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Budget 2004 de la Recherche et des nouvelles technologies : Synthèse du rapport du Sénateur Trégouët

Le système français de recherche présente, par rapport aux exemples étrangers, des singularités rappelées, depuis plusieurs années par votre rapporteur : importance des financements publics et faiblesse relative, en contrepartie, des dépenses des entreprises, importance du rôle du CNRS et des grandes écoles, bonne maîtrise des technologies aéronautiques, spatiales et nucléaires... Dans l'ensemble, le modèle français, s'il possède donc des points forts, parmi lesquels celui d'assurer une couverture de l'ensemble des disciplines scientifiques traditionnelles, souffre aussi de sérieuses déficiences, outre l'insuffisante implication des entreprises ci-dessus évoquée, à savoir : le morcellement, la rigidité et le cloisonnement des structures de notre recherche ; la place encore trop modeste qu'occupent en son sein les universités, la valorisation qui laisse à désirer, de ses travaux ; ses orientations stratégiques, enfin, qui demandent à être mieux définies et évaluées. D'un point de vue financier, l'effort de recherche français depuis dix ans tend à diminuer à l'inverse de ce qui se produit dans les principaux pays de l'OCDE. Ceci n'est pas compensé par une amélioration de l'efficacité des dépenses mesurée en terme de parts de brevets et de publications. Le gouvernement, pour 2004, a choisi une croissance modérée mais appréciable, dans le contexte actuel, du budget de la recherche s'accompagnant de mesures nouvelles qui, sans remettre en cause la répartition des activités entre les différents organismes, sont ciblées, pour la plupart, sur les entreprises et les jeunes chercheurs. Les comparaisons internationales montrent que l'essentiel du rattrapage nécessaire pour combler notre retard et atteindre les objectifs européens fixés au sommet de Barcelone doit être effectuée par nos entreprises, comme les y invite le présent projet de loi de finances. Sur les dernières années nous pouvons constater une érosion globale de l'effort français de recherche. Avec 2,18% du PIB, la DIRD continue d'être inférieure à ce qu'elle est chez la plupart de nos concurrents et se situe en-dessous de la moyenne de l'OCDE (2,24 %). . En outre, la situation relative de la France s'est dégradée ces dix dernières années, sauf en ce qui concerne le nombre de chercheurs et notre infériorité vis-à-vis de l'Allemagne, qui s'est réduite en ce qui concerne le ratio DIRD/PIB. Les entreprises françaises finançaient en 2000 (étranger non compris), 52,5 % de la DIRD, pourcentage très inférieur à celui constaté au Japon (72,4 %), aux Etats-Unis (68,2 %) ou en Allemagne (66,1 %). Corrélativement, la part des administrations dans le financement des dépenses totales de recherche est naturellement plus importante dans notre pays comme le montre le tableau qui précède, ainsi que celui qui suit, s'agissant de pourcentages de PIB. Sans être déshonorants, les résultats de la recherche française ne sont pas particulièrement brillants et n'évoluent pas dans un sens très favorable. En 2002, selon l'office européen des brevets, le portefeuille de la France (6.853) ne représentait que 30 % de celui de l'Allemagne (21.039), soit environ 6% des brevets déposés en Europe. Dans la perspective de la réalisation des objectifs du sommet de Barcelone (3 % du PIB en 2010 dont 2 % par les entreprises) l'effort des entreprises doit prioritairement être accru (il n'est que de 1,37 % du PIB alors que le niveau de 1 % fixé pour les dépenses publiques est presque atteint). Il faut non seulement dépenser plus mais surtout dépenser mieux, à l'exemple de la Grande-Bretagne s'agissant de publications scientifiques. Le projet de loi de finances pour 2004, y compris son volet fiscal, accorde la priorité qu'elles méritent aux incitations aux dépenses de recherche des entreprises (notamment par le statut de la jeune entreprise innovante et les mesures relatives au crédit d'impôt recherche). L'encouragement au développement des fondations par la loi du 1er août 2003 paraît être, par ailleurs, un bon moyen d'inciter des fonds privés à s'investir dans la recherche. Au total, les ressources publiques disponibles pour le soutien à la R & D en 2004 seront supérieures à 9.500 millions d'euros. Dans ces conditions, que l'augmentation du total des moyens budgétaires consacrés à la recherche civile est la suivante :

-* BCRD (à périmètre constant) + 2,2 %

-* Nouveaux fonds + 1,7 %

-* Total des moyens + 3,9 %

Selon les pourcentages de progression des dépenses, en 2002 et 2003, l'ordre des priorités apparaît le suivant :

-* une baisse (de 2,9 %) des crédits (24 % du total des dépenses) des crédits pour les sciences du vivant, pourtant prioritaires, et pour les transports (- 8,7 %) ;

-* une accentuation très nette de l'effort en faveur des STIC (+ 15,5 %) de l'énergie et de l'environnement (+ 13,8 % et + 9,7 %), et, dans une moindre mesure (+ 9,9 %) pour les sciences fondamentales (mathématiques, physique, chimie) ;

-* la poursuite de la progression des dépenses en faveur des pays en voie de développement (+ 12,4 %) ;

-* un rattrapage au bénéfice des sciences humaines (+ 10,5 % en 2003, - 1,6 % en 2002) ;

-* une certaine reprise des dépenses spatiales et de défense (- 2,2 % et - 31 millions d'euros en 2002, + 0,8 % et + 11 millions d'euros en 2003).

Comme votre rapporteur le souligne chaque année, cinq très grands organismes accaparent près de 80 % des ressources considérées. A eux-seuls, le CNRS et le CNES consomment plus de la moitié des crédits du ministère.

