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Bibliothèque virtuelle : la numérisation des livres plus lente que prévue
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A raison d'une quinzaine de pages par semaine. Ludovic, 34 ans, chercheur en physique des surfaces au CEA, aura mis neuf mois pour taper, à ses moments perdus, le soir et le week-end, les «?uvres» de Malherbe, poète français classique . Voilà deux ans que Ludovic est copiste. Copiste électronique. Un passe-temps «militant» : «Au travers de ces quelques heures consacrées à la reconnaissance d'ouvrages du domaine public, je souhaite augmenter le corpus de textes de langue française accessibles en ligne.» Ludovic appartient à cette petite armée de bénévoles, dactylographes ou scannéristes, membres de l'Association des bibliophiles universels (ABU). Raison «sociale» de cette association créée en avril 1993 par Pierre Cubaud, maître de conférences au Centre national des Arts et métiers : grossir les rayons de la bibliothèque de Babel virtuelle. Autrement dit, permettre à tout internaute, où qu'il soit, d'avoir accès, sur son écran, à tous les livres jamais publiés. Enfin, «presque» tous : en huit ans, avec sa cinquantaine de cybermoines, l'ABU n'a numérisé que trois cents ouvrages. Une paille dont Pierre Cubaud fait pourtant sa fierté. «J'ai mis une semaine pour taper le Discours de la méthode de Descartes», se souvient ce défricheur, spécialiste reconnu des bibliothèques numériques. Visionnaire. Père spirituel de Pierre Cubaud : un visionnaire américain, Michael Hart, qui avait rêvé dès 1971 d'une bibliothèque universelle en ligne. A l'époque, cet étudiant de l'université de l'Illinois s'était fixé comme objectif d'atteindre les 10 000 oeuvres fin décembre 2001. A deux mois de l'échéance, malgré l'appui de deux mille bénévoles, le Fonds Gutenberg, nom de son projet fou, compte... 4 000 textes numérisés. Si ces croisés de la lecture et du gratuit ont été les premiers à déposer sur l'Internet des pages entières de la littérature mondiale, les bibliothèques ont assez rapidement emboîté le pas. En tête, la plus célèbre, celle du Congrès américain, à Washington. La Bibliothèque nationale de France l'a imitée en octobre 1997. Les objectifs de départ, la numérisation d'un million d'ouvrages, ont vite été revus à la baisse, vu le coût prohibitif. Baptisées Gallica, ses étagères virtuelles comptent aujourd'hui près de 55 000 textes en accès public. L'internaute y trouve aussi bien la Poétique d'Aristote que le Horla de Guy de Maupassant, ou des pièces rares comme la Préface à Vathek de Stéphane Mallarmé (1876) avec dédicace et corrections de l'auteur. «Pour moi comme pour des milliers de chercheurs, enseignants ou simples curieux, les conditions de la recherche ont été révolutionnées par Gallica, s'enthousiasme Michel Pierssens, universitaire canadien, fondu de Lautréamont. Là où il fallait concentrer la lecture sur quelques séjours physiques à la Bibliothèque nationale, il est maintenant possible, de partout, à tout moment, de vérifier instantanément une référence et de lire des documents auxquels je n'aurais sinon jamais eu accès.» Le résultat est là : 1 000 ouvrages sont téléchargés chaque jour sur Gallica. A Lyon, où se trouve la deuxième plus grosse bibliothèque française, Patrick Bazin, directeur de la Bibliothèque Municipale, située à La Part-Dieu, «a vite compris l'intérêt d'ouvrir son catalogue au monde entier». L'achat d'un scanner de 620 000 francs, baptisé Titan, a même donné lieu à une petite inauguration. Tâche dévolue à cet engin plutôt volumineux : poursuivre le chantier de numérisation entrepris depuis dix ans. «Nous n'avons pas les moyens dont disposent les universités américaines, notamment des armées d'étudiants pour taper à la chaîne, comme le fait Georgetown University, les oeuvres complètes d'Engels et de Flaubert», regrette pourtant Patrick Bazin. Malgré le travail de ces pionniers, un rapport du Conseil supérieur des bibliothèques sur la période 2000-2001 pointe les limites du travail accompli : en 1999, 52 bibliothèques municipales sur 2 795 (soit à peine 1,8 %) annonçaient numériser des documents. La numérisation complète des collections n'est pas pour demain.
Libération : http://www.libe.com/livres/2001oct/20011020bib1.html
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