Edito : Après la COP 26, des pistes nouvelles pour réduire drastiquement nos émissions de CO2
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René Trégouët
Sénateur Honoraire
Créateur du Groupe de Prospective du Sénat
Rédacteur en Chef de RT Flash
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EDITORIAL :
Après la COP 26, des pistes nouvelles pour réduire drastiquement nos émissions de CO²
Après les résultats mitigés obtenus par la récente COP 26 à Glascow, il est nécessaire qu'un maximum de Pays prennent enfin conscience de la gravité de la situation et apportent des idées nouvelles pour aider à trouver une solution.
C'est ce que je vais essayer de faire aujourd'hui, à ma modeste échelle, par cet édito.
Une nouvelle étude internationale, publiée le jeudi 4 novembre 2021, montre que les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) sont reparties à la hausse, et devraient ainsi atteindre 36,4 gigatonnes pour 2021, soit un niveau presque équivalent à celui d'avant la pandémie (Voir Global Carbon Project). Les émissions mondiales de CO2 sont tirées vers le haut par les deux géants asiatiques que sont l’Inde et la Chine, qui représenteront en 2021 à eux-seuls presque 40 % du carbone émis dans l’atmosphère. Si l’on prend également en compte les 2,9 milliards de tonnes d'émissions de CO2, correspondant aux effets des activités humaines impactant les terres (déforestation, dégradation des sols, végétalisation...), on constate que les émissions anthropiques totales pour 2021 devraient atteindre au moins 39 milliards de tonnes de CO2 pour 2021, soit une moyenne de 4,9 tonnes pour chaque terrien. N’échappant pas à ce rebond économique mondial, les émissions des États-Unis et de l'Union européenne devraient augmenter de 7,6 % cette année, même si elles resteront en moyenne inférieures de 4 % aux niveaux de 2019.
En tendance, nos émissions de CO2 ont été multipliées par 2,4 depuis 1970 au niveau mondial et, ce qui est encore plus révélateur, elles ont également augmenté, dans le même temps, de 10 % pour chaque habitant de la planète, alors que la population mondiale a progressé de plus de quatre milliards d’habitants depuis 1970. Quant à la concentration du CO2 dans l’atmosphère, elle atteint désormais 415 parties par million, soit une augmentation de 50 % par rapport aux niveaux préindustriels. En 2020, les concentrations de CO2 atmosphérique ont été plus élevées que jamais depuis au moins 2 millions d'années, et la température à la surface du globe a augmenté plus rapidement depuis 1970 que pendant toute autre période de 50 ans au cours des 2.000 dernières années. Quant au niveau moyen mondial des mers, il a augmenté plus rapidement depuis 1900 qu'au cours de tout autre siècle précédent, depuis au moins 3.000 ans.
Cette étude de référence du GCP (globalcarbonproject) a réactualisé le budget carbone mondial, en s’appuyant sur le dernier rapport du GIEC. Et les prévisions sont implacables : selon un premier scenario du GCP, si nous voulons atteindre l'objectif d'une limitation à 1,5℃ de réchauffement global pour le XXIe siècle, nous disposons d’un budget carbone total à émettre de 420 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires au niveau mondial, ce qui correspond à 11 ans d'émissions en prenant 2021 comme année de référence. C’est pratiquement mission impossible !
Le second scenario envisagé du GCP prévoit que, pour limiter cette fois ce réchauffement à 2℃, le budget carbone mondial est logiquement plus important ; il s'élève cette fois à 1 270 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires, soit 32 ans d'émissions au rythme actuel. Mais, même dans cette hypothèse, nos émissions de CO2 doivent diminuer de 1,4 milliard de tonnes en moyenne chaque année dès 2022, un objectif très difficile à atteindre, quand on sait que les émissions mondiales de CO2 pour 2021 devraient encore augmenter de 4,4 % par rapport à celles de 2019, année de référence d’avant la pandémie de Covid-19. A plus long terme, pour empêcher le réchauffement climatique de s’accélérer jusqu’à devenir incontrôlable et dévastateur, nous devons réduire au moins de moitié nos émissions globales de CO2 d’ici 2050, et les diminuer de 90 % d’ici la fin du siècle, ce qui implique que toute émission restante de CO2 devrait être compensée par l'élimination d'une quantité équivalente dans l'atmosphère.
