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Edito : Avion du futur : plus écologique, plus sobre, plus souple, …mais pas forcément plus rapide
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7 avis :
Alors qu’actuellement avec le Coronavirus, il n’y a que peu d’avions qui volent et ceux qui assurent leurs services sont aux trois quart vides, vous pourriez être surpris de me voir choisir le thème de l’avion du futur pour m’entretenir avec vous aujourd’hui. Mais quand j’ai commencé à assembler des notes sur ce sujet en Janvier, j’étais loin d’imaginer que l’aviation était à la veille d’affronter la plus grave crise de son Histoire, en temps de paix…
Mais ne nous laissons pas abattre, même si les temps prochains vont être difficiles, n’oublions jamais que derrière les nuages il y a toujours le soleil.
Dans quelques courtes années, nous constaterons que cette crise aura été précieuse pour l’avenir de l’Humanité.
Ainsi, avez-vous regardé les dernières photos satellitaires qui, en permanence, saisissent l’importance des émissions de gaz à effet de serre (CO²). Alors que la Chine depuis de longues années était toujours couverte d’un lourd nuage de pollution, son image s’est sensiblement éclaircie depuis quelques semaines.
C’est étrange. C’est un peu comme si la Nature s’était engagée à obliger l’Humanité à respecter ses engagements pris lors de la COP 21 à Paris !
Après cette note d’espoir, permettez-moi maintenant de revenir au sujet du jour : l’avion du futur. Car n’oubliez pas, il y a toujours un Futur…
En 2019, l’ensemble des vols commerciaux (passagers et marchandises) ont émis près d’un milliard de tonnes de CO2. soit 3 à 4 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la planète. Cette part du secteur aérien civil dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre a progressé de plus de 30 % depuis cinq ans et devrait encore s’accroître au cours des prochaines années, puisque l’Association internationale du transport aérien (IATA) prévoit que le nombre de passagers passera de 4,5 milliards en 2019 à 8,2 milliards en 2038. Quant au nombre total d’avions civils, il devrait doubler au cours de la même période, passant de 24 000 à 48 000.
En France, depuis 20 ans, le nombre de passagers équivalents-kilomètres-transportés a augmenté de 62 %. Mais, dans le même temps, on a enregistré une diminution de 25 % des émissions de CO2 unitaire (en kg de CO2 par passager-équivalent-kilomètre-transporté), grâce notamment à l'arrivée sur le marché d'avions plus légers, à la motorisation plus performante et plus sobre en carburant. Les émissions de CO2 pour le transport aérien se sont tout de même élevées à 23 millions de tonnes, (dont 80 % pour le transport aérien international et 20 % pour le transport intérieur), ce qui représente plus de 5 % de nos émissions annuelles totales de CO2.
Face au changement climatique, et aux attentes de plus en plus grandes de leurs clients en matière de protection de l'environnement, les compagnies aériennes, par ailleurs fortement incitées par des cadres réglementaires beaucoup plus exigeants, ont bien compris la nécessité de réduire drastiquement l’empreinte carbone, et plus largement l’empreinte écologique, de l’aviation commerciale, mais la tâche s’annonce ardue, car le secteur aérien est soumis à des contraintes technologiques et économiques tout à fait particulières. Pour simplifier, chercheurs et ingénieurs cherchent à la fois à améliorer les technologies existantes à l’œuvre dans l’aviation et à préparer les ruptures technologiques qui permettront – sans doute pas avant 20 ou 30 ans – d’aller vers des avions totalement propres, mais également plus sûrs et plus économiques.
En attendant ces hypothétiques ruptures technologiques, plusieurs pistes sont activement explorées pour réduire l’empreinte carbone de l’aviation, à commencer par celle des carburants utilisés. La compagnie allemande Lufthansa travaille par exemple avec l'Université de Brême et le pétrolier Klesch sur la mise au point d’un kérosène non fossile capable de réduire de 80 % l'empreinte carbone des avions. L’idée a consisté à reprendre et à améliorer le vieux procédé chimique « Fischer-Tropsch », qui a permis aux Nazis de produire de grandes quantités d’essence synthétique à partir du charbon dans les années 30 et 40.
