux pressions du lobby de la santé pour autoriser et financer les recherches sur les liens entre alimentation, flore intestinale et santé. Les travaux en cours sur le "microbiote intestinal" joueront un rôle important dans cette transition. C’est tout à l’honneur de votre lettre de les mettre en valeur.
Très sincèrement,
Jean-Paul Vignal
JP2 Consultants
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Tel: (940) 383-5851
Fax: (940) 484-4678