Dans le cadre de la COP 26, qui vient de se terminer à Glasgow le 12 novembre dernier, les derniers engagements pris par le 152 pays, représentant 88 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, devraient, en théorie, permettre de réduire les émissions de 4,8 gigatonnes (gt) d’équivalent CO2 supplémentaires d’ici 2030. Mais l’ONU, comme l’ensemble des ONG climatiques soulignent avec force que ces nouveaux engagements, y compris le nouvel accord concernant la diminution des émissions de méthane, laissent le monde sur une trajectoire de hausse des températures de plus de deux degrés. Le groupe de recherche Climate Action Tracker, réputé pour son sérieux, a par exemple estimé, il y a quelques jours, que l’ensemble des engagements nationaux pris à la COP 26 permettraient seulement de limiter le réchauffement de la planète à 2,4°C d'ici la fin du siècle, bien supérieur à l'objectif fixé par les Nations unies pour 2100. L’ONU partage cette analyse et prévoit, sans une action plus vigoureuse des états, une hausse des températures de 2,1° d’ici la fin du siècle. Il est vrai que les deux principaux accords de cette COP 26, celui qui prévoit l’arrêt définitif du charbon en 2030 pour les pays développés et en 2040 pour les pays en voie de développement, et celui sur le méthane, qui prévoit une réduction des émissions mondiales de méthane d'au moins 30 % d'ici à 2030, n’ont pas été signés par des puissances économiques aussi importantes que la Russie, la Chine et l’Inde, qui entendent mettre en œuvre, à leur rythme, leur propre calendrier climatique, en fonction de leurs contraintes économiques particulières.
La part des combustibles fossiles dans le mix énergétique mondial reste très élevée, 79,5 %, et même plus de 256 GW d’énergies renouvelables ont été ajoutés dans le monde en 2020, la part totale des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie (à l’exclusion du bois de chauffage) n’est encore que de 10,5 % au niveau planétaire. Or, la feuille de route tracée par le GIEC et reprise par la COP 26 est claire : si nous voulons réduire suffisamment nos émissions de CO2 pour limiter à deux degrés le réchauffement climatique en cours, nous devons porter la part des énergies renouvelables (hors nucléaire) à au moins 50 % du mix énergétique mondial en 2050. Sachant que, d’ici cet horizon, la consommation mondiale d’énergie risque de fortement augmenter et d’atteindre, selon l’AIE, 19,6 gigatonnes-équivalent pétrole (contre 13,5 en 2020), cela signifie qu’il faut multiplier par plus de sept en moins de trente ans la capacité mondiale de production d’énergie renouvelable, ce qui est un défi considérable.
Mais cette nécessaire transition énergétique mondiale gigantesque ne suffira pas, tous le spécialistes sont d’accord sur ce point, à diminuer suffisamment nos émissions de CO2 pour maîtriser le changement climatique en cours. C’est pourquoi le monde va devoir également actionner plusieurs autres leviers puissants, parmi lesquels on trouve les actions concernant l’agriculture, l’élevage, la gestion et la protection des forêts et les technologies de capture et de stockage du CO2.
Les experts d’I4CE, un groupe français de réflexion sur l’économie climatique, estiment que la demande alimentaire mondiale génère au moins un quart des rejets de gaz à effet de serre, tous secteurs confondus (sans tenir compte des effets, difficiles à évaluer, de la déforestation entraînée par la production alimentaire), (Voir I4CE). Selon I4CE, l’élevage représenterait presque les deux-tiers des rejets de l’alimentation alors qu’il ne fournit que 16 % des calories consommées dans le monde. Il semble donc inévitable de diminuer sensiblement notre production et notre consommation de protéines issues de l’élevage terrestre et de privilégier la consommation de protéines végétales ou marines, qui devront représenter les trois-quarts des protéines que nous consommerons dans 30 ans. Mais il faudra aussi, dans le même temps, réduire au moins de moitié l’incroyable gaspillage alimentaire mondial, 1,2 milliard de tonnes perdues chaque année, ce qui suppose de revoir complètement toute la chaîne logistique de la production alimentaire et de modifier profondément nos habitudes de consommation. Cette mutation sera certes lourde, complexe et difficile à mettre en œuvre, mais nous n’avons plus le choix car, à la clé, c’est au bas mot 5 milliards de tonnes de CO2 qui pourront être évitées chaque année, l’équivalent des émissions annuelles des Etats-Unis…
Un autre levier permettant de réduire sensiblement les effets du réchauffement climatique est celui de la préservation et du reboisement des forêts primaires (1 milliard d’hectares, soit le quart de la surface forestière mondiale). Les scientifiques estiment que, sur les vingt dernières années, les forêts, dans leur ensemble, ont absorbé deux fois plus de carbone qu’elles n’en ont rejeté : 16 milliards de tonnes de CO2 ont été piégées chaque année par les forêts, contre une moyenne annuelle de 8 milliards de tonnes de CO2 libérées. Deux chercheurs, Richard A. Houghton et Alexander Nassikas, du Woods Hole Research Center et Brett Byers du Rainforest Trust, ont montré que les forêts pourraient à court terme contribuer de manière considérable à la stabilisation des émissions mondiales de CO2 (Voir NCC). Selon ces scientifiques, en réduisant la déforestation, en favorisant la restauration des forêts dégradées par le déboisement, et en reboisant les zones défrichées, il serait possible, pour un coût total modique, d’éviter jusqu’à cinq milliards de tonnes d’émissions de carbone par an, soit près de la moitié des émissions actuelles dues aux énergies fossiles, pour environ 50 ans.