Dans sa nouvelle version, ce procédé utilise l’électrolyse de l’eau pour séparer les atomes d’hydrogène et d’oxygène, qui peuvent alors être recombinés avec des atomes de carbone puisés dans l’air, pour constituer un carburant qui sera neutre en carbone. Bien que le procédé soit complexe, énergivore et coûteux, Lufthansa y croit et pense que, dans un avenir prévisible, c’est la seule façon de pouvoir faire diminuer fortement l’empreinte carbone des avions commerciaux, même si cette diminution risque d’entraîner, selon la compagnie allemande, une hausse moyenne de 60 % du prix du billet pour les passagers. Comme le souligne Carsten Spohr, directeur général de Deutsche Lufthansa, « Il faut savoir ce que l’on veut, et si l’on veut vraiment faire baisser rapidement et fortement les émissions de carbone dues à l’aviation, il n’y pas d’autres solutions réalistes que le passage massif à des carburants verts, plus coûteux à produire, ce qui suppose un billet plus cher pour les passagers qui contribueront ainsi à décarboner plus vite le moyen de transport qu’ils empruntent ». D’ailleurs, pour montrer l’exemple, Lufthansa a promis d’utiliser au moins 5 % de kérosène neutre en carbone pour ses vols, d’ici 2025.
Mais on s’en doute, tous les acteurs de l’aviation ne partagent pas cet avis tranché et beaucoup de compagnies aériennes, sans exclure d’utiliser une plus grande part de "kérosène vert", orientent leurs recherches vers de nouveaux modes de propulsion et de nouveaux types d’appareils. En novembre dernier, la compagnie aérienne EasyJet, qui a déjà réduit d’un tiers ses émissions de CO2 depuis 20 ans, a annoncé qu'elle serait la première au monde à atteindre la neutralité carbone par compensation et a également révélé un partenariat de recherche avec Airbus sur l'avion hybride. Parallèlement, EasyJet travaille déjà avec le constructeur américain Wright Electric sur le développement d'un avion électrique, qu'il espère lancer d’ici 2030. Il y a quelques jours, Wright Electric a fait à New-York une démonstration, apparemment convaincante de son moteur électrique, baptisé Wright 1, d’une puissance de 1,5 Mégawatt. Les premiers essais en vol de ce moteur sont prévus dès 2023 et l'objectif est bien de parvenir à un avion 100 % électrique dès 2030, sur des vols d’une heure ou moins, comme Londres-Amsterdam, Paris-Genève ou encore Lyon Bordeaux.
La NASA travaille quant à elle sur un avion électrique « court courrier », dont elle a présenté il y a quelques semaines une première version. La version finale, appelée Mod IV, sera équipée de 14 moteurs, de six petites hélices le long de ses ailes, et de deux plus grosses à chaque extrémité. Les plus petites hélices serviront pour le décollage et l’atterrissage et se rétracteront durant le vol. Mod IV pèsera 1360 kilos ; il pourra voler jusqu'à 4200 mètres d'altitude, à une vitesse de croisière de 276 km/h, et aura une autonomie d'environ 160 kilomètres. Parallèlement, la NASA est engagée, avec l’Université de l’Illinois et le MIT, dans le projet à plus long terme CHEETA (Plate-forme pour un Avion Electrique Haute Efficacité à Hydrogène) qui vise à concevoir et tester l’ensemble des éléments nécessaires à la réalisation d’un avion long-courrier à propulsion électrique, alimenté par des piles à combustibles à hydrogène stocké sous forme de cellules cryogéniques.
En juin dernier, KLM et l’Université de technologie de Delft ont signé un accord pour soutenir la recherche autour d’un appareil révolutionnaire, le Flying V. Avec sa forme triangulaire, cet appareil a une envergure équivalente aux Airbus A350, mais offre une résistance aérodynamique bien moindre. Grâce à l’intégration de ses cabines au sein de ses larges ailes, cette aile volante pourra transporter 314 passagers qui disposeront d’un confort inégalé, avec des espaces de loisirs et de repos. La structure plus légère de cet appareil permettra de réduire de 20 % sa consommation en kérosène et, à terme, le Flying V passera à la propulsion électrique.
De son côté, Airbus a lancé il y a trois ans le projet MAVERIC. Le modèle réduit de 2 m de long et 3,2 m d’envergure a effectué son premier vol en juin 2019 et vient d’être présenté à l’occasion du salon aéronautique de Singapour, où il a fait sensation. Il s’agit d’une aile volante, prévue pour recevoir 200 passagers et le vol du premier prototype en grandeur nature pourrait intervenir vers 2030. Là encore, Un tel appareil consommerait 20 % de carburant en moins par passager que les meilleurs avions actuels. Il serait également nettement moins bruyant et offrirait un bien meilleur confort, grâce à un espace intérieur plus vaste.
