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Les avions du futur auront des ailes élastiques

L'avion des frères Wright avait des ailes flexibles. Pour son premier vol, le 17 décembre 1903, son contrôle et sa stabilisation étaient assurés par des poulies et des câbles qui faisaient bouger le bout de ses ailes. Ce mécanisme astucieux de contrôle inspiré de l'oiseau a été l'innovation clé qui a permis aux frères Wright de faire voler quelque chose de plus lourd que l'air. Mais l'idée des frères Wright a néanmoins été rapidement éliminée par les constructeurs aéronautiques. Les ailes rigides sont devenues la norme car elles supportaient mieux les forces associées à l'augmentation de la vitesse du vol et du poids des véhicules. Pour contrôler les appareils de plus en plus robustes, les concepteurs ont ajouté des panneaux mobiles aux extrémités de ces ailes rigides, panneaux qui jouent sur le flux de l'air et donc sur les forces aérodynamiques que les pilotes utilisent pour faire décoller un avion, le faire tourner ou le faire changer d'altitude. Mais aujourd'hui, grâce aux progrés combinés des nouveaux matériaux et de ma modélisation informatique, les ingénieurs peuvent remettre en pratique ce concept utilisé au début de l'aviation. Un chasseur supersonique expérimental américain est ainsi en partie contrôlé par de subtiles flexions de ses ailes. Il ne s'agit plus seulement de rendre les ailes flexibles. Les scientifiques et les ingénieurs envisagent maintenant de faire varier la forme des surfaces portantes, un peu comme les muscles des bras, qui se gonflent ou s'aplatissent. Les nouvelles stratégies envisagent des mécanismes plus élégants et plus légers que les ailes à géométrie variable. Une de ces approches passe par ce que l'on appelle des structures "compliantes". Généralement moulés par injection ou usinées à partir d'un seul morceau de matériau, ces cadres de métal ou de plastique peuvent par exemple servir de structures internes aux bords des ailes ou d'autres composants malléables. Ces cadres répartissent les forces d'une telle façon qu'ils peuvent en même temps se plier en certains endroits comme de la vannerie, tout en résistant ailleurs à la déformation. Qu'un avion change de forme ou non, son vol est soumis aux mêmes conditions aérodynamiques. Les contours d'une aile sont conçus pour veiller à ce que la pression de l'air soit moins importante au-dessous qu'au-dessus, créant ainsi la force de sustentation qui permet à l'appareil de décoller et de voler. Le flux sur les ailes et le fuselage exerce également une force, la traînée, qui s'oppose à la progression de l'appareil vers l'avant et résulte essentiellement de la friction entre l'air et la surface de l'aile en déplacement. Pour augmenter la portance et réduire la traînée, les ingénieurs aéronautiques conçoivent des avions qui ont des contours lisses et continus, dépourvus d'irrégularités, sources de traînée. Mais les volets mobiles généralement utilisés pour la conduite et le contrôle créent des obstacles. Pour contourner cette difficulté, les constructeurs envisagent de revenir à ce que les frères Wright appelaient les "ailerons gauchis". Les chercheurs espèrent faire, l'été prochain, la démonstration des capacités de ces ailerons gauchis sur un chasseur supersonique F/A-18 modifié. L'engin a été équipé d'ailes exceptionnellement fines. Au printemps dernier, des chercheurs de la NASA, du Laboratoire de recherche de l'armée de l'air (AFRL) et de Boeing Phantom Works (le département de recherches avancées de Boeing) ont procédé à des essais préliminaires afin de mesurer les paramètres physiques qui s'appliquent aux ailes dans diverses conditions de vol. L'avion dispose toujours de volets de contrôle conventionnels, comme les ailerons que l'on relève ou abaisse pour faire tourner l'appareil, et de volets déployés ou rétractés afin de modifier la portance. Mais ces structures ont été reléguées à un rôle auxiliaire. Elles ne servent que de leviers pour déclencher les remodelages spécifiques des ailes en fonction des courants aériens. L'aile aéroélastique active présente un avantage essentiel : plus fine et plus flexible, elle peut peser quinze fois moins qu'une aile conventionnelle. Qui plus est, en utilisant toute l'aile comme surface de contrôle, on obtient beaucoup plus de couple qu'avec des volets classiques. "A grande vitesse, nous pensons pouvoir faire virer l'avion mieux qu'un F/A-18 normal", assure Peter M. Flick, le directeur du projet au sein de l'AFRL. Mais certains ingénieurs vont encore plus loin. Comme Skunk Works (une division de Lockheed Martin), de Palmdale, en Californie : ses ingénieurs ont récemment proposé un modèle d'avion capable de procéder à de véritables mouvements de gymnastique. Pour passer d'une grande aile en extension totale, nécessaire au vol de croisière, à une aile plus petite plus adaptée au combat située au-dessus du fuselage, l'appareil soulèverait et replierait ses ailes tout en les rapprochant l'une de l'autre. NextGen Aeronautics, une petite entreprise californienne installée à Torrance, étudie pour sa part une aile métamorphe qui pourrait passer de l'"aile de chauve-souris", qui donne une grande maniabilité à l'avion en situation de combat, à l'aile étroite, de style planche, plus favorable à la vitesse et au vol de croisière. Raytheon Missile Systems, de Tucson, analyse enfin la possibilité d'une aile télescopique adaptée aux besoins d'un missile de croisière.

Toutes ces entreprises participent au programme Morphing Aircraft Structures (MAS), que la DARPA a lancé il y a un an, et se sont engagées à créer, d'ici à 2005, des maquettes d'ailes fonctionnelles capables de changer de surface ou de longueur de près de 50 %. Grâce à l'informatique et aux nouveaux matériaux, et en s'inspirant de ce que la nature sait faire depuis des millions d'années, l'avion du futur va enfin pouvoir imiter l'oiseau.

Science News : http://www.sciencenews.org/

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