Thomas Crowther, chercheur au Département des sciences des systèmes de l'environnement de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, estime qu’une reforestation massive est « l’une des stratégies les plus efficaces pour atténuer le changement climatique ». Dans une étude récente, réalisée avec des chercheurs du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et de la FAO (Organisation pour l'alimentation et l'agriculture), il soutient que la « restauration des terres forestières à l'échelle mondiale » pourrait contribuer à « capturer le carbone atmosphérique et à atténuer le changement climatique ». Selon cette étude, il est possible de planter 1 200 milliards d’arbres supplémentaires, et d’augmenter de 0,9 milliard d'hectares supplémentaires la surface forestière mondiale ; cela représenterait une augmentation de plus de 25 % du couvert forestier mondial, ce qui permettrait de stocker environ 205 gigatonnes de carbone supplémentaire, l’équivalent de 25 % du stock actuel de carbone atmosphérique (Voir Science). Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) des Nations unies recommande de son côté d'ajouter 1 milliard d'hectares de forêts pour contribuer à limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C d'ici à 2050.
La préservation des océans et de leurs écosystèmes nous offre une autre et puissante voie d’action pour lutter contre le changement climatique. On estime qu'en 2020, les océans ont absorbé environ 9 milliards de tonnes de carbone, soit plus du quart des émissions mondiales. Selon un rapport de l'ONU, l'équivalent de la moitié des émissions annuelles de carbone, générées par le secteur mondial des transports, est piégé et conservé par les écosystèmes marins tels que les mangroves, les marais et les prairies sous-marines, c’est le fameux « carbone bleu », qui ne représente que 2 % de la surface océanique mondiale, mais 50 % du carbone stocké dans les sédiments océaniques, soit un réservoir de carbone stocké via ces écosystèmes de 75 Gt de carbone, l’équivalent de 8 années d’émissions de CO2 mondiales liées à l’énergie. Une baisse de la déforestation terrestre combinée à une réhabilitation de la couverture et de l'état de ces écosystèmes marins permettrait une baisse de 25 % de ces émissions, réduction nécessaire pour éviter un changement climatique incontrôlable.
Parmi les solutions envisagées pour limiter la hausse des températures : retirer le CO2 présent dans l'air. Développée par l’entreprise suisse Climeworks, dans le cadre du projet islandais Carbfix, la plus grande usine de captage et de stockage de CO2, baptisée « Orca », vient d'être lancée en Islande et doit aspirer des tonnes de dioxyde de carbone de l'atmosphère. Elle est équipée de douze ventilateurs qui aspirent l'air. Le CO2 est ensuite filtré et chauffé pour être séparé de l'air « pur », qui est, lui, rejeté dans l'atmosphère. Le dioxyde de carbone est ensuite mélangé à de l'eau pour être injecté à 1.000 mètres de profondeur, dans le basalte, où il se transformera en roche en deux ans environ. Le CO2 est donc retiré de l'atmosphère de manière permanente.
L'énergie nécessaire au fonctionnement de l'usine est fournie par une installation géothermique à proximité du site, et Climeworks annonce une efficacité de 90 % en termes d'émissions de CO2. Cette technologie, appelée « Direct Air Capture » (DAC), pourrait permettre de compenser les émissions de certains secteurs comme l'aérien ou l'agriculture, qui sont difficiles à décarboner. L’originalité de l’usine Orca est qu’après avoir extrait le CO2 de l’air, elle le stocke définitivement sur place, à grande profondeur. L'usine peut capturer 4.000 tonnes de CO2 par an et est ainsi la plus grande usine de capture directe et de stockage de CO2 au monde.