En matière d’aviation interurbaine, l’heure est également aux appareils à décollage et atterrissage vertical, appelés VTOL en anglais (Vertical Take-Off and Landing). Transcend Air, un transporteur américain basé à Boston, a présenté récemment son Vy 400, un appareil hybride entre l’avion et l’hélicoptère, capable d’atteindre une vitesse de croisière de 650 km/h, de quoi rallier Boston à Manhattan en 35 minutes, ou Los Angeles à San Francisco en une petite heure. Dans les pays à forte densité urbaine, ce type d’appareil, à condition de satisfaire aux normes de bruit, de pollution et de sécurité, pourrait permettre des liaisons directes très rapides de centre-ville à centre-ville, sans nécessiter de nouvelles infrastructures. Transcend Air espère proposer ses premiers vols commerciaux dès 2024 aux Etats-Unis. En France, à l’occasion du récent salon du Bourget, Airbus, la RATP et le groupe ADP ont annoncé une coopération commune pour développer un appareil à décollage vertical à propulsion électrique et à faible niveau sonore, destiné aux déplacements aériens urbains, entre les aéroports et les centres-villes.
Dans ce rapide aperçu du futur de l’aviation, qui s’annonce très multiforme, changement climatique oblige, il faut dire un mot du transport supersonique, même si celui-ci restera très probablement marginal, en termes de passagers transportés, pour le demi-siècle qui vient, tant pour des raisons technologiques, qu’économiques et écologiques. Avec la fin du Concorde en 2003, beaucoup ont pensé que l’ère du vol supersonique était pour longtemps révolue. Pourtant, plusieurs projets, tant américains que chinois et européens, sont dans les cartons. En partenariat avec Lockheed Martin, la NASA travaille ainsi sur un nouvel appareil supersonique, baptisé X-59 QueSST, qui pourrait commencer à voler à partir de 2022 à 1 500 km/h, soit deux fois la vitesse d’un avion subsonique.
Mais le projet le plus avancé est celui de la firme américaine Boom avec son avion Overture, soutenu par Virgin Galactic et la compagnie Japan Airlines, qui a effectué 20 pré-commandes. Grâce à sa structure totalement repensée, à base de composites et à son aérodynamisme, cet appareil, prévu pour accueillir 55 passagers dans d’excellentes conditions de confort, devrait atteindre une vitesse de croisière 2,2 fois supérieure à la vitesse du son, soit 2 300 km/heure. Boom promet un niveau son nettement inférieur à celui du Concorde et même inférieur à celui de la plupart des appareils conventionnels actuels. En revanche, les concepteurs de cet appareil restent très évasifs sur sa consommation réelle qui pourrait être, selon certaines revues spécialisées américaines, au moins cinq fois supérieure par passager, que celle des avions de ligne conventionnels. Compte tenu du retard déjà pris dans son développement, il est peu probable que cet avion vole avant la fin de cette décennie. Blake Scholl, PDG de Boom, assure que, “les passagers pourront voler pour un quart du prix d’un billet Concorde, soit à peu près au tarif d’une classe affaires d’aujourd’hui.”, mais, sauf rupture technologique majeure, le vol supersonique qui doit faire face aux nouvelles contraintes environnementales et reste très gourmand en énergie (lois de la physique oblige) restera pour longtemps encore l’exception dans le paysage aérien du transport à longue distance.
En attendant l’arrivée des premiers appareils électriques (qu’ils soient alimentés à l’hydrogène ou par des batteries de nouvelle génération) fiables et pouvant effectuer des vols longue distance, et la montée en puissance des carburants verts, neutres en carbone, les constructeurs réfléchissent également à de nouvelles structures d’appareil, capables à la fois de réduire la consommation d’énergie, d’augmenter la sécurité et la fiabilité et d’améliorer le confort de vol. Airbus, qui compte bien rester dans cette course commerciale et technologique a dévoilé en juillet dernier un appareil hybride électrique, équipé de turbopropulseurs. Cette solution doit permettre de réduire la consommation d’un tiers, par rapport aux avions actuels. Cet appareil biomimétique baptisé "Bird of Prey" préfigure peut-être ce que sera l’avion de demain. Il s’inspire de la nature et de la forme très élaborée des ailes de certains oiseaux, comme l’aigle ou le faucon, capables de voler vite et longtemps, avec une efficacité énergétique remarquable. Parmi les idées novatrices mises en pratique dans ce prototype, il y a la présence de « plumes », déformables et orientables, réalisées en matériaux composites, situées à l’extrémité des ailes.
