RTFlash

Edito : Les avancées scientifiques majeures de 2024

AVEC NOS MEILLEURS VŒUX POUR 2025

Nous voici entrés dans une nouvelle année.

Toute notre petite équipe (Monique, Mark et René) qui, depuis 27 ans, s’assure que chaque semaine vous receviez RT Flash, vous dit toute sa joie de pouvoir continuer à le faire pendant toute l’année 2025 grâce à vos dons qui ont atteint leur objectif.

Avec nos bien sincères remerciements, veuillez accepter nos vœux les plus chaleureux.

Monique, Mark et René

Les avancées scientifiques majeures de 2024

Cette année 2024 qui vient juste de se clore a été particulièrement riche en études, découvertes, et inventions scientifiques de toute nature. En recoupant les palmarès récemment publiés par les principales publications scientifiques anglo-saxonnes, notamment la lettre du MIT et les célèbres revues « Science » et « Nature », j'ai voulu vous présenter (parmi beaucoup d'autres qui auraient mérité d'être soulignées) 11 avancées qui me semblent vraiment importantes et qui peuvent être qualifiées de véritables ruptures, tant elles font progresser la connaissance et vont probablement transformer nos vies.

Commençons par les incroyables résultats du médicament antirétroviral Lénacapavir contre le virus de sida. On l'oublie souvent, le VIH infecte encore plus d’un million de personnes par an et le vaccin n'est malheureusement pas pour demain, même si plusieurs vaccins expérimentaux, notamment un vaccin franco-suisse développé par l'Inserm, le CHUV de Lausanne et les universités de Bordeaux et Créteil, ont donné des résultats encourageants (Voir The Lancet). En attendant l'arrivée de ces vaccins, sans doute pas avant 3 à 5 ans, le monde dispose enfin d'un médicament injectable qui protège de manière remarquable les personnes du VIH pendant six mois à chaque injection (Voir Science).

La communauté scientifique espère désormais que le Lénacapavir fera baisser considérablement les taux d’infection à l’échelle mondiale lorsqu’il sera utilisé comme prophylactique pré-exposition (PrEP). « Ce médicament a un immense potentiel, si nous réussissons à en faire bénéficier au bon moment tous les patients qui en ont le plus besoin», déclare Linda-Gail Bekker, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université du Cap, qui a dirigé l’un des deux essais d’efficacité pour le fabricant du médicament, Gilead Sciences. Si le Lénacapavir a été désigné comme la découverte de l’année 2024 par la prestigieuse revue "Science", c'est également parce que ce médicament est le produit d'une avancée majeure de la recherche fondamentale, en l’occurrence, une nouvelle compréhension de la structure et de la fonction de la protéine de capside du VIH, ciblée par le Lénacapavir.

Jusqu'à l'arrivée de ce nouveau médicament d'une extraordinaire efficacité, l’objectif fixé par le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) de réduire les nouvelles infections à VIH à moins de 370 000 l’année prochaine et à moins de 200 000 en 2030, semblait hors de portée. Mais le Lénacapavir a complètement changé la donne depuis qu'en juin 2024 une étude a montré, sur plus de 5 000 femmes en Afrique du Sud et en Ouganda, qu'aucune des patientes ayant reçu les injections n’avait été infectée. En septembre 2024, une seconde étude n’a enregistré que deux infections chez plus de 2 000 hommes en Amérique du Sud, en Asie, en Afrique et aux États-Unis. Contrairement aux médicaments classiques contre le VIH qui perturbent les enzymes virales en se liant aux sites actifs qui leur permettent de fonctionner, le Lénacapavir interagit avec les protéines de la capside qui forment un cône protecteur autour de l’ARN viral.

Si le Lénacapavir est si efficace, c'est parce qu'il bloque non seulement les interactions de la capside avec les protéines cellulaires, mais rend également ce cône rigide, ce qui l'empêche de glisser dans le noyau pour y propager le virus. Les chercheurs de Gilead ont en outre réussi à développer une forme injectable de la molécule, conférant au médicament une durée de vie extraordinairement longue dans l'organisme. L’autorisation de mise sur le marché du Lénacapavir devrait intervenir en 2025, à un prix qui est toujours en négociation au niveau mondial. Toutefois, Gilead a déjà accepté un accord avec six fabricants de génériques pour produire des versions à bas prix de son médicament, pour 120 pays en développement qui devraient pouvoir ainsi bénéficier de cette nouvelle thérapie très attendue.