Le Japon travaille également et activement à la capture et au stockage du CO2. Sur l'île d'Hokkaido, scientifiques et ingénieurs nippons ont monté le projet de démonstration de Tomakomai, qui récupère chaque jour 600 tonnes de CO2 provenant d’une installation d'approvisionnement en gaz dans la raffinerie Idemitsu Kosan Hokkaido, voisine du Centre. Une fois au sein du Centre de démonstration, le CO2 est isolé et capté par absorption chimique. Le CO2 est ensuite acheminé sous pression vers des couches géologiques situées sous les fonds marins, entre 1000 et 3000 mètres de profondeur. Les autorités japonaises précisent qu’elles ont largement dépassé l’objectif initial du projet (100 000 tonnes de CO2 stocké), puisqu’elles ont réussi à injecter 300.000 tonnes en deux ans dans le sous-sol. « L'Agence internationale de l'énergie estime qu’en 2050, nous devrons être capables de stocker 7 milliards de tonnes de CO2 par an grâce aux systèmes de captage-stockage pour atteindre l’objectif de zéro émission nette, et notre technologie pourra contribuer à atteindre cet objectif ambitieux », souligne Nakajima Toshiaki, responsable du projet.
Mais le Japon ne travaille pas uniquement sur le captage du CO2 à sa source et à son stockage. Ses ingénieurs ont aussi trouvé comment utiliser ce gaz pour produire un béton à bilan carbone négatif appelé CO2-SUICOM. « Le béton ordinaire émet environ 288 kg de CO2 par m³ lors de sa production, mais le béton CO2-SUICOM présente lui un bilan négatif de 18 kg », indique Watanabe Kenzo, directeur général du Groupe matériaux de construction et béton à l'Institut de recherche technique Kajima. Il s'agit du premier béton au monde qui est non seulement négatif en carbone, mais aussi capable d'absorber du CO2 pendant le processus de durcissement.
Outre-Rhin, des chimistes de l'Université Johannes Gutenberg de Mayence (JGU) en Allemagne ont développé une technique qui permet de réduire considérablement les émissions de CO2 de la production de ciment à long terme. Dans ce procédé, la chaux brute (CaCO 3) n'est plus transformée en chaux brûlée dans des fours à charbon mais est simplement broyée avec du silicate de sodium solide (Na 2 SiO 3). Alors que les procédés actuels nécessitent des températures de 1 000 à 1 500 degrés Celsius, l'étape de broyage est réalisée à température ambiante. En réduisant ainsi considérablement la consommation d’énergie nécessaire, ce nouveau procédé de fabrication du ciment pourrait permettre à terme d’éviter une gigatonne d’émissions de CO2, c’est-à-dire presque un tiers des émissions de l’UE.
Les algues marines sont également appelées à jouer un rôle important dans cette course à la récupération et au stockage du CO2. Ces plantes aquatiques absorbent cinq fois plus de carbone que les forêts. « Elles sont le plus grand puits de carbone qui existe, puisque 85 % du CO2 qui est absorbé par les océans est assimilé par les algues et le plancton », explique Philippe Potin, directeur de recherche au CNRS. A Fos-sur-Mer, près de Marseille, le projet Vasco utilise avec succès, depuis 3 ans, des microalgues dépolluantes qui absorbent, grâce aux tuyaux raccordés aux bassins, les fumées industrielles voisines. Actuellement, on estime que les algues permettent déjà de capter et stocker 173 millions de tonnes de m3 de carbone chaque année à l’échelle mondiale – l’équivalent des émissions annuelles de l'Etat de New York.
Ce potentiel considérable de la culture d’algues pour lutter contre le réchauffement climatique est confirmé par une étude américaine menée par Halley Froehlich, chercheuse à l'Université de Californie à Santa Barbara. Ces travaux ont permis de quantifier pour la première fois la capacité globale de l'algoculture à grande échelle pour contrebalancer les émissions terrestres de carbone et cartographie les régions propices au développement de la culture des macroalgues : la mise en place de l'algoculture sur seulement 3,8 % des eaux fédérales au large de la Californie pourrait neutraliser les émissions dégagées par l'industrie agricole de l'état. Ces recherches ont évalué la superficie océanique totale compatible avec l'algoculture à 48 millions de km². L’étude souligne que, même si les algues ne sont pas une solution-miracle pour compenser nos émissions de CO2, il serait possible, en développant l’algoculture à grand échelle (7,3 millions de km2, ce qui représente 15 % de l'océan) de compenser la totalité des émissions directs de CO2 provoquées par l’agriculture mondiale.
