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Une anomalie de l'eau expliquée
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Pour des températures inférieures à une centaine de kelvins, des effets quantiques contrôlent le volume qu'occupe en moyenne une molécule. Mais pour l'eau, ce volume présente une anomalie dont on vient de comprendre l'origine.
L'eau, sous forme de glace, a un comportement surprenant. À très basse température, lorsqu'on échange les atomes d'hydrogène par des isotopes plus lourds, la variation de volume est anormale : le cristal de glace devient plus grand. Une équipe dirigée par Maria Fernández-Serra de l'Université Stony Brook, aux États-Unis, a modélisé les phénomènes quantiques qui reproduisent ce comportement de l'eau.
Le volume occupé en moyenne par un atome (ou une molécule) est déterminé en mesurant les dimensions de l'échantillon de matière considéré et en divisant par le nombre d'atomes (ou de molécules) qu'il contient. Quand la température baisse, les atomes s'agitent moins et le volume effectif d'un atome diminue... jusqu'à une certaine limite due au principe d'incertitude de Heisenberg. Comme il n'est pas possible d'avoir simultanément une bonne précision sur la position et la vitesse d'une particule, un atome garde une certaine agitation même à la température du zéro absolu. Cette agitation donne le volume minimal occupé par l'atome.
Prenons le cas de l'atome de néon et comparons le volume de deux isotopes ayant respectivement 20 et 22 nucléons. Le néon 20, plus léger, est plus volumineux – de 0,6 pour cent. En effet, le principe de la dualité onde-corpuscule indique que plus un corpuscule est léger, plus les effets ondulatoires, ou quantiques, sont importants. Ainsi, l'agitation quantique est plus forte pour le néon 20 et son volume effectif est supérieur. La différence de taille entre les deux isotopes augmente quand la température baisse. On retrouve ce comportement dans de nombreux atomes et molécules, mais l'eau fait exception.
La molécule d'eau a une masse sensiblement égale à l'atome de néon. Que se passe-t-il si on échange un atome de la molécule par un isotope plus lourd ? Si on remplace l'atome d'oxygène 16 par l'oxygène 18, on retrouve le même comportement que pour le néon : la molécule ayant l'isotope le plus léger est la plus volumineuse. Mais si on remplace les atomes d'hydrogène par du deutérium – dont le noyau a un neutron en plus du proton –, on observe une anomalie : dans la glace, la molécule d'eau composée de deutérium est plus grosse de 0,1 pour cent à zéro kelvin et la différence croît quand la température augmente.
M. Fernández-Serra et ses collègues ont montré l'influence importante sur le volume moléculaire des liaisons covalentes entre les atomes d'oxygène et d'hydrogène ainsi que des liaisons hydrogène. Ces dernières lient faiblement un atome d'hydrogène d'une molécule d'eau à un atome d'oxygène d'une molécule voisine. Les deux types de liaisons ne sont pas indépendantes, elles sont anti-corrélées : si deux molécules d'eau se rapprochent, la liaison hydrogène se renforce et affaiblit la liaison covalente. Cela crée des modes de vibration au sein des molécules. En remplaçant les atomes d'hydrogène par du deutérium, on modifie ces modes de vibration.
L'équipe de M. Fernández-Serra a montré que l'agitation quantique des atomes et des liaisons hydrogène agissent simultanément sur le volume de la molécule. L'atome d'hydrogène, plus léger que l'atome de deutérium, a une agitation plus grande. La distance moyenne aux autres molécules est alors réduite, ce qui renforce la liaison hydrogène et tend à réduire la taille du cristal, donc le volume effectif occupé par chaque molécule. Les physiciens montrent ainsi que la molécule composée d'hydrogène a un volume effectif plus petit. Des observations par diffraction aux rayons X au synchrotron du Laboratoire américain de Brookhaven confirment que le modèle des physiciens reproduit bien le comportement de la glace d'eau à des températures extrêmement basses.
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