Gilead a récemment reformulé le Lénacapavir et prévoit de lancer des essais pour déterminer si une seule injection peut protéger pendant un an. Pour l'OMS, ce médicament pourrait contribuer à réduire considérablement l’incidence du VIH dans les pays les plus pauvres. En outre, de nombreux autres virus possèdent leurs propres protéines de capside, qui forment une enveloppe autour de leur matériel génétique. Le nouveau mécanisme d'action de ce médicament laisse donc espérer que des inhibiteurs de capside similaires pourraient combattre efficacement d’autres maladies virales redoutables.

Je passe à présent à la deuxième avancée médicale de 2024, l'arrivée de nouveaux et puissants agonistes du GLP-1, après le succès fulgurant du Wegovy (sémaglutide), pour cibler l'obésité. La société pharmaceutique Eli Lilly d'Indianapolis, dans l'Indiana, est en train de terminer son essai de phase III pour son comprimé oral orforglipron (retatrutide), évaluant sa sécurité à long terme chez les personnes atteintes de diabète de type 2. Dans son essai de phase II, le retatrutide a montré une efficacité sans précédent, les personnes ayant reçu la dose la plus élevée ayant connu une perte de poids de 24 % sur 11 mois (les médicaments actuellement disponibles ont tendance à entraîner une perte de poids d'environ 15 à 20 % sur une période similaire).

Partout dans le monde, les chercheurs continuent d’explorer le potentiel des agonistes du GLP-1 pour traiter d’autres maladies que le diabète et l'obésité, notamment la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer et la toxicomanie. De récentes études ont montré un effet protecteur du sémaglutide sur le plan cognitif  pour lutter contre les addictions. Une vaste étude américaine réalisée sur 503 000 personnes a récemment montré que les personnes souffrant de troubles avec l’usage de substances sous agonistes du GLP-1 auraient un taux de surdose en opioïdes inférieur de 40 % et un taux d'intoxication alcoolique inférieur de 50 % à celui des patients souffrant d’addictions ne prenant pas ces traitements. Selon ces travaux, les agonistes du récepteur du GLP-1 (GLP-1 RA) et des médicaments similaires, tels que les agonistes du polypeptide insulinotrope, prescrits dans le diabète de type 2 et l’obésité, pourraient moduler les voies de récompense associées à la consommation de drogues. Ce grand potentiel des aGLP1 chez les patients ayant de troubles psychiatriques a d'ailleurs été évoqué lors du 37e congrès du Collège européen de neuropsychopharmacologie (ECNP) (Voir Science Direct).

2024 a également été la grande année du décollage des vaccins thérapeutiques personnalisés contre certains cancers. Une thérapie génique à ARNm contre le cancer a en effet été administrée pour la première fois à des patients de l’hôpital Hammersmith, à l’ouest de Londres. Il s’agit d’un essai clinique de phase 1/2, visant à déterminer la toxicité, la tolérance et l’efficacité de cette nouvelle approche dans le traitement du mélanome, du cancer du poumon et d’autres types de cancers. Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer dans le monde, avec environ 1,8 million de décès en 2020, dont 230 000 dans l'Union européenne, ce qui représente un décès par cancer sur cinq. Un vaccin, appelé BNT116 et développé par BioNTech, utilise la technologie de l'ARN messager (ARNm) - similaire à certains vaccins contre le Covid-19 - pour aider le système immunitaire à reconnaître et à attaquer les cellules cancéreuses. Ce vaccin, qui est une première mondiale, est conçu pour cibler le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC), qui représente 85 % de tous les cas de cancer du poumon. Son principe d'action consiste à présenter au système immunitaire du patient les cellules cancéreuses à détruire, tout en réduisant les dommages causés aux cellules saines, contrairement aux effets de la chimiothérapie. « La force de notre approche réside dans le fait que le traitement est hautement ciblé sur les cellules cancéreuses. Nous espérons ainsi pouvoir montrer à terme que notre traitement agit efficacement contre le cancer du poumon tout en épargnant les tissus sains », souligne la Docteure Sarah Benafif, qui dirige cet essai. Celui-ci impliquera environ 130 patients à différents stades du cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC), dans 34 sites de recherche répartis dans sept pays. Outre le Royaume-Uni, l'essai est déployé dans quatre autres pays européens – l'Allemagne, l'Espagne, la Pologne et la Hongrie, ainsi qu'aux États-Unis et en Turquie (Voir NHS).