La société américaine Hypergiant Industries a récemment présenté son prototype baptisé Eos Bioreactor. Cet appareil se présente sous la forme d’un cube de 2,13 m de hauteur sur 91 cm de côté, capable de stocker autant de CO2 qu’une surface forestière de 0,4 hectare ! Avec une capacité de stockage 400 fois plus performante que celle d’un arbre, cet étonnant bioréacteur pourrait jouer un rôle important dans la capture et le stockage décentralisé du CO2.
Une autre technique, simple et peu coûteuse, a révélé un énorme potentiel pour éliminer le CO2 de l'air : la fertilisation des sols à l’aide de poudre de roche silicatée ou farine de pierre. Une étude internationale à laquelle l'Université d’Anvers a participé, a montré que le basalte était une excellente roche pour appliquer cette technique, car il contient des éléments nutritifs qui favorisent la croissance des plantes et enclenche ainsi un deuxième mécanisme d'élimination du CO2 (Voir University of Antwerp).
Selon ces travaux, cette technique pourrait permettre l'élimination de 2,5 milliards de tonnes par an, l’équivalent des émissions de l’Inde. Le chercheur Ivan Janssens de l'Université d'Anvers souligne que « L'élimination la plus importante de CO2 a été constatée dans des régions qui étaient auparavant considérées comme impropres à de tels ajouts de farine de roche. Le potentiel global d'élimination du CO2 du basalte est donc beaucoup plus important que ce qui avait été suggéré auparavant ».
Evoquons enfin un accord très important, pris par une trentaine de pays et six constructeurs, dans le cadre de la COP 26 qui vient de se terminer à Glasgow, et qui prévoit que tous les véhicules neufs, fourgonnettes comprises, mis sur les marchés du monde entier, soient tous zéro émission d'ici à 2040. Cet accord devrait provoquer un effet d’entraînement et accélérer la décarbonation des transports terrestres, qui représentent 6 gigatonnes de CO2 par an (15 % des émissions totales) et ont augmenté de 77 % depuis 1990. Cette « feuille de route » volontariste devrait permettre aux ventes de véhicules propres ou à faibles émissions, comme le prévoit un récent rapport de BloombergNEF (Voir BNEF), de dépasser celles des véhicules thermiques dès 2037, au niveau mondial, ce qui aboutirait à décarboner un tiers du parc mondial, à l’horizon 2040.
Nous avons longtemps cru, dans une vision un peu simpliste des choses, que la montée en puissance très forte des énergies renouvelables et décarbonées (y compris le nucléaire) pourrait permettre de régler une grande partie du défi climatique en diminuant massivement nos émissions de CO2. Mais nous savons à présent qu’en matière climatique et énergétique, les choses sont bien complexes et que, pour réduire au moins de moitié nos émissions globales de CO2 d’ici 2050, nous allons devoir, en modifiant profondément nos pratiques agricoles, notre gestion des sols des forêts et en utilisant l’immense potentiel des océans, faire de la nature une alliée précieuse, et à nouveau capable d’absorber et de recycler bien plus efficacement le CO2 que nous émettons. Pour au moins un cinquième de l’effort gigantesque de réduction de nos émissions de CO2 que nous devons accomplir d’ici 30 ans, nous allons également avoir besoin de recourir, à une échelle industrielle, à de nombreuses technologies complémentaires de capture et de stockage du carbone, dont certaines restent à inventer, qu’il faudra combiner de manière intelligente en fonction des contextes locaux.
Et tous ces efforts conjugués devront en outre s’inscrire dans un cadre de réduction massive de nos besoins « à la source » d’énergie, ce qui suppose une profonde transformation de nos sociétés, de nos économies et de nos modes de vie. C’est au prix de cette mutation globale et sans précédent dans l’histoire de notre espèce, que nous pourrons faire tomber, en dépit d’une Terre qui comptera deux milliards d’habitant en plus, les émissions de CO2 de 40 à 20 milliards de tonnes en 2050, ce qui devrait nous permettre, non pas de stopper le changement climatique irréversible en cours, mais d’en garder le contrôle, et d’éviter qu’il ne rende notre planète invivable…
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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