Dans sa version finale, cet appareil, grâce à un système informatique très sophistiqué à base d’IA, serait capable de gérer en temps réel l’orientation et la déformation de ces « plumes » artificielles, ce qui permettrait de conférer à cet avion une maniabilité et une stabilité à toute épreuve, y compris dans des conditions météorologiques très difficiles…Airbus s’inspire d’ailleurs, pour ce projet, de l’aile de l’A350, qui est déjà capable, dans une certaine mesure, de s’adapter automatiquement aux conditions dans lesquelles elle évolue. Dans le même esprit, Airbus travaille également sur un autre projet, baptisé « Albatros », visant à concevoir et fabriquer des ailes constituées de plusieurs éléments autonomes et articulés entre eux, ce qui permettrait à la fois de réduire la consommation de carburant et d’optimiser en permanence le comportement de l’avion, en fonction des nombreux paramètres de son environnement.
On s’en doute, Airbus n’est pas le seul à s’intéresser à cette voie de recherche très prometteuse du biomimétisme. Outre-Atlantique, la NASA travaille également sur un nouveau type d’ailes flexibles capables de changer de forme en vol (Voir CNN). Mesurant quatre mètres de large, la nouvelle aile est construite à partir de milliers d'unités qui s'emboîtent et fonctionnent sur le modèle d'une aile d'oiseau. Ces nouvelles ailes sont fabriquées par injection de polyétherimide renforcé de fibres dans un moule 3-D. L’ensemble de ces pièces peut ensuite être assemblé correctement par un essaim de robots.
Néanmoins, bien que la perspective d'avions moins chers, plus sobres, plus souples et plus robustes soit attrayante pour l'industrie de l'aviation commerciale, de nombreux obstacles restent à surmonter avant de voir voler de tels appareils. Il faudra en effet parvenir à réussir l’intégration de ces nouveaux matériaux et de ces nouvelles structures dynamiques dans les systèmes actuels, ce qui nécessiterait probablement un bouleversement total de l'approche actuelle de conception des avions. Or, comme le souligne Dick Kramer, responsable du projet d'aile flexible à la NASA, "Si vous voulez bouleverser les modes de production de l'industrie aérospatiale, vous devez avoir une très bonne raison, et votre gain de performance doit être suffisamment important pour le justifier. Il ne s'agit pas de savoir si ces changements sont techniquement faisables, mais s’ils sont commercialement rentables".
Signalons enfin que le transport aérien, qu’il s’agisse de passagers ou de fret, pourrait bien également être révolutionné au cours de la prochaine décennie par le grand retour, dans sa version moderne, d’une invention qui a pourtant plus d’un siècle et demi : le ballon dirigeable à moteur. Bien qu’il soit intrinsèquement plus lent qu’un avion, le dirigeable « nouvelle génération » présente trois avantages décisifs pour prendre toute sa place dans le nouveau paysage des transports aériens. En premier lieu, il consomme environ dix fois moins d’énergie, à charge égale, qu’un avion.
En deuxième lieu, il est capable, si nécessaire d’emporter des charges très lourdes (allant jusqu’à plusieurs centaines de tonnes) pour un coût bien inférieur à celui d’un avion. Enfin, le dirigeable peut décoller et atterrir verticalement et n’a donc pas besoin de lourdes et coûteuses infrastructures au sol, ce qui rend son emploi particulièrement adapté dans les régions isolées. Ajoutons que, grâce à l’emploi de nouveaux matériaux, au recours à l’informatique embaquée et à l’utilisation de gaz inerte, comme l’hélium, ce mode de transport aérien a atteint un niveau de sureté qui n’a plus rien à voir avec celui de ses ancêtres des années 1930 et rend pratiquement impossible la tristement célèbre catastrophe du Hindenburg, le plus grand dirigeable jamais construit (rempli à l’hydrogène), qui pris feu et s’écrasa dans le New-Jersey en 1937, faisant 35 victimes.
Depuis plusieurs années, l’entreprise britannique VariaLift poursuit l’objectif de lancer une flotte de dirigeables « tout aluminium » destinée au transport lourd de fret. Cette compagnie travaille actuellement à la construction de ses trois premiers appareils dans un site spécialement aménagé, à proximité de Châteaudun, en France. Les premières images du dirigeable ont dévoilé un géant en aluminium, capable de transporter de 5 à 250 tonnes de charge (Voir Canal+). Les dirigeables de VariaLift peuvent voler à une vitesse comprise entre 250 à 350 km/h, à une hauteur maximale de 9 km. Propulsés à l’hélium, ils ne consomment, en moyenne, à charge égale, que 15 % du carburant nécessaire à un avion.