En France, le vaccin UCPVax, développé par le Professeur Olivier Adotévi et son équipe au CHU de Besançon, est un vaccin thérapeutique anticancer destiné à stimuler les défenses immunitaires du patient contre sa propre tumeur. Ce vaccin a d’abord été testé contre les cancers du poumon avancés et les résultats ont été très encourageants. Il est aujourd’hui utilisé contre plusieurs autres cancers comme les tumeurs cérébrales, le glioblastome, cancer très agressif, ou encore le cancer du foie et les cancers liés au Papillomavirus (utérus, vagin, anus). Il peut être administré seul ou en combinaison avec d’autres thérapies anticancéreuses. Ce vaccin UCPVax est potentiellement applicable à la majorité des cancers et il offre un véritable espoir pour améliorer la qualité et la durée de vie des patients et lutter durablement contre les risques de rechutes. De leur côté, les deux géants BioNTech et Moderna travaillent déjà sur plusieurs vaccins thérapeutiques contre une dizaine de cancers différents et espèrent que ceux -ci seront disponibles d'ici 5 ans.

2024 aura aussi vu un autre exploit dans le domaine des neurosciences et de la connaissance du cerveau. En octobre dernier, des chercheurs ont publié une carte complète de près de 140 000 neurones dans le cerveau d'une mouche à fruits (Drosophila melanogaster) (Voir Nature). Ce schéma d'interconnexions, encore appelé connectome, devrait permettre aux chercheurs de mieux comprendre comment notre cerveau fonctionne, prend des décisions et stocke les souvenirs. Il a fallu 10 ans à une équipe de recherche internationale pour achever le processus de cartographie. Non contents de dénombrer les neurones, ces scientifiques on pu également étudier et cartographier des millions de connexions synaptiques. Pour cartographier entièrement le cerveau de la mouche à fruits, ces chercheurs ont extrait ce cerveau, de la taille d'une graine de pavot, de cet insecte, puis l'ont recouvert de résine et l'ont laissé durcir. Ils ont ensuite découpé ce cerveau en tranches d'une extrême finesse (quelques microns), puis ont photographié chaque morceau avec un microscope à très haute résolution. S'appuyant sur plus d’un million d’images, l’équipe a alors pu identifier et compter les neurones et les synapses avant d’utiliser un puissant programme informatique pour créer un modèle tridimensionnel du cerveau.

L'avancée suivante concerne également les neurosciences et a été accomplie par les chercheurs chinois de l'Université Tsinghua, à Pékin. Ceux-ci ont conçu NEO, une nouvelle interface cerveau-machine (BCI), peu invasive, sans contact direct avec le cortex, composée de 8 électrodes, conçue pour restaurer le mouvement des mains chez les personnes paralysées. Les essais cliniques de NEO ont commencé en 2023, et les premiers résultats, sur un patient de 38 ans souffrant d'une lésion de la moelle épinière et ayant perdu la mobilité des membres à la suite d'un accident de voiture, ont été spectaculaires. Neuf mois après l'implantation de cette BCI, ce patient était à nouveau capable de manger, de boire et de saisir de petits objets de façon autonome. « Les résultats sont encore meilleurs que ce à quoi nous nous attendions », a déclaré le Docteur Mao Ying, qui a participé à cet essai. Fort de ce succès, la Chine prévoit de mettre sur le marché ses technologies d’interface cerveau-ordinateur (BCI) qui pourraient directement concurrencer les implants fabriqués par Neuralink, la société d’Elon Musk basée en Californie (Voir Interesting Engineering). Avec NEO, la Chine affirme ses ambitions en matière scientifique et montre qu'elle est devenue un concurrent redoutable pour les Etats-Unis et l'Europe, dans le domaine des biotechnologies et des implants cérébraux, qui seront demain au cœur des nouvelles thérapies contre les maladies neurologiques et neurodégénératives (épilepsie, Parkinson, Alzheimer), mais aussi contre certains troubles psychiatriques (dépression, TOC).

