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La bonne clé pour la bonne serrure
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Les thérapies ciblées confirment leur efficacité, en particulier dans certaines formes de cancers du sein
Tout l'intérêt des « grands messes » médicales tel que le congrès annuel de l'American Society of Oncology (ASCO) est de permettre au praticien qui s'y rend de mieux appréhender les progrès réalisés dans le domaine qui l'intéresse et d'avoir une vue d'ensemble de l'état de l'art en oncologie. Cette année aura été marquée par la confirmation de l’intérêt que peuvent jouer ce que l'on appelle les thérapies ciblées. Contrairement aux médicaments « classiques » utilisés en chimiothérapie - qui détruisent les cellules tumorales mais aussi d’autres, d’où les effets secondaires -, on a là des molécules qui vont freiner la progression tumorale en bloquant des facteurs de croissance bien précis ou des oncogènes spécifiques d'une tumeur. Elles s'attaquent aux mécanismes de croissance de la cellule tumorale, principalement au niveau des signaux favorisant la multiplication. La voie dite des tyrosine kinases est la mieux connue à ce jour. Cette voie peut être bloquée par des anticorps monoclonaux (Mab) ou des inhibiteurs enzymatiques (inib).
Pour le Docteur Etienne Brain, oncologue médical spécialiste des tumeurs du sein, à l'hôpital René Huguenin de l’Institut Curie, trois études présentées à l'ASCO illustrent bien les améliorations que l'on peut attendre de ces thérapies.
- Tout d'abord chez des patientes ayant un cancer du sein surexprimant le récepteur HER2, l'association Herceptin® (trastuzumab, un anticorps monoclonal bloquant un récepteur membranaire) et Tyverb® (lapatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase), administrée avant l'opération et surtout sans chimiothérapie, donne des résultats étonnants : après deux mois de traitement, 30 % des malades voient leur tumeur se résorber complètement.« C'est assez exceptionnel », estime Etienne Brain.
- Résultats tout aussi encourageants chez des patients atteints d'un mélanome, et porteur d'une mutation sur le gène BRAF, situation fréquente jusque dans 50 % des cas : à six mois, 84 % des patients sous vemurafenib, (PLX4032, un inhibiteur de kinase qui va bloquer le gène muté), sont encore en vie contre 64 % de ceux sous chimiothérapie standard avec du Déticène™ (dacarbazine). Le traitement prolonge indubitablement la survie sans progression des malades, c’est-à-dire le temps pendant lequel la maladie est contrôlée et ne progresse pas.
- Enfin, dans les formes avancées et non opérables de cancers du poumon présentant une mutation du gène EGFR, une étude européenne comparait les effets du Tarceva® (erlotinib, un inhibiteur tyrosine-kinase anti-EGFR) à ceux d’une chimiothérapie classique. L'analyse intermédiaire montre que la médiane de survie sans progression est de 5,2 mois sous chimiothérapie et de 9,7 mois sous Tarceva. Il ne semble toutefois pas y avoir un allongement de la survie globale.
De son côté, le Professeur Emmanuel Mitry, chef du département d’Oncologie médicale de l’hôpital René Huguenin de l’Institut Curie, rappelle que c'est sur les tumeurs stromales gastro intestinales qu'avait été démontré pour la première fois l'intérêt des thérapies ciblées, avec comme molécule le Glivec® (imatinib). Une étude présentée cette année à l'ASCO va, selon lui, « changer les standards ». Elle montre en effet que l'administration de Glivec® pendant 3 ans après l'opération, améliore nettement la survie des patients, y compris la survie globale, par rapport à un traitement d'une durée d'un an, lui-même conférant un bénéfice par rapport à la chirurgie seule.
Outre leur efficacité qui se confirme donc, ces thérapies ciblées ont pour attrait d'être moins « lourdes » pour le patient et plus facilement administrables. Elles n'en conservent pas moins des effets secondaires qu’il est parfois difficile de contrôler, bien qu’ils soient rarement sévères, et des résistances apparaissent déjà. Tout cela incite évidemment à développer les recherches dans ce domaine. Mais dans quel sens ? Etienne Brain plaide en faveur d'une accentuation de la recherche fondamentale ayant pour objectif la caractérisation moléculaire des pathologies : « on a toutes une série de clés (les anticorps, les inhibiteurs...), encore faut-il trouver la serrure qui correspond à chacune d'elle ». L'enjeu dorénavant est donc, pour chaque pathologie, de découvrir et de définir les serrures les plus efficacement « attaquables ».
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- Publié dans : Médecine
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