Un autre projet très avancé est celui de Flying Whales. Cette entreprise française, créée en 2012, compte bien commercialiser dès 2023 ses premiers dirigeables géants, en forme de baleines. Ces appareils font 154 mètres de long, 42 mètres de hauteur et 60 mètres de large. Pourtant, en dépit de ce gabarit impressionnant, ils sont conçus pour consommer et polluer 50 fois moins qu’un avion. Ces engins, remplis d’hélium, seront propulsés par des moteurs hybrides. Ils seront utilisés, dans un premier temps, pour le transport de bois, provenant de zones inaccessibles, et seront capables de transporter jusqu’à 60 tonnes. Grâce à son enveloppe composite, ce dirigeable pourra affronter de rudes conditions météo, et faire face au froid et à des tempêtes de grêle ou à des orages. Il reste cependant plus vulnérable qu'un avion aux fortes rafales de vent et aura donc recours à un système de prévisions météorologique très précis pour limiter ce risque spécifique. Il y a quelques semaines, trois nouveaux actionnaires français, ADP, Bouygues et Air Liquide, sont entrés, à la suite de la Région Aquitaine, dans le capital de Flying Whales, ce qui confirme la maturité de ce projet sur le plan technologique, comme sur le plan commercial.
Bien qu’elles ne s’étendent pas sur le sujet, ces deux sociétés ne comptent pas se limiter au seul transport de marchandises et de fret et ont bien vu les potentialités de leurs engins pour le transport de passagers, à un prix très compétitif, dans des pays et régions qui ne peuvent pas ou ne veulent pas développer des infrastructures aéroportuaires coûteuses et problématiques pour l’environnement, et qui souhaitent offrir à leur population un nouveau moyen peu onéreux de se déplacer sur de longues distances.
On le voit, l’avenir de l’aviation reste très ouvert et s’annonce sous le signe d’une grande diversité dans le domaine des types et tailles d’appareils, mais aussi dans celui des modes de propulsion. Mais, rassurons-nous, il ne fait nul doute que des ruptures technologiques majeures et imprévues viendront probablement bousculer, au moins pour la seconde partie de ce siècle, toutes nos prévisions…Ce qui est en revanche certain, c’est qu’après un siècle continu de progrès techniques – de 1903, date du premier vol motorisé des Frères Wright à 2003, date de l’arrêt définitif du Concorde, qui ont d’abord consisté à voler toujours plus vite, l’aviation civile est à présent rentrée durablement dans une nouvelle ère où le critère de vitesse ne va plus être le facteur dominant qui va guider les avancées technologiques ou conceptuelles.
Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ne verrons pas voler, au cours de ce siècle, des appareils supersoniques et même hypersoniques, sur les lignes commerciales. Mais soumis à la nouvelle et redoutable double contrainte économique (liée à la maîtrise de la consommation d’énergie qui augmente fatalement avec la vitesse de façon non linéaire) et écologique (liée à l’utilisation de modes de propulsion décarbonée, mais aussi à la réduction des traînées de condensation givrée dont le rôle en matière de réchauffement climatique a été largement sous-estimé), il est peu vraisemblable que le vol supersonique ou hypersonique puisse se généraliser dans un avenir prévisible.
En revanche, les recherches récentes et les nombreux programmes et projets en cours, que nous avons rapidement évoqués, confirment que les avions qui voleront dans 20 ans n’auront plus grand-chose à voir avec les appareils actuels dans trois domaines essentiels : la propreté et l’impact global sur l’environnement, la sécurité et la souplesse d’utilisation, et enfin le confort des passagers. Les 8,5 milliards de passagers qui prendront l’avion en 2040, voyageront à bord d’appareils qui, s’inspirant largement des solutions extraordinaires fournies par la nature, et exploitant pleinement la puissance des outils numériques et le potentiel des nouveaux modes de propulsion propres, consommeront deux fois moins d’énergie qu’aujourd’hui, auront un impact sur l’environnement réduit d’un facteur dix et présenteront une fiabilité et un confort qui seront sensiblement plus grands que ceux des avions que nous connaissons aujourd’hui. Dans cette mutation historique du transport aérien, la France et l’Europe, qui sont au plus haut niveau mondial d’excellence technologique, doivent prendre toute leur place et montrer au Monde qu’il est possible de concevoir des déplacements aériens totalement respectueux de l’environnement et du climat, et accessibles au plus grand nombre, pour que voyager dans les airs reste un plaisir qui permette à tous de découvrir la beauté et la diversité de notre planète.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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