Une autre remarquable avancée, malheureusement peu reprise par les médias français, est celle développée par la société américaine Profluent, qui conçoit des outils d'IA générative au service de la biologie. En avril dernier, Profluent a lancé son projet OpenCRISPR-1, le premier éditeur de gènes open source créé par l'IA au monde. La technologie CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats), qui a valu le Nobel de Médecine en 2020 à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, permet aux généticiens de couper et de modifier des parties spécifiques de brins d'ADN. Cette approche révolutionnaire ouvre la perspective de pouvoir enfin corriger et traiter à la source les 7000 maladies génétiques différentes actuellement répertoriées. Grâce à cet outil OpenCRISPR, il devient possible de générer des millions de protéines diverses de type CRISPR qui n'existent pas dans la nature. Étant en open source, cet outil va pouvoir être perfectionné sans cesse par les chercheurs du monde entier et devrait contribuer à rendre l’édition génétique plus précise et plus sûre, puisqu'il est d’ores et déjà capable de réduire de 95 % les risques d'erreurs dans l'édition des gènes (Voir Oxford Global).

J’aborde maintenant une avancée qui concerne la redoutable maladie d'Alzheimer, qui représente les deux tiers des démences dans le monde et dont le nombre de malades pourrait tripler d'ici 2050, pour atteindre les 100 millions. De nouveaux traitements, encore imparfaits mais pouvant retarder la maladie, comme le Lecanemab et le donanemab, sont en train d'arriver depuis quelques mois. Encore faut-il que ces thérapies à base d'anticorps monoclonaux soient administrées aux malades le plus tôt possible, pour pouvoir produire un effet thérapeutique tangible. Il est donc plus que jamais capital de pouvoir détecter et diagnostiquer cette maladie le plus vite possible. Pour l'instant, les moyens de dépistage de la maladie restent lourds et nécessitent un échantillon de liquide céphalorachidien ou une tomographie par émission de positons (TEP). Mais en 2024, une étude américaine, co-dirigée par les docteurs Matthew R. Meyer et Kristopher M. Kirmess, a révélé qu'un simple test sanguin pouvait détecter avec précision si un patient était atteint de la maladie d'Alzheimer. Les chercheurs ont testé des échantillons de sang de plus de 1 200 personnes âgées, à différents stades de déclin cognitif, en utilisant le nouveau test PrecivityAD2 qui mesure la bêta-amyloïde et la p-tau217. L'équipe a ensuite comparé les résultats du test sanguin avec ceux reposant sur l'analyse du liquide cérébral et des PET et a constaté une excellente précision, allant de 88 à 92 %. Ce nouveau test, qui pourrait encore être amélioré, pourrait changer radicalement la vie des patients en leur permettant d'avoir accès plus tôt aux nouveaux traitements qui arrivent (Voir NIH).

Je vous entraîne maintenant hors du domaine de la biologie et de la médecine, pour évoquer quelque unes des avancées scientifiques qui ont marqué le domaine de l'environnement, de l'énergie et du climat. Une vaste étude internationale, portant sur de multiples initiatives de conservation et de restauration de sites naturels, a montré de manière solide que ces actions sont en général plus efficaces qu'on ne l'imaginait pour ralentir ou inverser la perte de biodiversité. Les scientifiques ont examiné 665 programmes et actions de mesures de conservation à travers le monde et ont constaté qu'elles avaient eu un effet positif dans deux cas sur trois (Voir Science et University of Oxford). L'initiative de conservation Altyn Dala, qui a travaillé au Kazakhstan avec des partenaires locaux pour sauver de l'extinction l'antilope saïga, une espèce en danger critique d'extinction dans la steppe dorée, est notamment évoquée comme exemple de sauvegarde réussie d'une espèce très menacée. Le projet s'est appuyé sur une surveillance scientifique intense et sur la protection et la restauration de l'habitat pour essayer de sauver l'antilope saïga, qui ne comptait que 20 000 individus en 2003. Aujourd'hui, grâce à cette action exemplaire, on compte 2,9 millions d'antilopes, et l'espèce est passée du statut d'espèce "en danger critique d'extinction" à celui d'espèce "quasi menacée" sur la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature.