Par ailleurs, les comparaisons annuelles devraient être effectuées par rapport aux crédits réellement consommés en 2003, exercice durant lequel :

-* 100 millions d'euros (en CP) et 108 millions d'euros (en AP) ont été annulés

-* et 103,5 millions d'euros de CP reportés.

Par rapport aux services votés de 2003, la dotation inscrite en loi de finances initiale pour 2004, progresse donc non pas de 1,8 % mais de 4,3 %. Ce budget 204 prévoit également des mesures en faveur des jeunes chercheurs. L'allocation de recherche doit être revalorisée de 4 % au 1er octobre 2004 et 200 nouveaux post-doctorants devraient être accueillis dans les organismes publics l'an prochain. Les sciences du vivant continuent d'être choyées par le ministère (30 % de son budget), mais un effort important est également consenti en faveur de l'espace (19 %). La France a pris, en effet, l'engagement, au sommet européen du 27 mai dernier, de porter sa contribution annuelle à l'Agence spatiale européenne de 640 millions d'euros en 2003 à 685 millions d'euros par an, à partir de 2004, jusqu'en 2009. Il faut par ailleurs souligner que beaucoup de mesures budgétaires ou fiscales importantes pour la recherche, dont votre rapporteur se réjouit, ne figurent pas dans ce budget, par exemple en ce qui concerne :

-* les jeunes entreprises innovantes (JEI) : allègement des charges sociales patronales (25 millions d'euros sur les crédits de l'industrie), avantages fiscaux (5 millions d'euros) ;

-* la réforme du crédit d'impôt recherche (+ 175 millions d'euros en 2005) ;

-* la création d'un nouveau fonds des priorités de recherche, doté de 150 millions d'euros provenant de recettes de privatisation et affecté au soutien aux fondations de recherche.

-* des avantages consentis aux nouvelles sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (article 64).

On peut espérer de ces dispositions, un accroissement des dépenses de recherche des entreprises privées.

Au niveau européen, un accord est intervenu le 26 mai 2003 concernant GALILEOSAT (constellation de satellites de positionnement) et, le lendemain, le conseil des ministres européens de l'espace réuni à Paris, a adopté quatre résolutions relatives :

-* à la restructuration du secteur des lanceurs Ariane (retour en vol d'Ariane 5, accès garanti à l'espace...) dont plus de la moitié est financée par la France ;

-* à la préparation des lanceurs du futur à l'horizon 2010, qui inclut l'installation, à Kourou, d'un pas de tir de la fusée Soyouz ;

-* au déblocage d'une participation au programme de la station spatiale internationale (ISS) ;

-* enfin, au développement des relations entre l'agence spatiale européenne (ASE) et l'Union européenne (UE).

On rappellera que les programmes scientifiques de l'agence présentent, pour les pays membres, un caractère obligatoire. Il comprennent des projets d'exploration de plusieurs planètes : Mars (avec la mission de l'orbiteur Mars Express lancé en juin 2003), Vénus, Mercure ; l'étude in situ d'une comète (sonde Rosetta dont le lancement est prévu en 2004) ; et des missions d'astronomie. La France participe également à des programmes d'observations de la terre, de météorologie, de télécommunications (série Artes : Advanced research in telecommunications system...). Bien que la recherche communautaire ne représente que 5,4 % environ du financement public de la recherche civile européenne, le montant des subventions européennes qui revient par an en France (environ 400 millions d'euros) est sensiblement du même ordre de grandeur que les crédits incitatifs nationaux des ministères chargés de la recherche et de l'industrie. La part de contributions que la France serait susceptible de recevoir, selon le résultat des premiers appels d'offre du 6e PCRD, serait de 15,34 %, ce qui nous mettrait en seconde position derrière l'Allemagne. En puissance de calcul cumulée, la France se situera en 5ème position mondiale, derrière les USA, le Japon, l'Allemagne et l'Angleterre. En Europe, l'Allemagne dispose du triple, l'Angleterre du double. Dans le domaine des sciences du vivant, la France ne s'est pas encore dotée, en bioinformatique, d'infrastructures comparables à celles existant, non seulement aux Etats-Unis et au Japon, mais également en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Suisse). Ces pays consacrent à la bioinformatique environ 30 % de leur budget de recherche en sciences génomiques. En 2003, pour combler les besoins, le ministère chargé de la recherche a lancé un appel à propositions intitulé « Informatique, mathématiques, Physique en biologie moléculaire », afin d'appréhender les phénomènes du vivant dans leur complexité au niveau moléculaire ou cellulaire. Notre pays doit poursuivre ses efforts à cet égard s'il veut rester compétitif.

L'Europe et la France doivent combler leur retard sur les Etats-Unis et le Japon en matière d'effort de recherche. Mais ce rattrapage :

-* doit s'effectuer en optimisant l'efficacité des dépenses publiques ;

-* incombe, en France, surtout aux entreprises privées.

Le présent budget de la recherche ne peut pas être considéré isolément.

Il s'inscrit dans un ensemble de mesures (notamment fiscales) tendant, d'une part, comme cela est particulièrement nécessaire, à inciter nos entreprises à s'impliquer davantage dans les activités de recherche, et s'efforçant, d'autre part, de rationaliser les aides qui leur sont accordées. Il fait de la synergie entre recherches publiques et privées l'une de ses priorités et privilégie, par ailleurs, à juste titre, les actions en faveur des jeunes chercheurs et des thématiques prioritaires (sciences de la vie, technologies de l'information, etc...).

Rapport du 29-11-2003 :

http://www.senat.fr/rap/103-073-326/103-073-326.htlm

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