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La biologie de synthèse crée des usines vivantes
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De nouveaux biocarburants, molécules thérapeutiques, diagnostics vont voir le jour grâce à la biologie de synthèse, selon les pionniers de cette technique d'ingénierie qui inquiète car elle brouille la frontière entre le vivant et l'artificiel. L'objectif est de "faire faire de la chimie à des micro-organismes", explique Vincent Schächter, directeur de la recherche et du développement chez Total Gaz énergies nouvelles. "La technique arrive, on peut programmer la chimie de manière extrêmement précise", ajoute le généticien Philippe Marlière, co-fondateur de Global Bioenergies. Une bactérie dispose de gènes responsables de la production de quelque 3.000 enzymes différents. Comment les manipuler pour leur faire produire autre chose que ce qu'elles produisent naturellement ?
Comme des ingénieurs définissent les circuits de production d'une usine chimique, la biologie de synthèse vise à transformer des bactéries ou autres micro-organismes en usines, créant les produits souhaités. Des médicaments, comme l'artémisinine contre le paludisme ou l'hydrocortisone, tirent déjà profit de ces techniques, ainsi qu'un outil de diagnostic permettant le suivi de patients atteints du sida et d'hépatites. En matière de biocarburants, il s'agit de "faire du diesel à partir du sucre grâce à la biologie de synthèse" au lieu d'utiliser des plantes oléagineuses "trop chères", a souligné Vincent Schächter lors d'un colloque organisé au Collège de France.
Grâce à une bactérie E.coli largement modifiée, la société Global Bioenergies, créée en 2008 à Evry, a déjà mis au point un procédé pour utiliser les sucres issus de déchets forestiers, de la paille ou de la mélasse de betteraves pour produire de nouveaux biocarburants. Antibiotiques, bactéries détectant d'infimes taux d'arsenic dans l'eau, micro-organismes capables de dégrader des substances toxiques : de nombreux projets tablent sur des techniques sophistiquées de manipulation du vivant.
Pour créer un organisme génétiquement modifié, on se sert de gènes et de processus biologiques existant dans le règne du vivant, dans le cas de la biologie de synthèse, les modifications peuvent concerner une douzaine de gènes en même temps, voire aller au-delà de ce qui existe dans la nature. N'y a-t-il pas de risques ? Certains chercheurs minimisent l'impact de leurs "bricolages" en assurant que "ça n'arrive pas aux chevilles" de ce que crée la nature, remarque Philippe Marlière.
Selon lui, "inventer, innover dans le vivant c'est beaucoup plus facile qu'on croit". Or, la création "d'objets biologiques artificiels" pose un "défi majeur" : éviter qu'ils interagissent avec le vivant naturel. "Est-ce qu'on est capable de créer des organismes qui ne vont pas influer sur la biodiversité, de créer un deuxième arbre de la vie qui ne va pas influer sur le premier ?", interroge M. Marlière.
Plusieurs techniques de xénobiologie (forme de vie étrangère) sont envisagées pour créer une "Tour de Babel" empêchant tout échange entre vivant naturel et "objets biologiques artificiels". Deux sucres, le désoxyribose et le ribose, différencient le squelette des molécules d'acide désoxyribonucléique (ADN) et d'acide ribonucléique (ARN) dans le règne du vivant. Un autre type de sucre pourrait être utilisé pour créer "des acides nucléiques surnaturels", précise le généticien. Autre piste explorée : élargir "l'alphabet" de quatre molécules de base ou nucléotides sur lesquelles repose le code génétique du vivant.
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