En Californie, la faune sauvage a bénéficié des efforts déployés depuis des décennies par la tribu amérindienne Yurok pour reconstituer les populations animales sur les territoires tribaux. En 2024, cette action au long terme a permis le retour inespéré du saumon dans la rivière Klamath (Oregon), après un siècle d'absence. « Un retour des saumons aussi rapide et important était assez incroyable » a déclaré Barry McCovey, l'un des biologistes responsable de ce plan de sauvegarde naturel. Parallèlement, un programme intensif de réintroduction des condors de Californie a également connu un véritable succès. Les Indiens Yurok mènent dans cet Etat, depuis 2008, un projet de remise en liberté de cet oiseau qui était en voie d'extinction. A présent, on compte une vingtaine de condors en Californie sur le territoire Yurok. Les enseignements de cette étude sont que la nature possède une remarquable capacité de résilience et peut presque toujours parvenir à se "réparer", pourvu qu'on lui en laisse le temps et qu'on inscrive ces actions de restauration de sauvegarde dans la durée, en y associant activement, ce point est fondamental, les populations locales.

Dans le domaine de l'énergie et du climat, deux avancées récentes méritent d'être évoquées. Pour transformer le carbone, les chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont mis au point un procédé innovant, reposant sur une électrode de diffusion de gaz constituée de téflon et d'un fin tissage de fils de cuivre. Testée pendant plusieurs jours en continu, cette électrode s'est avérée capable de transformer, avec un haut rendement, le CO2 en éthylène par conversion électrochimique. Indispensable dans de nombreuses applications industrielles, l'éthylène peut être transformé en carburant, ainsi qu’en différents plastiques. La méthode de conversion développée par l’équipe pourrait également être utilisée pour convertir le carbone en d’autres produits de grande valeur, tels que le méthane, le méthanol ou le monoxyde de carbone (Voir MIT).

Au même moment, à Manchester, une équipe de chercheurs britanniques a également réussi une percée remarquable, en transformant du dioxyde de carbone, l’un des principaux gaz à effet de serre, en plastiques renouvelables. Pour réussir cet exploit, ces chercheurs anglais ont utilisé ces micro-organismes photosynthétiques également connus sous le nom d’algues bleu-vert, capables de convertir le CO2 et la lumière solaire en énergie. Ces algues ont été génétiquement modifiées de manière à produire du citramalate, un composant essentiel pour la fabrication de plastiques durables tels que le Perspex, une alternative écologique aux matériaux dérivés des combustibles fossiles et très difficiles à recycler. L’étude a montré qu'il était possible de multiplier par 23 la production de citramalate, grâce à l’optimisation de plusieurs paramètres, notamment l’intensité de la lumière, les niveaux de CO2 et la disponibilité des nutriments. Comme le souligne Matthew Faulkner qui a dirigé ces travaux, « En transformant le CO2 en quelque chose de précieux, nous ne réduisons pas seulement les émissions, nous créons également un cycle durable où le carbone devient la brique de base pour la construction des produits utiles dont nous avons besoin tous les jours. Ce projet est un exemple éclatant de la façon dont la science peut contribuer à résoudre certains des problèmes environnementaux les plus pressants de notre époque » (Voir Manchester 1824).

Ces deux avancées concomitantes montrent qu'il est à présent envisageable de considérer le CO2, non plus seulement comme une substance nuisible qu'il faut éliminer à tout prix, ou emprisonner sur le long terme, mais comme une véritable ressource, retransformable, pour un faible coût énergétique et écologique, en molécules ou produits chimiques d’intérêt, à haute valeur ajoutée, biocarburants et produits pharmaceutiques notamment. Ces deux technologies de rupture font d'une pierre deux coups, en apportant une contribution importante à la lutte contre le réchauffement climatique et en accélérant la mise en place d'une économie circulaire et vertueuse, qui ouvre la voie à une diminution de notre dépendance aux ressources non renouvelables.

Je termine enfin ce trop rapide tour d'horizon des multiples découvertes scientifiques qui ont marqué 2024 par une magnifique étude qui éclaire nos origines et précise les rapports complexes qui ont existé pendant des millénaires entre les Néandertaliens et les Homo Sapiens. Une équipe internationale, dirigée par des chercheurs de l'Institut Max-Planck d'Anthropologie Évolutive, est parvenue à séquencer les plus anciens génomes d’Hommes modernes connus à ce jour. Chose rare, cet exploit scientifique a été publié le même jour dans les deux revues les plus prestigieuses du monde, Nature et Science (Voir Nature). Cette étude révèle de nouvelles informations précieuses sur le parcours des premiers humains modernes en Europe, qui venaient juste d’arriver d'Afrique, et sur leurs interactions avec Neandertal. Ces scientifiques ont réussi à séquencer les plus anciens génomes d’êtres humains modernes, datés de 45.000 ans environ. Ces génomes, appartenant à sept individus, mettent en évidence une lignée de Sapiens qui se serait séparée du groupe d’humains modernes sorti d’Afrique il y a environ 50.000 ans.

Cette étude démontre également que ces premiers Hommes modernes d’Europe se sont croisés avec les Néandertaliens plus tard qu’on ne le pensait jusqu’ici, il y a entre 45.000 et 49.000 ans, ce qui avance dans le temps l’épisode de métissage commun à toutes les populations non-africaines, une époque qui correspond à la présence faible mais déterminante (environ 3 %) d’ADN néandertalien dans le génome des populations non-africaines actuelles. Ces résultats sont d'une importance considérable car les chercheurs ont réussi à décrypter, à un niveau de précision inédit, le génome d'un individu vieux de 45.000 ans, ce qui constitue un véritable exploit scientifique. Cette datation fiable et précise permet de mieux comprendre les méandres de notre évolution. Elle conforte notamment l’hypothèse que la migration de notre lignée depuis l'Afrique a eu lieu, au plus tard, il y a 43.500 ans. Cette découverte accrédite également la thèse selon laquelle les restes anthropologiques ou vestiges archéologiques hors d'Afrique attribués à des humains modernes de plus de 50.000 ans – soit avant la rencontre avec Neandertal – ne peuvent provenir de nos ancêtres directs, car, comme le souligne ce travail qui fera date, « Tous les Homo sapiens qui vivaient hors d'Afrique il y a 50.000 ans n'ont probablement pas de descendants vivants actuels ». Commentant cette étude, le Professeur Krause, de l'institut Max Planck, souligne que « Nos travaux montrent que l'histoire humaine n'est pas linéaire ; elle est foisonnante, et parfois régressive et montre que nous nous sommes en fait éteints plusieurs fois ».

Il est frappant de constater que, pour toutes ces avancées qui concernent des domaines divers, biologie, médecine, énergie, climat, environnement, anthropologie, les nouveaux outils d'intelligence artificielle ont joué un rôle important et parfois déterminant. L'IA apparaît donc, comme cela a été le cas avec l'arrivée de l'Internet il y a 30 ans, comme un formidable catalyseur d'innovations et de découvertes, tant dans la recherche fondamentale que dans la recherche appliquée et industrielle. Demain, l'IA générative universelle, combinée avec le potentiel immense de calcul et de stockage de l'informatique quantique et photonique, va totalement remodeler nos sociétés et les faire accéder à un niveau de connaissance scientifique et de puissance technologique que nous avons encore de la peine à imaginer. Nos systèmes économiques, sociaux mais aussi politiques, s'en trouveront profondément bouleversés. C'est pourquoi nous devons dès à présent réfléchir ensemble à l'avenir que nous souhaitons voir émerger, pour nous mêmes et pour nos enfants, afin que toute cette puissance scientifique et technique se déploie toujours avec sagesse, humanité et discernement, au service et pour le bien de tous...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top